« Le drame de la ville, c'est qu'elle ne trouve son ordre, les conditions de son épanouissement que sur le plan international, elle dépend de « logiques » à très large rayon. Il lui faut la complicité du dehors. Les fées qui la favorisent sont étrangères. »
Fernand Braudel
Le site historique de Lyon au Patrimoine mondial de l'Humanité ! Le 5 décembre 1998 - date officielle-, à la veille de la Fête des Lumières, les Lyonnais accueillaient l'heureuse nouvelle avec joie et fierté, mais aussi avec une surprise non dissimulée. Fiers, oui, les Lyonnais l'étaient et avaient raison de l'être ! S'ils n'étaient pas certains de saisir tous les enjeux, implications et réelles significations de cette reconnaissance internationale, les habitants de la capitale rhodanienne pouvaient désormais se réjouir de « cette haute distinction » 1 , du prestige de voir le coeur de leur cité (le Vieux Lyon, Fourvière, les Pentes de la Croix-Rousse et la Presqu'île) rejoindre des sites tels Venise, le Mont St-Michel, St Petersbourg, Prague, parmi la Liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO. L'événement ne provoqua toutefois pas l'exaltation des foules comme à Edimbourg 2 en 1995 : rares furent les Lyonnais descendus dans la rue afin de manifester leur allégresse. Les habitants ont ainsi vécu l'inscription comme « quelque chose qu'on leur apportait sur un plateau » 3 , telle une reconnaissance surgie de nulle part. L'impact de l'inscription d'un bien culturel sur la Liste de l'Unesco varie considérablement d'un pays à l'autre, notamment en fonction de la sensibilité de l'opinion publique à la valeur de son propre patrimoine 4 , mais aussi et surtout à la notion de "Patrimoine mondial". Or « bien qu'aucune enquête d'opinion internationale ne semble avoir été réalisée sur le sujet, l'un des premiers constats qui s'imposent à l'observateur attentif, est celui de la faible notoriété et de l'image souvent floue du concept (...) et des actions menées pour le protéger » 5 . "Inscrit" ou "classé", les deux termes n'ont pas la même signification lorsque l'on se réfère aux textes ; pourtant même les élus, les médias et leaders d'opinion les confondent, utilisant indifféremment ces adjectifs pour désigner la distinction dont bénéficie le site historique de Lyon depuis plus d'un an. Il y aurait donc ici matière à communiquer pour les collectivités locales, d'autant plus qu'au niveau international, les moyens actuellement mis à la disposition de l'Unesco pour la sensibilisation des médias et du public apparaissent dérisoires relativement à l'ampleur de la tâche.
Issue de la Convention sur la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, adoptée le 16 novembre 1972 à Paris, lors de la conférence générale de l'Unesco, la Liste du Patrimoine mondial recense à nos jours 582 sites - dans 114 pays. Seuls figurent sur cette Liste, les sites identifiés et désormais protégés de par leur "valeur universelle exceptionnelle". Ceux-ci représentant « les meilleurs exemples possibles du patrimoine culturel et naturel » 6 , leur protection devient alors une responsabilité internationale collective tout en induisant une certaine responsabilité au niveau local. Nous noterons que l'Unesco n'élit pas la plus belle ville du monde, mais sa spécificité et son authenticité. L'objet de la Liste du Patrimoine mondial consiste à attirer l'attention de la communauté internationale sur la richesse et la diversité de son patrimoine, ce qui conduit alors à adopter une pensée, une vision nouvelle du patrimoine. Héritage des pères (selon l'étymologie) qui se transmet de génération en génération, celui-ci n'est plus alors une 'une affaire de clocher' 7 , de possession personnelle, de hiérarchie ou de classement, mais une richesse à partager, valoriser et faire connaître au plus grand nombre. Cette Liste a progressivement intégré plusieurs catégories tels les monuments historiques isolés, puis des ensembles ou secteurs urbains, et enfin des sites, 'oeuvres de l'homme ou oeuvres conjuguées de l'homme et de la nature' 8 - cas de Lyon. Sans aller jusqu'à la notion d''inscription' qui semble particulièrement floue aux yeux du grand public, quelques lacunes ont d'autre part été enregistrées concernant la connaissance même de l'avènement du site historique de Lyon, et encore davantage la maîtrise des raisons et de la procédure engagée qui ont permis d'aboutir à ce titre prestigieux.
Un sondage IPSOS sur la vision de la ville qu'ont les Lyonnais et plus largement les Français, réalisé pour la municipalité, dévoilait ainsi que neuf Français sur dix et 45% des Lyonnais ignoraient encore, en juin 99, que la Cité des Canuts était entrée dans les rangs du Patrimoine de l'Humanité 9 . Bien que l'Office du Tourisme se soit emparé de la nouvelle très rapidement, Lyon aurait-elle plus fait preuve de 'savoir-faire' que de 'faire-savoir' ? Balbutiante, 'assez discrète' 10 , un peu tardive, 'pas assez forte' 11 à ses débuts, la communication des collectivités a parfois été jugée trop modeste au moment même de l'inscription, ceci jusqu'au vote au Conseil municipal 12 en septembre 1999, d'un plan de communication sur trois ans, relatif à l'image de Lyon suite à la reconnaissance de la valeur de son patrimoine. Annick Lioud, salariée de l'association Renaissance du Vieux Lyon, emploie même le terme de 'sous-information' 13 . Malgré une connaissance de plus en plus répandue du label attribué au patrimoine lyonnais, nombreux sont encore ceux qui associent le site historique au seul Vieux Lyon. De même, si l'inscription d'une partie de la ville leur apparaît légitime, les habitants de la Capitale des Gaules ne comprennent pas forcément les raisons du classement de la Presqu'île, quartier ne représentant à leurs yeux que peu d'intérêt historique et ne reflétant pas les plus beaux aspects de la cité. Cette incompréhension partielle trouve principalement son origine dans la relative méconnaissance des critères retenus par l'Unesco. Contrairement aux idées reçues, ce ne sont ni la beauté ni l'ancienneté de certains lieux du site qui ont décidé les experts à lui décerner le titre prestigieux de 'Patrimoine mondial de l'Humanité', mais deux critères beaucoup plus significatifs, les critères ii et iv de la convention :
- le témoignage exceptionnel de la continuité de l'installation urbaine sur plus de deux millénaires, sur un site à l'énorme signification commerciale et stratégique, où des traditions culturelles en provenance de diverses régions de l'Europe ont fusionné pour donner naissance à une communauté homogène et vigoureuse ;
- la façon dont Lyon s'est développée dans l'espace, illustrant de manière exceptionnelle les progrès et l'évolution de la conception architecturale et de l'urbanisme au fil des siècles.
L'Unesco a ainsi élu 2 000 ans d'histoire, de vie et d'habitat continu ; l'originalité d'une richesse architecturale présentant plusieurs périodes et styles successifs sans cacophonie, ni destruction ; mais encore et surtout la continuité à venir de cette évolution urbanistique, c'est-à-dire l'inscription de la défense du patrimoine dans la modernité. M.Todor Krestev, expert de l'ICOMOS -organisme de l'Unesco dont la mission consiste à évaluer les sites et leur authenticité-, a en effet tenu à s'assurer que la ville ne s'enfermerait pas dans la contemplation de ses acquis patrimoniaux au détriment de la création, en inscrivant à sa visite des symboles tels l'Opéra de Jean Nouvel et la Cité Internationale de Renzo Piano.
La population n'a pas non plus totalement mesuré l'ampleur des procédures préalables à cette inscription, considérée davantage comme le constat légitime d'une richesse culturelle et rarement comme le fruit d'un travail d'équipe, d'un travail intensif et de longue haleine que fût la mobilisation des pouvoirs publics et la constitution du dossier de candidature ! En réalité, l'aventure commence en 1995, sous l'impulsion de Régis Neyret, président de Patrimoine Rhônalpin, ancien président de la Renaissance du Vieux Lyon et alors futur coordinateur du projet. Sur son conseil et au nom de la Renaissance du Vieux Lyon (RVL), Denis Eyraud 14 suggère à Raymond Barre, maire de Lyon, et à Denis Trouxe, adjoint à la Culture et au Patrimoine, de poser la candidature du Vieux Lyon au Patrimoine mondial de l'Humanité. L'idée semble séduire ces derniers qui autorisent la RVL en novembre 1996, à inviter le Directeur Général de l'Unesco aux festivités de son cinquantenaire. Celui-ci se fait représenter par M. Azzedine Beschaouch, qui fait part de son avis très favorable à la candidature tout en conseillant d'élargir le secteur en question à un ensemble plus vaste 'réunissant en une seule entité les témoignages des siècles d'apogée de Lyon' 15 . Un Comité de pilotage, formé de représentants de la Ville de Lyon et de l'Office du Tourisme, du Conseil Général du Rhône, de la Région Rhône-Alpes, de membres de services déconcentrés de l'Etat tels la DRAC et de divers acteurs des milieux associatifs concernés, est alors réuni par la municipalité afin de définir la pertinence d'une candidature, la date de son dépôt, les grands axes de l'engagement : partenaires, degrés et natures de leurs implications...
Comité de pilotage
Un groupe de travail chargé de la mise au point du dossier de candidature est également constitué de janvier à mai 1997 autour de Régis Neyret et de Didier Repellin, Architecte en chef des Monuments Historique de Lyon et du Rhône.
Groupe de travail
Cette équipe a été chargée d'effectuer la tâche colossale des recherches historiques, des plans, de la réalisation de photographies, de la présentation des textes juridiques en vigueur... pour aboutir à une réussite officielle et artistique : un dossier réalisé dans la pure tradition des 'reliures à la lyonnaise' et présenté dans des classeurs recouverts de soie tissée Jacquard aux armes de Lyon. Chaque proposition d'inscription doit en effet, selon la Convention génératrice de la Liste du Patrimoine mondial, être présentée «sous la forme d'une explication raisonnée sur l'imprimé approprié et doit fournir toutes les informations utiles, afin de démontrer que le bien proposé est bien de valeur 'universelle exceptionnelle" ».
En juin 1997, le Ministère de la Culture présente ce dossier à l'Unesco. Conformément à la procédure, le Centre du Patrimoine mondial de l'Unesco vérifie le dossier puis le transmet à un organisme expert : l'ICOMOS. Un expert, M.Todor Krestev est ensuite accueilli à Lyon afin d'évaluer la valeur du site (en janvier 1998). Cependant cette lourde procédure et cet investissement considérable, pourtant essentiels à la consécration du 5 décembre 1998, demeurent particulièrement mal connus du grand public.
Dans ce contexte, multiples étaient, et sont toujours dans une moindre mesure, les matières à communiquer pour les collectivités. Lorsqu'il s'agit de permettre aux habitants de mieux appréhender leur environnement et les évolutions du milieu dans lequel, avec lequel, et parfois pour lequel ils vivent, la question de la nécessité, du devoir ou de l'opportunité d'une communication institutionnelle locale mérite d'être posée. En réalité, chacune de ces dimensions semble présente. Pierre Zemor définit plus généralement la communication publique comme « la communication formelle qui tend à l'échange et au partage d'informations d'utilité publique, ainsi qu'au maintien du lien social, et dont la responsabilité incombe à des institutions publiques » 16 . Cette définition renvoie entre autre aux obligations juridiques d'information du citoyen et de mise à disposition des données publiques désormais exigées des institutions publiques.
Ce "devoir de publicité" 17 , fréquemment associé dans les esprits à la légalité même d'une décision ou à la régularité d'une procédure relative à l'intérêt général, est précisé par de nombreux textes de loi, notamment celui du 17 juillet 1978, mais il répond aussi à un ensemble de règles implicites entre gouvernants et gouvernés. La légitimation des dirigeants et de leurs actions n'étant jamais acquise, la communication publique locale constitue, en effet, un moyen de faire connaître une institution, ses actions, ses produits ou services. Elle rejoint en ces points quelques aspects de la communication d'entreprise! La perspective tracée par Pierre Zemor souligne également l'impossible limitation de la communication publique à la stricte notion d'information. Le maintien du lien social nécessite en effet d'agir ou de tenter d'agir sur les individus, leurs comportements, leurs idées. Il s'agit « d'entraîner l'adhésion du plus grand nombre à l'accomplissement d'une tâche collective » 18 ou d'une action publique.
A ce titre, la communication des collectivités territoriales doit être efficace ! Elle doit convaincre en séduisant, et ne pas être un simple 'bombardement d'informations' 19 . Parmi ses défis majeurs figure tout naturellement le souci de sensibiliser les populations, de les fédérer autour des projets de l'équipe politique en place, et finalement d'économiser des interventions réglementaires. Jean-Marie Cotteret et Claude Emeri attribuent ainsi deux fonctions à la communication : celle d'informer mais aussi celle de modifier les préférences 20 . Or l'efficacité des messages sous-entend la pratique d'une 'communication de la relation' ou du semblant de relation : les usagers doivent ressentir une écoute et une réelle prise en compte de leur avis, et de leurs centres d'intérêts pour s'impliquer davantage dans la vie de la communauté locale. Dès cet instant, les frontières entre communication institutionnelle, attachée à l'exercice du pouvoir, et communication politique, attachée à la conquête et à la conservation du pouvoir, se révèlent beaucoup plus floues et perméables que les professionnels de la discipline ne veulent le reconnaître. En effet, comment distinguer dans la communication d'une institution, la part qui revient à l'accompagnement d'une politique préalablement délibérée et revêtant un caractère institutionnel, de celle qu'il incombe de rapprocher des préoccupations partisanes de maintien au pouvoir ?
De nombreuses interrogations ont ainsi vu le jour quant à l'attribution du bénéfice du plan triennal de communication lancé par la Ville de Lyon à l'issue de l'inscription du site historique à un an des nouvelles élections municipales. Certains journalistes ont noté qu'une telle campagne arrivait à point nommé pour redorer le blason de l'équipe en place, malgré l'insistance de cette dernière à rappeler qu'une année sépare la date d'achèvement de la campagne (2002) de l'échéance électorale de 2001, et qu'il y a eu unanimité pour le vote au Conseil municipal (sauf 2 abstentions du FN), ceci excluant de fait une vision partisane de l'action menée. Quoi qu'il en soit, il semble très important de souligner qu'une communication publique, institutionnelle, ou politique, ne peut remplacer et repose à l'origine sur une volonté politique ; qu'il s'agisse d'action(s), de projet(s) politique(s) ou tout simplement de l'importance accordée à la communication générale ou à un thème particulier de communication.
Phénomène de mode en adéquation avec l'intérêt croissant du public pour le patrimoine ; enjeu d'image institutionnelle ou touristique ; projet dont les retombées sont politiquement orientées ou vouées à terme à un satisfecit personnel ; réponse à une obligation juridique ou morale ? La nécessité d'une communication publique sur le site historique lyonnais semble s'imposer. En effet, il ne peut y avoir de vie municipale, départementale ou régionale sans communication. L'élu doit dire ce qu'il fait, pourquoi il le fait, comment il le fait. Les sondages ont d'autre part dévoilé que la nouvelle de l'inscription n'était pas encore véritablement et précisément intégrée par l'ensemble de la population. L'opportunité d'une telle communication s'impose également, car chacun des échelons territoriaux concernés par la localisation du site promu peut en retirer un certain bénéfice, une valeur ajoutée à la fois sur les plans politique, institutionnel, économique et touristique. Mais faut-il affirmer pour autant que toutes ces collectivités territoriales auraient dû s'intéresser aussi intensément au projet, à l'inscription et communiquer de manières similaires ?
Cette étude comparative des politiques de communication du Conseil Général du Rhône et de la Ville de Lyon sur l'inscription du site historique lyonnais au Patrimoine mondial de l'Humanité révèle des perceptions différentes de l'événement et de la communication à déployer à ce sujet. Ce travail met également en exergue les contraintes et la nécessité d'une certaine cohérencedes démarches ebntreprises. Ces deux approches non identiques conduisent à s'interroger sur les raisons de telles divergences et leurs poids respectifs. Si les compétences propres à chacune des dimensions territoriales et les degrés d'implication dans le projet interviennent incontestablement dans la définition de ces deux politiques, les lignes générales de communication, les personnalités des institutions et de leurs dirigeants, leurs ambitions paraissent également constituer des éléments très déterminants.
Afin de mieux percevoir les enjeux et mécanismes d'élaboration de ces stratégies de communication publique, ce travail s'appuie principalement sur une analyse des discours et perceptions de divers acteurs représentatifs de la scène publique.Par souci d'impartialité, la démarche adoptée revêt la forme d'entretiens semi-directifs approfondis, effectués auprès de responsables de la communication, qui de la Ville de Lyon, qui du Conseil Général du Rhône, qui du milieu associatif et culturel, ainsi qu'auprès de personnes tout particulièrement concernées par l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Unesco. Complété par une recherche bibliographique, cet outil a permis de lever le voile sur les relations entre les différents protagonistes, et leur rôle dans la mise en place des politiques de communication.
Cette recherche est, d'autre part, le fruit de l'observation de diverses actions de communication plus ou moins directes, relevant des médias ou du hors-médias, tels l'organisation d'une exposition fixe puis itinérante, les discours présents dans les publications de la Ville -LyonCité, Lyon, Cité du Patrimoine mondial...-, du Conseil Général -Le Rhône en découverte...- et du milieu associatif -Le Journal de la Renaissance du Vieux Lyon, Départements, Le courrier des départements...-, les communiqués et dossiers de presse, les campagnes d'affichages, les sites Internet, les journées de formation. Divers documents officiels, mis à la disposition du public via les bulletins municipaux, les dossiers de presse et rapport d'activité ont également concouru à cette analyse. Cet échantillon documentaire met en lumière la variété des outils et la diversité de leurs combinaisons, c'est-à-dire la multiplicité des stratégies possibles.
Enfin, j'ai pu assister à la réunion-bilan de l'enquête "Patrimoine" effectuée par la Chambre de Commerce et de l'Industrie à propos de la vision de Lyon par les Lyonnais. Cette expérience s'est révélé particulièrement intéressante puisqu'elle permet de mesurer l'impact des politiques de communication antérieures, de même que les efforts plus ou moins ciblés à déployer. La présence de nombreux responsables concernés par la communication relative au site lyonnais a de plus procuré, autant d'indices supplémentaires concernant la position de chacun sur le thème.
Ce travail remarque ainsi l'existence d'un projet de communication assez ambitieux de la part de la Ville parallèlement à une communication que l'on pourrait qualifier d'arrière-plan, beaucoup plus effacée et indirecte de la part du Conseil Général. Cependant, si ce dernier ne semble pas avoir saisi l'opportunité de l'inscription du site historique en terme d'enjeu d'identité, d'affirmation de l'image de l'institution et de son action, l'hypothèse d'une coopération entre les deux collectivités paraît plus adéquate que celle d'une concurrence impitoyable - ce qui ne réfute toutefois pas l'existence possible de tensions. Adaptation contrainte, concertation ou équilibrage 'naturel' de deux lignes de communication différentes, le souci d'une certaine cohérence sur un même territoire de communication semble avoir conduit à une sorte de complémentarité.
Sans avoir l'ambition de révéler le monde et des règles du jeu intangibles de la communication publique, cette étude comparative de deux cas concrets de communication sur un même thème, permettra, espérons- le, d'éclairer quelque peu la complexité et la multiplicité des éléments à prendre en compte dans l'élaboration d'une stratégie de communication locale. Pour une meilleure compréhension de la nécessité, des enjeux et des opportunités à communiquer sur cette reconnaissance de l'Unesco, l'analyse ne pourra cependant faire l'économie d'une sorte d'état des lieux préalable autour du site historique et de son inscription.
« Mes amis m'avaient dit "Pourquoi quitter Paris ? Jamais Parisien ne put vivre à cent lieues de l'Opéra. A Lyon, hélas, votre sort est certain : vous y dépérirez irrémissiblement de nostalgie. C'est une ville de brouilllards et de marchands". Huit mois ont passé depuis mon arrivée. J'ai vu, à la vérité, beaucoup plus de marchands que de brouillards - et je suis fort satisfait et fort bien portant... »
Jean Dufourt
Argument de poids pour casser les stéréotypes négatifs ou étouffants, la reconnaissance de Lyon par l'Unesco le 5 décembre 1998 intervient à point nommé pour stimuler l'activité touristique et redorer l'image de la ville. Cependant, si la tâche de ceux qui ont pour rôle de vendre la capitale rhodanienne est assurément facilitée par cette opportunité de développement à la fois économique et culturel, encore faut-t-il que les principaux acteurs concernés l'initiative s'en saisissent et s'en prévalent. Au-delà d'un 'vecteur fantastique de communication' 21 en terme d'attractivité et de restauration d'image en France et à l'étranger, l'inscription a également créé une nécessité : celle d'informer et de sensibiliser les Lyonnais eux-mêmes sur la richesse et la valeur du patrimoine de leur cité, qu'à force de regarder ils ne voyaient plus guère.
« Lyon, exemple éminent d'établissement humain, représente un témoignage exceptionnel de la continuité de l'installation urbaine sur plus de deux millénaire » ; quelle collectivité ne pâlirait d'envie face à un tel éloge du Comité du Patrimoine de l'Unesco ? Fiers de cette reconnaissance, les promoteurs de la région lyonnaise parlent d'une seule voix pour affirmer la valeur et le potentiel inestimable que celle-ci représente en matière de prestige et de développement local. La Ville de Lyon et ses partenaires sont toutefois conscients qu'une inscription sur la Liste de l'Unesco ne suffit pas en soi. Eric Ballerin, directeur marketing de l'Office du Tourisme des Congrès, souligne ainsi qu' « on peut être inscrit au Patrimoine mondial et rester totalement inconnu » 22 . En effet, rares sont les personnes à connaître l'existence même du Patrimoine de l'Humanité et la récente promotion de Lyon parmi ses rangs. Il s'agit donc davantage d'un label à promouvoir, à mettre en musique sous ses diverses facettes. Si les enquêtes successives réalisées, qui pour la municipalité, qui pour l'Office du Tourisme, qui pour la Chambre de Commerce et de l'Industrie de Lyon, offrent des chiffres encourageant concernant la propagation de l'information en la matière -en février 2000, 70% des Lyonnais 23 et environ 30% des touristes en séjour à Lyon durant l'été 1999 24 étaient au courant de l'inscription -, les habitants de la capitale rhodanienne font encore état de nombreuses incertitudes et hésitations quant aux arguments justifiant cette reconnaissance et à la délimitation précise de la zone qualifiée 25 . Avant d'aborder l'intérêt d'une communication sur ce thème, cette analyse ne peut de ce fait omettre les éléments préliminaires d'une description plus approfondie du site, des enjeux de son inscription.
La candidature d'un site à l'entrée au patrimoine de l'Humanité est présentée devant un jury composé de 120 pays adhérents à l'Unesco. Il s'agit donc d'une décision politique internationale. Toute proposition peut être rejetée mais ceci ne signifiera en aucun cas l'interdiction de postuler une nouvelle fois pour la reconnaissance d'un même site. La vieille ville de Carcassonne s'était ainsi vue refusée l'inscription lors d'une première tentative d'obtention du label de l'organisation internationale pour des raisons de non-reconnaissance du travail de l'architecte Viollet Le Duc, qui avait restauré la cité au XIXème siècle. Quinze ans plus tard, en 1997, son travail fut jugé tout à fait satisfaisant. Ce phénomène est assez révélateur de la mobilité des critères de sélection au cours de ces dernières décennies, mobilité concomitante à l'évolution des mentalités, de l'intérêt et de la définition même de la notion de 'patrimoine'. Depuis la création de la Liste du Patrimoine mondial, l'Unesco demeure en adéquation avec l'esprit du temps. Dans un premier temps, la structure de l'O.N.U. s'est ainsi davantage intéressé aux monuments isolés ; puis l'attention s'est porté vers les ensembles bâtis et les paysages tout en conservant une vision monumentaliste du patrimoine. De nos jours l'organisation semble tout particulièrement privilégier le caractère vivant et dynamique de ces ensembles. L'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial repose essentiellement sur la conjonction de trois caractéristiques s'intégrant parfaitement à cette perception nouvelle de l'héritage du passé.
Le dossier de candidature porté par la Ville de Lyon, le monde associatif et les professionnels du patrimoine historique, a abouti le 5 décembre 1998, à l'inscription de 478 hectares de la Cité des Canuts au Patrimoine de l'Humanité. Ce site constitue dès lors le deuxième plus grand site urbain figurant sur la Liste de l'Unesco après Prague (700 hectares).
Toute la ville ne représente cependant pas un intérêt 'exceptionnel' susceptible de mériter une reconnaissance internationale, aussi le secteur présenté devant les instances des Nations Unies se limite à une zone déterminée englobant les quartiers du Vieux Lyon, de Fourvière, de la Croix Rousse, des Pentes et de la Presqu'île, entourée d'un périmètre de protection ou 'zone tampon' comme pour chaque site naturel ou urbain protégé par l'Unesco.
Parmi les éléments décisifs qui ont suscité la décision des experts de l'ICOMOS, figure la topographie particulièrement intéressante du site lyonnais. Celui-ci présente une configuration peu répandue dans le monde avec ses deux collines, celle de Fourvière, 'la colline qui prie', et celle de la Croix-Rousse, 'la colline qui travaille'. Mais son unicité provient également de sa position puisqu'il est sis au confluent de deux fleuves, le Rhône et la Saône. Une seule autre ville importante dispose d'un site similaire, sans pour autant montrer une richesse patrimoniale équivalente : la ville de Pittsburgh aux Etats-Unis. Michel Noir, ancien maire de Lyon et poète à ses heures, parle ainsi de la Saône comme d'un « fleuve féminin, dont les berges sont colorées en jaune et en ocre », en opposition au Rhône, « masculin, dont les couleurs dominantes sont le bleu et le vert ».
Archives municipalesCivilisation de marchands, bourgeoisie entreprenante, la société lyonnaise a su, depuis la création de Lugdunum 26 en 43 avant J.C., s'adapter à la spécificité du paysage, des rivages et de sa place centrale au sein de l'Empire Romain, tout en modelant l'environnement selon ses aspirations.
Ce deuxième critère constitue probablement le trait le plus particulier de la ville en matière de richesse historique et architecturale, sa qualité dominante. Outre la beauté de sa vieille ville, Lyon possède un centre qui n'a jamais été dénaturé par les constructions industrielles, mais présente surtout, à travers ses bâtis, une richesse et une harmonie architecturale alliant des styles et des époques successives sur un même ensemble urbain. Alors que dans la plupart des villes européennes, le centre-ville s'est développé en se construisant sur lui-même, le centre de Lyon s'est reconstruit au cours des siècles en se déplaçant vers l'Est, laissant un témoignage visible de plusieurs périodes, chaque siècle se nourrissant des ouvrages du passé et s'intégrant au bâti existant. Avant que la ville ne s'étende sur la rive gauche du Rhône à partir du siècle dernier, Lyon s'est développée pendant quasiment 2000 ans à l'intérieur d'un territoire qui correspond à peu près aux remparts de l'an Mil, et qui constitue aujourd'hui les 500 hectares du site historique.
Pourtant différents les uns des autres, disposant chacun d'un esprit qui leur est propre, les quartiers inscrits au Patrimoine mondial contiennent tous les traces d'époques diverses. Sur les pentes de la Croix Rousse, la période antique de la 'table Claudienne', côtoie l'empreinte de l'implantation de congrégations religieuses au XVIIéme siècle et les illustres ateliers des Canuts construits dans la première moitié du XIXéme, lors de l'essor considérable de la soierie. « La Presqu'île est, sans doute, le secteur du site classé qui a le plus évolué » 27 . Cette partie du site, dont l'inscription a été la plus mal comprise par les Lyonnais, représente en effet le plus grand nombre d'époques. Figurent ainsi le XVIIème siècle et les travaux de rattachement du quartier d'Ainay au reste de la Presqu'île initié par Antoine-Michel Perrache ; les XVIIème et XIXème siècles avec l'aménagement de la place Bellecour et la percée de larges avenues ; mais également le XXème siècle dont une illustration incontournable est l'Opéra de Jean Nouvel. On trouve également les théâtres gallo-romains et la basilique du XIXème siècle sur la colline de Fourvière. Enfin le Vieux Lyon adopte son visage actuel au XVIème siècle suite à la croissance économique rapide et à la poussée démographique du XVème siècle, pour constituer aujourd'hui l'illustration par excellence de la période Renaissance.
Il paraît de ce fait évident que les experts de l'Unesco n'ont pas élu la Capitale des Gaules tel un 'exemple éminent' de patrimoine figé représentant un moment donné de l'histoire, mais tel un 'exemple éminent d'établissement humain', telle une 'ville à caractère évolutif exemplaire' 28 . La ville a ainsi été inscrite comme une matière en mouvement.
« Le site urbain demeure un lieu vivant de la cité et un témoignage très original de continuité entre la vie humaine, spirituelle et matérielle » 29 . Cette dernière caractéristique est particulièrement intéressante de par l'illustration qu'elle fournit du changement enregistré dans la façon d'appréhender les lieux patrimoniaux. L'Unesco a ainsi beaucoup insisté sur le fait que le site historique de Lyon, au coeur de la ville, n'est pas "muséifié".
A la différence des autres villes figurant parmi la Liste du Patrimoine mondial, la capitale rhodanienne, tout comme Edimbourg et Lviv respectivement inscrites en 1997 et 1998, n'a pas été reconnue en tant que ville monumentale, mais au titre de lieu de vie et d'habitat. Contrairement à Carcassonne par exemple, la vie continue à se développer aujourd'hui à l'intérieur du site. « On y habite quelle que soit sa couche sociale, on y travaille, on y crée, il y a des événements... » 30 . Actuellement près d'un quart de la population lyonnaise vit sur le territoire désormais promu par l'Unesco. Il paraissait important dans la vision des experts que Lyon continue à se développer, à se construire, c'est à dire à poursuivre la continuité de son installation urbaine. Il appartient donc à la Cité des Canuts de faire perdurer la création urbaine, de conserver cette dualité du passé tourné vers l'avenir, comme le souligne le slogan "2000 ans de mémoire vive pour inventer le futur" accompagnant les cartes de voeux 1999 de l'Office du Tourisme du Grand Lyon.
Cette dimension et ses enjeux n'ont pourtant pas bien été saisis par les Lyonnais. Si le poids de l'histoire et la richesse architecturale font partie des justifications invoquées lors de l'étude effectuée par la CCIL en février 2000, le caractère unique et l'aspect vivant du site n'ont en effet pas été perçus comme des arguments de poids. Cependant, la plupart des personnes interrogées conçoivent à raison l'effet 'Patrimoine mondial' comme un bénéfice à la fois économique via le tourisme, esthétique et culturel via les travaux d'embellissement et les animations induits par cette reconnaissance.
Distinction prestigieuse, source de notoriété et de rayonnement favorable au développement culturel et touristique, l'inscription d'un site sur la Liste du Patrimoine mondial se mérite et nécessite le respect de certaines règles implicites ou explicites répondant aux principes de création et de fonctionnement de l'Unesco. Cette reconnaissance ne se limite pas à la simple élection des plus beaux lieux de la planète, elle a une certaine signification, il s'agit d'une décision politique. Toute ville n'est pas irrémédiablement inscrite et peut se voir privée de son droit dans des circonstances particulières qui ne seraient en adéquation avec l'esprit de la Convention.
Au niveau mondial, l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture engage des actions d'ensemble visant à faire apparaître et à organiser la protection des éléments patrimoniaux de 'valeur exceptionnelle pour l'Humanité'. « Les critères relatifs à l'inscription des biens sur la Liste du Patrimoine mondial ont été élaborés en vue de permettre au Comité du Patrimoine mondial d'apprécier en toute indépendance la valeur intrinsèque d'un bien » 31 . L'Unesco souhaite, par l'inscription qu'elle a créée, attirer l'attention de la communauté internationale sur la diversité et la richesse des possessions de la planète. Les patrimoines, notamment culturels, sont des points de références, des signes de l'identité de chacun. Il convient donc à chaque Etat partie recevant l'honneur de figurer parmi cette Liste, de tout mettre en oeuvre afin de préserver l'authenticité des critères qui lui ont permis d'atteindre un tel label, et d'empêcher toute dénaturation de l'esprit qui animait le site concerné. Il s'agit donc pour Lyon, d'une part de ne pas exclure les habitants du lieu de vie que constitue le site historique au profit d'un tourisme effréné, et d'autre part de perpétuer l'oeuvre de ses prédécesseurs en poursuivant une évolution alliant conservation du passé et modernité.
Si l'inscription au Patrimoine de l'Humanité fait incomber la protection du site à la responsabilité collective internationale, ceci ne signifie en aucune mesure l'absence d'une responsabilité locale impliquant à la fois les pouvoirs publics et les habitants des lieux concernés. Pour obtenir et conserver cette reconnaissance prestigieuse, les Etats doivent, conformément aux textes, s'engager à protéger, mettre en valeur et faire connaître leur patrimoine en général, et plus particulièrement les secteurs jugés de valeur universelle. En effet, l'Unesco invite, par l'intermédiaire de mesures, chaque Etat partie à mettre en place, sur son territoire, des procédures appropriées. La participation des populations locales à ces actions de sauvegarde est en outre vivement encouragée.
La Convention indique ainsi :
« Chacun des Etats parties reconnaît que l'obligation d'assurer l'identification, la protection, la conservation, la mise en valeur et la transmission aux générations futures du patrimoine culturel et naturel, lui incombe au premier chef. Il s'efforce d'agir à cet effet, tant par son propre effort au maximum de ses ressources disponibles que, le cas échéant, au moyen de l'assistance et de la coopération internationale dont il pourra bénéficier, notamment aux plans financier, artistique, scientifique et technique. »
Veiller à la non-dégradation du site historique ne constitue pas vraiment une obligation très contraignante pour la Ville, l'Etat et leurs partenaires. Bien qu'aucune protection légale spécifique ne couvre le territoire inscrit sur la Liste du Patrimoine mondial, une série de zones de protection se recoupent et toutes réunies, s'étendent à la majeur partie du site. En effet, le quartier du Vieux Lyon constitue, depuis 1964, le premier secteur sauvegardé en France en vertu de la loi Malraux (1962) et bénéficie, à ce titre, d'un plan de sauvegarde et de mise en valeur. Sur l'autre rive de la Saône, les pentes de la Croix Rousses ont été intégrées, dès 1995, dans une Zone de Protection du Patrimoine Architectural Urbain et Paysager (ZPPAUP) en vertu d'une loi de 1983. Un grand nombre de monuments et de bâtiments lyonnais est d'autre part protégé compte tenu de la loi de 1913 sur les antiquités. Ces éléments ont permis aux experts de constater une certaine volonté de conservation du centre historique, constat renforcé par l'observation de l'activité de plusieurs organismes bénévoles en la matière. La qualité de l'architecture des bâtiments et de l'environnement doit donc continuer d'être préservée mais il n'y a pas à proprement parler de contraintes ou de règles nouvelles. L'Etat doit toutefois être « à tout moment (...) en mesure de prévenir et de faire face aux multiples menaces qui pèsent sur son patrimoine » 32 . A titre d'exemple, nous pouvons citer la campagne menée préalablement à l'inscription par la Ville de Lyon et la Renaissance du Vieux Lyon contre les antennes paraboliques dans le périmètre présenté.
Il appartient ensuite à la Ville et à ses partenaires de poursuivre les actions de mise en valeur antérieurement engagées. Plusieurs grands maires ont géré la ville d'Edouard Herriot jusqu'à Raymond Barre, et ils ont chacun apporté leurs améliorations. A titre d'exemple, Michel Noir a initié des travaux de mise en lumière de l'ensemble du patrimoine urbain lyonnais, tandis que Raymond Barre, qui accorde beaucoup d'importance au rayonnement extérieur de la cité, a signé le 8 décembre 1998 une convention avec l'Etat pour accélérer la restauration du patrimoine. Cette convention finance entre autre le gigantesque projet de rénovation du Musée Gadagne, désormais musée d'histoire de Lyon ; et prévoit la mise en place d'un Inventaire général de l'ensemble du patrimoine urbain de Lyon. Le Conseil Général, quant à lui, s'est investi dans la restructuration et la mise en conformité du Palais de Justice, oeuvre de Pierre-Louis Baltard, située au coeur du Vieux Lyon et illustrant la période néo-classique de l'architecture française. En termes de mise en valeur du patrimoine, l'action départementale peut également s'étendre à l'organisation d'expositions permanentes et temporaires au sein des musées dont le Conseil Général est propriétaire, tel le Musée Gallo-romain, mais il s'agit déjà d'une autre dimension : celle de la transmission de connaissances aux générations futures.
Mais la protection et la mise en valeur du site, même si elles sont déjà en partie intégrées, ne nécessitent pas moins « à Lyon, une prise de conscience nouvelle de la valeur de ses richesses patrimoniales » 33 . Pour Régis Neyret, le premier travail des responsables est de sensibiliser les Lyonnais eux-mêmes. En effet, peu de gens comprennent véritablement tous les enjeux de cette inscription ! Or « la protection du patrimoine passe par le développement d'une conscience culturelle et historique au sein de la population » 34 . Les musées en constituent d'ailleurs un vecteur privilégié. L'intérêt, la naissance d'un sentiment de responsabilité individuelle et collective, la prévention contre le vandalisme, et donc l'implication des habitants au processus de conservation, de transmission et de promotion de ce patrimoine à la fois matériel et culturel, proviendront en effet d'une bonne information et d'une bonne communication locale.
Elevé au rang de Patrimoine mondial, il convient également de porter l'existence de ce bien à la connaissance nationale et internationale. Mais alors apparaît le paradoxe d'un tourisme devenu une réalité incontournable, un levier économique pour lequel le patrimoine culturel et naturel constitue une matière première essentielle. La pression exercée sur le patrimoine et son environnement est considérable lorsqu'il s'agit de tourisme de masse. Il appartient dès lors à chaque collectivité, à chaque Etat, de savoir gérer cette contradiction, de savoir trouver un certain équilibre afin de profiter du potentiel touristique du label tout en respectant le cadre de vie des habitants. En matière de communication, les acteurs disposent d'une certaine liberté d'initiative, initiative qui le cas échéant peut se voir accorder le soutien financier, technique, artistique ou scientifique de l'Unesco. La seule contrainte en ce domaine, consiste en l'apposition, « dans la mesure du possible » 35 , d'une plaque commémorative de l'inscription destinée à informer le public national et étranger.
Au-delà du prestige que cela confère, figurer parmi la Liste du Patrimoine mondial comporte une haute signification. Les sites sélectionnés sont, en effet, choisis pour leur qualité exceptionnelle, mais également en tant que « meilleur exemple possible du patrimoine culturel et naturel de la planète » 36 . Les experts valorisent dans leurs choix l'unicité ou l'exemplarité d'un bien. Lyon, en gardant l'empreinte de tous les âges de l'histoire architecturale et urbanistique, s'élève ainsi au rang de meilleur élève en matière d'établissement humain. Ceci implique quelques responsabilités communes aux critères d'authenticité et à la nécessaire préservation des éléments décisifs qui ont justifié les honneurs de l'accession au titre de Patrimoine de l'Humanité : rester sur la même voie et conserver ce savoir-faire relatif à l'installation d'un tissu urbain révélant une continuité entre le passé, le présent et le futur. A une période où la question de la ville et de son évolution « est partout une question importante », la distinction lyonnaise situe visiblement Lyon au centre de tous ses enjeux de développement. Par la reconnaissance de l'Unesco, la cité a en quelque sorte « une valeur d'exemple à donner, notamment vis-à-vis des villes de pays émergents, et donc une valeur d'exemple à l'échelle de la planète » 37 .
Si dans l'ensemble, les obligations propres aux règles de l'Unesco sont relativement peu contraignantes, ceci ne signifie pas pour autant que faire face aux enjeux et aux implications d'une telle reconnaissance ne nécessite aucun effort de la part des collectivités locales, notamment en matière de communication. Cette dernière s'affiche en effet comme le corollaire des trois dimensions induites à la signification de l'appartenance au 'Patrimoine mondial de l'Humanité', c'est à dire la préservation de l'authenticité, la protection et la mise en valeur du site, et enfin le 'faire savoir'. Recevoir le label de l'Unesco ne suffit pas en soi ! Et à en croire les enquêtes réalisées et les réactions mitigées des citadins lyonnais au lendemain de l'inscription, tout ne semblait pas acquis. En guise d'illustration des nombreuses interrogations, zones d'ombres et lacunes ressenties par certaines âmes de la cité, voici un extrait des propos recueillis par des journalistes du Progrès, le 4 décembre 1998 :
« C'est du Raymond Barre quoi ! Prestige international. On ne sait pas très bien ce que cela veut dire d'être élu au Patrimoine mondial de l'Unesco. Un label marketing patrimonial pour attirer les touristes ? Une distinction qui engage la ville dans une vraie politique patrimoniale avec une attention particulière à la réhabilitation des quartiers classés ? J'ai parfois l'impression que la parole politique qui consiste à parler de Lyon comme une ville internationale appartient davantage à une intelligentsia lyonnaise qu'au citoyen lambda. On a très bien vu lors de la coupe de monde que les touristes restaient très peu à Lyon. La ville n'a pas l'exubérance, la complexité foisonnante d'une ville qui vit 24 heures sur 24. J'espère que Lyon ne va pas se figer dans cette jolie image de carte postale. » 38
Ces propos suscitent réflexion sur la réelle signification, au-delà de la nécessité, d'une communication sur l'inscription du site historique de Lyon ; sur l'opportunité qu'elle constitue pour la Ville de Lyon et, dans une vision territoriale plus large, Lyon constituant l'un des principaux pôles touristiques du département, pour le Conseil Général du Rhône.
Atout supplémentaire en matière de développement de l'activité touristique ainsi qu'en matière d'attractivité, l'inscription du site historique lyonnais au Patrimoine de l'Unesco confère non seulement un potentiel considérable, une 'aubaine' de communication externe, mais également de communication 'interne' ou locale pour chaque échelon territorial embrassant Lyon. Bien que la complexité de l'organisation administrative de la France induise quelques obstacles, les territoires se recoupant les uns les autres, l'événement a tout de même fait émerger une opportunité de valorisation pour chacune des collectivités. Cette opportunité recouvre plusieurs dimensions. Il s'agit ainsi d'informer localement de l'événement pour renforcer la cohésion sociale autour de cette reconnaissance ; de valoriser la ou les institution(s) et les acteurs initiateurs du projet de candidature ; et bien entendu de promouvoir le titre et le faire connaître à l'extérieur du territoire.
La Ville de Lyon et le Conseil Général du Rhône n'ont toutefois pas réagi de façon similaire face aux occasions qui leur étaient offertes. Cette différence sous-tend des raisonnements plus subtils qu'une simple analyse en terme de circonstances et d'opportunités communicationnelles. Il est en effet préférable d'aborder ces dissimilitudes sous l'angle de la pertinence et de la réelle signification de l'engagement des deux institutions dans de telles actions de communication.
Marc Thébault, directeur de la communication de la Ville de St Etienne, affirmait en 1998, lors d'un colloque sur l'état et les perspectives de la communication publique, organisé annuellement par l'association CAP'COM que « laisser croire aux citoyens que la vie locale se déroule sans élu, c'est les nourrir d'une illusion dangereuse pour la démocratie » 39 . Cette citation a le mérite de souligner que la communication publique consiste tout d'abord en la promotion des actions et des projets des collectivités émettrices. La communication locale comporte en effet, pour l'annonceur, la recherche de la reconnaissance de ses efforts et implications, d'une certaine légitimité d'action, de ses compétences, par l'ensemble, ou tout du moins le plus grand nombre, des membres de la communauté.
Sous certains aspects, la communication publique rejoint par ses méthodes, l'approche publicitaire. « La publicité c'est d'abord ce qui est public. Mais c'est aussi l'ensemble des moyens employés pour faire connaître une entreprise, un produit, un service en exerçant une action psychologique sur le marché » 40 . Tout comme une entreprise, l'institution publique vend ses produits, qui sont en l'occurence ses actions, ses projets, les services qu'elle rend à la collectivité : elle les met en avant afin de susciter une certaine adhésion de la part des usagers. La communication territoriale n'est pas gratuite, sa mission n'est pas seulement d'informer, mais également de sensibiliser, d'amener le citoyen à s'intéresser aux accomplissements de la collectivité, pour enfin les lui faire approuver et épouser. En ceci, la communication publique adopte le schéma du 'Learn, Like, Do' décrit par Claude Bonnange et Chantal Thomas dans leur ouvrage relatif à la communication publicitaire 41 . Le message d'une collectivité s'articule ainsi de manière à ce que les personnes puissent être informées, puis séduites, pour ensuite adhérer et adopter une attitude assez favorable à l'égard des actions, des projets et indirectement à l'égard de l'institution en elle-même. La base de l'adhésion demeurant principalement les réalisations concrètes, il importe pour chaque institution territoriale, de communiquer sur son activité et son dynamisme.
Ainsi, bien que la Ville de Lyon et ses mairies d'arrondissements aient affiché, lors l'organisation d'une séance de présentation et d'explication de l'inscription de Lyon au Patrimoine mondial à l'occasion des Journées du patrimoine, la volonté de « permettre aux hôtes français et étrangers de mieux comprendre le site historique de Lyon » 42 , l'animation se dirigeait simultanément vers les Lyonnais dans l'optique de promouvoir les résultats d'une candidature impulsée par la Mairie. Le succès du dépôt du dossier lyonnais auprès des instances de l'Unesco a ainsi permis à la Ville de Lyon, la mise en valeur de son action ainsi que la démonstration de son activité, de son dynamisme. Cette dimension plus 'interne' ou locale de la communication publique, explique d'autre part les divergences qu'il peut exister dans l'appréhension de l'événement par les deux institutions que sont le Conseil Général et laVille. En effet, alors que la Ville de Lyon a concouru activement à la construction du projet de candidature et au rassemblement des pièces nécessaires à la présentation officielle du dossier auprès du Comité du Patrimoine mondial, le Conseil Général semble avoir fait preuve d'un degré d'implication moindre comme le montreront les analyses qui ont fondées cette étude. Ceci explique partiellement une certaine discrétion du Département concernant la communication et la recherche d'une certaine reconnaissance publique sur ce thème. Agissant comme un révélateur, la communication vient « faire comprendre les répartitions des responsabilités, en mettant de l'avant la place respective des initiateurs des projets et celle de leurs partenaires » 43 .
Un premier niveau de communication consiste donc à énoncer les faits, les réalités. L'inscription a ainsi octroyé l'aubaine d'une communication sur l'action et non sur la promesse. Mais si la distribution des rôles respectifs de chaque collectivité intervient dans la définition de stratégie de communication sur un thème ou événement spécifique, l'efficacité de toute communication publique doit également être mesurée en fonction d'une aire de crédibilité. Nous pouvons ainsi rapprocher la force de conviction et d'attraction d'un message sur un individu à « celle qui retient l'électron prés du noyau atomique. Plus l'électron est éloigné de son centre d'attraction, plus il peut en être facilement détaché » 44 . Une attention toute particulière doit dès lors être portée aux espaces respectifs de communication des différents échelons territoriaux (Commune, Département, Région,...). En cas de superposition des périmètres d'influence, la règle de la proximité est souvent reine. La proximité rend visible les responsabilités ! Lorsque survient un événement, tel l'accession du Site historique de Lyon à la Liste du Patrimoine mondial, l'échelon administratif le plus proche, le plus restreint, bénéficie, chez les habitants, d'une plus grande légitimité pour communiquer sur le sujet. Même sans prendre en compte la notion d'implication, l'opportunité de l'élaboration d'une stratégie spécifique de communication sur le site promu s'avère inégalement répartie. Comme le souligne Christophe Noël, directeur du service communication au Conseil Général, bien que Lyon soit la préfecture du Rhône, il convenait davantage à la Ville qu'au Département de s'investir sur le thème 45 .
Depuis la décentralisation, les collectivités ont obtenu de nouvelles prérogatives mais elles ont dû simultanément construire leur "territoire de légitimité", c'est à dire faire comprendre la légalité de leurs interventions sur tel ou tel segment de la vie locale, sur telle ou telle aire géographique. « Une fois cette légitimité installée, le message de la collectivité devient plus efficace. La légitimité est donc tout autant un objectif, qu'un instrument de la communication locale » 46 . Or les Départements connaissent quelques difficultés en ce domaine, tout particulièrement lorsqu'ils sont calqués sur un tissu urbain dense comme le Rhône -environ 90% de la population rhodanienne est citadine. Fabrice Scuiller, chargé de la communication et des relations presse à l'Assemblée des Départements de France (ADF), convenait à cet effet : « Partout où il y a un tissu urbain très fort, le Conseil Général a peut-être un peu de mal à trouver sa place en matière de communication » 47 . Dans ces environnements, les habitants ont plutôt tendance à s'identifier à leur cité ou commune et à rattacher de nombreuses actions à la Ville. « Il y a presque un contact affectif entre le citoyen, l'habitant et sa Mairie qu'il n'y a pas vis à vis du Conseil Général » 48 . Phénomène qui renforce en quelque sorte la légitimité et l'efficacité d'une communication de la Ville sur le site historique inscrit.
L'impact des missions et des compétences doit également être souligner. Selon Eric Zajdermann, manager de Strateus, agence de communication, « même si une collectivité donnée ne dispose pas de toute l'autorité sur les différentes sphères d'action territoriale -la Région, le Département, et la Ville ont des champs de compétences différents- elle a, dans l'esprit des citoyens, une responsabilité. Et les occasions de se voir interpelée et remise en cause sont multiples » 49 . Cette approche pourrait laisser croire à une opportunité comparable de communication, sur le thème de la reconnaissance de l'Unesco, pour le Conseil Général et la Ville de Lyon. Mais une telle analyse paraît simpliste et insuffisante. Il convient, en effet, d'aborder toute communication publique en terme d'intérêt à traiter plus ou moins profondément tel ou tel sujet. Communiquer pour communiquer ne suffit pas, il s'agit de montrer la pertinence des choix effectués et des actes accomplis dans le cadre de la mission globale de la collectivité.
Le rôle de l'équipe municipale demeure l'animation et la gestion des affaires de la cité, ainsi que la réalisation du projet et des promesses annoncées dans le plan de mandat du maire en place. Dans ce cadre, il appartient bien à la Ville, et il est même nécessaire à celle-ci d'adresser de nombreux messages, à l'interne comme à l'externe, concernant la reconnaissance de son site historique par les experts de l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture. Ceci est d'autant plus vrai, que le site recouvre une grande partie de sa superficie et qu'il s'agit de l'aboutissement d'un projet s'inscrivant pleinement dans la recherche de rayonnement international proclamée par Raymond Barre, actuel maire de Lyon, dès son entrée en fonction.
En revanche, l'intérêt d'une telle communication et d'une telle promotion n'est assurément pas le même pour le Conseil Général du Rhône. En effet, si Lyon fait bien sûr partie du territoire de compétence du Département, l'ensemble des responsabilités et le rôle de ce dernier s'élargit à un territoire beaucoup plus vaste. Le Conseil Général dispose bien évidemment de compétences en matière de patrimoine ; compétences auxquelles s'ajoute, pour le Département du Rhône, la vocation à faire vivre et faire connaître les sites de Fourvière et des vestiges gallo-romains, ainsi que les quatre musées de la région lyonnaise qui sont en sa possession. Mais il essaie, de par sa mission principale, de rétablir un certain équilibre entre milieu urbain et milieu rural, entre la ville centre et l'ensemble des communes rhodaniennes. Il tente ainsi d'intervenir davantage hors de Lyon, même si comme nous l'avons vu, le Conseil participe à certaines actions sur Lyon. L'inscription de la préfecture du département au Patrimoine mondial de l'Unesco constitue, de ce fait, un élément intéressant à promouvoir, mais il ne s'inscrit pas vraiment dans son plan global de développement et donc de communication, tel qu'il sera analysé ultérieurement.
Les administrations publiques ont donc bien compris l'intérêt qu'elles avaient à communiquer pour mieux faire ressortir et comprendre leurs activités, afin d'être davantage appréciées par l'opinion, et donc plus crédibles dans l'exercice de leur mission. La concurrence entre collectivités locales n'est cependant pas exacerbée au point de sacrifier toute cohérence, toute adéquation entre action et communication.
Promouvoir une collectivité, c'est promouvoir ses composantes humaines, sociales, culturelles, économiques, patrimoniales, etc., mais c'est aussi promouvoir l'identité d'une institution. Le fractionnement des responsabilités provoquées par la décentralisation a renforcé la nécessité du développement d'une image interne et externe pour chaque collectivité, pour chaque institution ; d'une image qui légitime ses actions. « L'effort de communication va [donc] consister à maîtriser cette image pour qu'elle corresponde au plus près à la représentation explicitement construite par la collectivité » 50 . L'inscription du site historique de Lyon a ainsi conféré à la Ville l'occasion de réaffirmer sa représentativité et sa personnalité, de la même manière qu'elle a offert au Département l'opportunité de se reforger une identité.
Lors d'un entretien Régis Neyret affirme : « Pour l'instant, le Patrimoine est vraiment un des très rares éléments sur lequel il y a une quasi-unanimité » 51 . Communiquer sur un thème aussi rassembleur offre ainsi à la municipalité la possibilité de revaloriser son identité, de mettre en avant une image plus positive, plus démocratique de l'institution 'Ville de Lyon'. Le succès de la candidature lyonnaise pouvait de surcroît émettre l'hypothèse de la découverte d'une sorte de 'formule gagnante'.
La Ville de Lyon a ainsi beaucoup insisté, via les discours de Raymond Barre, son site Internet et les articles parus dans LyonCité, sur le vote presque unanime 52 au Conseil municipal du lancement d'un appel d'offre international et de l'investissement d'un budget de 45 millions de francs, dans la perspective d'un plan de communication triennal visant à remodeler l'image de Lyon suite à l'inscription de son site historique au Patrimoine de l'Unesco. Cette quasi-unanimité permet de souligner la prise en compte de toutes les tendances politiques présentes au sein du Conseil dans le processus de décision, et de forger ainsi l'image d'une démocratie locale pleinement opérationnelle. Ce vote à l'unisson transmet également l'idée d'un dépassement des clivages politiques. Ce qui signifie, en quelque sorte, un certain détachement des membres de l'équipe municipale, à la défense de leurs intérêts, des intérêts de leurs clans politiques, au profit de l'intérêt général, c'est-à-dire d'un avenir solide et viable. De l'aspect collectif de la décision émane ainsi une unité et donc un potentiel accru de construction d'une identité propre à l'institution en elle-même. L'accession au label de l'Unesco souligne d'autant plus la performance de l'esprit d'entreprise de cette entité.
La composition d'une équipe de projet alliant de nombreux membres locaux extérieurs à la municipalité permet également à une Ville telle que Lyon dont la réputation demeure peu coopérante en matière de communication, de transmettre l'image d'un fonctionnement plus collégial et plus partenarial. Bien que Lyon n'ait, de l'avis de Régis Neyret, « pas beaucoup l'habitude, (...) pas assez l'habitude de travailler avec les autres collectivités » 53 , la Ville a tendance à davantage mettre en avant ses partenaires -surtout privés- lors de la présentation de sa nouvelle campagne de communication et du déroulement de l'inscription -de la constitution du dossier jusqu'à la reconnaissance suprême. Initiatrice et principale actrice du projet, la municipalité a en effet coopéré avec de nombreux acteurs. Parmi ceux-ci figurent d'autres collectivités telles le Département et la Région ; des services déconcentrés de l'Etat tels la DRAC ; avec l'Office du Tourisme du Grand Lyon ; la COURLY ; des établissements publics, parapublics ou privés tels l'ERAI ou l'ADERLY ; mais aussi avec le milieu associatif, la RVL ayant notamment joué un rôle crucial pour cette candidature ; et des partenaires privés (entreprises, restaurants, hôtels,...). Grâce à la présentation d'un groupe hétérogène et non pas du seul Conseil municipal, le citoyen est ainsi moins susceptible de ressentir l'inscription du site historique et cette volonté affichée de s'en prévaloir comme l'unique résultat de préoccupations appartenant à une intelligentsia ou à des élus. La reconnaissance de l'Unesco peut donc également être perçue comme l'aboutissement d'un fonctionnement plus démocratique, impliquant de nombreux acteurs dans le processus de mise en place du projet, et de prise de décision.
Pour Kevin Lynch, il ne faut pas « considérer la ville comme une chose en soi, mais en tant que perçue par ses habitants » 54 . L'image de l'institution confère au pouvoir son effectivité en lui attribuant un caractère plus ou moins légitime. Ici, le fonctionnement de la cité présenté comme plus démocratique alloue une image positive à la municipalité et à ses dirigeants, une image de dynamisme et de réussite.
A l'heure où les tous les Départements de France se réunissent pour mener une campagne de communication nationale dont l'objectif est de mieux faire connaître l'institution départementale, d'en donner une image plus cohérente, l'inscription du site historique de Lyon et l'implication, certes seulement indirecte, du Conseil Général du Rhône pouvaient constituer une occasion supplémentaire de valorisation institutionnelle et d'exposition des compétences du Département en matière de patrimoine. Au lendemain d'un débat récurrent sur la nécessaire pérennité de cet échelon territorial, et au moment de la préparation d'un acte II de la décentralisation rappelant, entre autre, son rôle et sa place, Le Courrier des Départements parle même d'une « ardente obligation de communiquer » 55 . L'ADF (Assemblée des Départements de France) justifie la campagne de communication dont elle est l'initiatrice, en affirmant : « La communication étant, en elle-même, associée à l'idée de dynamisme, les Départements se devaient de prendre la parole. [Leur] trop grande modestie en communication risquerait de [leur] coûter cher en terme d'image. (...) Il nous faut donc affirmer plus que jamais la modernité et l'efficacité de l'action des Départements » 56 .
Entre les grandes Villes et les Régions, l'institution souffre, en effet, d'un déficit de notoriété auprès du grand public. Alors que les Départements semblent en bonne santé compte tenu de la croissance de leurs budgets, les fonctions fondamentales et les domaines d'action de ces collectivités demeurent assez mal connus. Selon un sondage effectué en septembre 1989 à la demande de l'Institut de la Décentralisation, 62% contre 29% des Français en 1988, préférait la Région au Département, lorsqu'on leur demandait qu'elle était l'entité politique et administrative d'avenir. L'écart était encore plus fort entre la Commune et le Département puisque pour 50% des citoyens, le conseiller général de leur canton leur était inconnu, contre 6% dans le cas du maire. Les attributions de ce dernier étaient connues de 75% des personnes interrogées, tandis que 4% seulement étaient capable de définir le rôle du président du Conseil Général 57 . Ces chiffresmériteraient d'être actualisés, mais faute d'enquête plus récente, il peut être supposé que la situation demeure aujourd'hui relativement semblable puisqu'en 1999, 1500 élus départementaux ont témoigné de leur volonté de rénover fortement l'image de l'institution départementale 58 . Par ailleurs, ces difficultés à se faire connaître perdurent à en croire les propos de Fabrice Scuiller, chargé de la communication et des relations presse à l'ADF, et ce tout particulièrement auprès des citadins : « Ils [les conseillers généraux] sont très peu connus en milieu urbain ! On ne connaît pas plus le trentième conseiller municipal de la Ville, mais il y a le maire qui a une identité forte ! ». Un inconvénient parmi d'autres réside dans l'existence d'une difficulté sémantique pour les Conseils Généraux. Le terme 'd'élections cantonales' explique entre autre que « les électeurs ont du mal à savoir à quoi servent vraiment ces élections. De même, ils ne saisissent pas bien ou se désintéressent des compétences et domaines d'action des Conseils Généraux dont la dénomination n'indique pas vraiment qu'ils ont pour mission de gérer les départements » 59 .
L'institution départementale a donc besoin de communiquer pour se faire connaître ou reconnaître à l'échelon local et au niveau national. Ainsi la campagne de communication lancée par l'ADF s'annonce complémentaire de la communication locale de chaque Conseil Général. Chacun des 102 Départements doit de ce fait poursuivre ses efforts afin de se construire une image institutionnelle plus forte. Pourtant le Conseil Général du Rhône ne semble pas avoir saisi l'opportunité de se faire entendre sur un thème qui lui est pourtant cher : le patrimoine 60 . L'institution rhodanienne développe de nombreuses actions sur l'ensemble de son aire territoriale : elle agit surtout en dehors mais également sur la Ville de Lyon. L'inscription au Patrimoine mondial de l'Humanité aurait pu constituer un tremplin pour montrer l'existence et la présence du Conseil Général en matière de culture et de patrimoine, ainsi que dans de nombreux domaines, par l'intermédiaire, le plus souvent, de subventions. En réaffirmant son rôle, il aurait peut-être concouru à redonner une image plus forte, plus marquante de l'institution. Cependant, le Conseil Général du Rhône semble privilégier la cohérence de la communication dans cette zone de recoupement territorial que constitue l'agglomération lyonnaise. Il ne fait pas de la reconnaissance internationale de sa capitale, un enjeu identitaire ou un thème de communication institutionnelle pure, comme le dévoilera une étude plus appronfondie de la communication départementale sur le thème, en deuxième partie de ce mémoire.
Il est ainsi nécessaire de prendre en compte qu'il « est plus difficile d'avoir une vrai politique d'image sur des territoires qui se superposent » 61 . En effet, si les territoires administratifs sont multiples, les récepteurs en ces zones demeurent les mêmes, la prolifération des sources ne faisant que provoquer une relative saturation, un désintéressement et une incompréhension à l'égard de ces messages. La réception du label de l'Unesco ne dévoile donc pas une même opportunité de 'communication institutionnelle' pour la Ville et le Conseil Général. Néanmoins, les habitants restent à la fois récepteurs de l'image que diffusent les institutions, acteurs de son évolution, et vecteurs de cette image vers l'extérieur. « On oublie trop souvent à quel point les populations qui vivent dans un espace agissent sur l'image de cette espace » 62 .
Cette dimension de communication se distingue quelque peu des précédentes. En effet, nous l'avons vu, l'opportunité d'une communication interne et institutionnelle n'était pas distribuée de manière identique pour les deux collectivités, objets de notre étude : la Ville de Lyon et le Conseil Général du Rhône. Le Département n'était pas en 'première ligne', comme l'affirme Christophe Noël lors d'un entretien 63 . Donnant l'occasion à la Cité des Canuts de changer d'image, ou tout du moins de la remodeler, l'inscription du site historique au Patrimoine mondial se révèle un argument non négligeable en terme d'attractivité et de développement à la fois touristique, économique, politique et culturel, pour les deux entités territoriales. Comme le souligne Michel de St Etienne, chargé de mission au service communication de la Ville de Lyon: « On dit souvent que Lyon a soit une image négative, soit pas d'image, soit une image fausse par rapport à la réalité » 64 . Il s'agit donc pour la Capitale des Gaules mais également pour le Conseil Général rhodanien, de profiter de l'événement, de capitaliser sur ce label pour faire découvrir un nouveau visage de la cité. Cette communication aux enjeux multiples, consiste à se prévaloir d'une richesse patrimoniale 'de valeur exceptionnelle et universelle' afin de transmettre une nouvelle perception de la ville mais aussi de ses habitants.
La reconnaissance internationale que constitue le titre 'Patrimoine mondial' doit débloquer la difficulté d'argumentation qu'il y avait, jusqu'à présent pour la promotion de Lyon. La ville ne bénéficie pas, en effet, d'une image très avantageuse à l'extérieur. Ville géographiquement et scientifiquement bien positionnée, mais dont la jeunesse, le dynamisme et la qualité de vie sont finalement mal perçus, Lyon se voyait associée, le plus souvent à l'image des bouchons, du tunnel de Fourvière et d'une cité austère. Image peu porteuse qui n'incite pas aux longs séjours ! Pour Raymond Barre « le problème de l'image de Lyon est [ainsi] un problème central » 65 .
Eric Ballerin, directeur marketing de l'Office du Tourisme des Congrès, explique ainsi les difficultés ressenties pour la promotion de Lyon sur le plan touristique, la difficulté à trouver une seule image représentative de l'esprit de la deuxième agglomération de France :
« Depuis plusieurs années, notre coeur [celui de l'Office du Tourisme des Congrès] balançait entre 'Lyon, capitale culturelle', 'Lyon, capitale gastronomique', 'Lyon, capitale du tourisme d'affaires', 'Lyon, capitale de la soie', etc. Aucun des slogans, ou aucun des positionnements qui nous venaient à l'esprit n'était suffisamment large et suffisamment rassembleur pour ne pas pénaliser les autres. Puis avec l'inscription de Lyon sur la Liste du Patrimoine mondial, on s'est dit, finalement que c'était 'Lyon, Patrimoine mondial' qu'il fallait mettre sur le devant de la scène. » 66
Aucun doute ne subsiste donc sur le fait que le label de l'Unesco ait facilité un argumentaire de vente qui avait du mal à se dégager des clichés, « à sortir de cette gangue qui doit sa composition à la formule 'T+B+C', c'est à dire 'Traboules, Bourgeoisie, Cuisine' » 67 , éléments auxquels devrait s'ajouter Guignol. Denis Trouxe, adjoint au maire attaché à la Culture, rappelle ainsi la part de responsabilité des politiques antérieures de promotion de la ville. En effet, outre la création de ce carcan asphyxiant, d'autres erreurs ont été commises en la matière. En martelant, à une période, par exemple, 'Lyon est à deux heures de la mer et de la montagne', on justifiait la cité par la rapidité avec laquelle on la quittait.
L'inscription de Lyon au Patrimoine de l'Humanité intervient donc tel un antidote contre les maux dont souffrent la ville : l'absence d'une image forte et valorisante, mais également le manque de notoriété. Eric Ballerin explique ainsi : « Plus on se rapproche de Lyon, et plus on a à faire à un problème d'image. C'est à dire que les gens connaissent Lyon, mais n'ont pas l'image que nous souhaitons de Lyon. Et plus on s'éloigne de Lyon, moins on a de problème d'image, mais plus on a de problème de notoriété simple » 68 . Il s'agissait de communiquer afin que la ville soit à la fois plus connue et mieux perçue. La reconnaissance de la valeur du patrimoine lyonnais constitue alors un outil, un tremplin qui peut permettre de faire basculer la situation, de satisfaire cette double nécessité en donnant la possibilité de développer une argumentation solide et séduisante.
Vendre Lyon et son patrimoine n'est pas uniquement l'apanage de la Ville. Les enjeux d'une communication mettant en valeur le site historique reconnu à l'échelle internationale valent pour chacune des collectivités territoriales comprenant la cité. Si le Conseil Général du Rhône ne peut se polariser sur Lyon compte tenu de la mission qu'il se donne, la capitale rhodanienne fait toutefois partie du département et en demeure le pôle d'attraction principal en matière de tourisme. « Lyon et le Beaujolais, c'est effectivement ce qui fait l'image du département à l'extérieur » 69 . Il appartient donc également au Conseil Général, notamment par l'intermédiaire du Comité Départemental du Tourisme (CDT), de se prévaloir de la possession d'un site jugé de "valeur exceptionnelle" par les experts, afin de bénéficier, au même titre que la Ville de Lyon, d'une attractivité touristique et économique renforcée. Sans focaliser la stratégie de promotion touristique sur cette inscription au Patrimoine de l'Unesco, le Conseil Général prévoit ainsi de la mettre à profit lorsque les occasions se présenteront.
« A regarder aujourd'hui les opérations promotionnelles lancées par les services 'communication' des Pays, des Régions, des Villes ou des promoteurs, on peut considérer que le patrimoine est devenu un excellent argument de vente » 70 . Bien sûr, le patrimoine n'est jamais la seule motivation du tourisme et se conjugue avec d'autres vecteurs tels la gastronomie, lesloisirs, etc., mais il demeure néanmoins un des ingrédients importants de l'expérience touristique. En effet, si le patrimoine doit une fière chandelle au tourisme qui a permis d'accélérer sa protection et sa mise en valeur, le patrimoine est, inversement, « un atout essentiel du tourisme, du tourisme culturel surtout, un de ses générateurs principaux » 71 . L'inscription du site historique de Lyon offre alors un potentiel formidable d'attraction touristique, potentiel d'autant plus important qu'il est lié à un label de renommée internationale. A ce propos, le terme d'opportunité de promotion et d'ouverture vers l'extérieur serait assurément plus adéquate. En effet, la réception d'une telle reconnaissance ne suffit pas, encore faut-il la faire connaître et la valoriser, c'est à dire communiquer. Deux ans après l'inscription, les retombées des efforts de communication accomplis commencent à se faire jour puisque la fréquentation de l'Office du Tourisme aurait progressé de 10% de 1998 à 1999 72 .
Levier de développement touristique, la signification d'une communication sur le thème de l'inscription du site de Lyon doit également s'analyser en terme de développement économique. Le regain du tourisme -d'affaires ou d'agrément- et donc des animations induites par une telle reconnaissance permet d'envisager la création d'emplois nouveaux -70 à 100 prévus par le Conseil municipal du 20 septembre 1999. Et l'ADF de reconnaître dans une de ses publications mensuelles que « promouvoir l'attractivité touristique des territoires est devenu un enjeu majeur. Parfois considéré dans le passé comme une activité de complément, voire secondaire, le tourisme représente aujourd'hui un secteur économique considérable » 73 .
Le bénéfice de la promotion touristique ne concerne pas uniquement un secteur bien délimité. « Le développement économique n'est jamais à voie unique » 74 ! Il s'agit donc de maximiser les retombées par une stratégie multidimensionnelle. Dans un contexte de concurrence entre grandes villes, et plus largement entre régions dans la conquête du marché européen, la Ville de Lyon et le Département du Rhône semblent tous deux avoir saisi l'opportunité qui s'offrait à eux en matière d'attractivité économique. En permettant de diffuser une nouvelle image, plus flatteuse de la ville, au niveau national et international, cette reconnaissance prestigieuse s'avère un atout considérable pour susciter à la fois la venue de touristes et l'implantation d'entreprises. Communiquer sur l'inscription au Patrimoine mondial et plus largement sur l'image de la ville dans sa globalité, constitue donc un véritable enjeu de développement local, de dynamisme, d'ouverture et du 'rayonnement international' si cher à Raymond Barre.
Communiquer sur cette reconnaissance signifie simultanément communiquer sur l'esprit qui anime la cité, sur la qualité de vie et la richesse culturelle de Lyon et constitue, de la même façon, un atout supplémentaire sur le plan politique et dans le domaine de la culture. La ville fait ainsi parler d'elle et attirera, vraisemblablement, artistes et congrès internationaux -comme le G7, par exemple- à se produire à Lyon.
La mise en avant des notions d'attractivité touristique, économique, politique et culturelle, fait alors apparaître la diversité des enjeux d'une communication dont la finalité se tourne essentiellement vers l'extérieur, dans une volonté d'ouverture et de dynamisme.
Cette communication, principalement dirigée vers l'extérieur, ne peut toutefois pas faire l'économie d'une étape préalable d'information et de sensibilisation du public local. Des Lyonnais, et de manière plus générale des Rhodaniens dépendra l'efficacité des stratégies déployées en externe par les collectivités. Les populations locales sont les ambassadrices de leur ville ou département. Tout individu étranger à la région lyonnaise ne sera pas convaincu de la valeur exceptionnelle d'un site dont les principaux concernés ne sont ni fiers, ni même informés de l'inscription ; de la qualité de vie et d'une richesse culturelle auxquelles les habitants ne croient pas. Il s'agit, pour la municipalité, d'essayer de modifier la perception de la ville, mais aussi de ses habitants, très souvent dépeints tels des individus fermés et peu accueillants. Les collectivités devront ainsi mobiliser Lyonnais et Rhodaniens, leur donner envie de faire découvrir les richesses de leur culture, de promouvoir à l'extérieur leur patrimoine et leurs territoires d'appartenance.
Quatre niveaux de discours des collectivités locales émergent donc au travers de cette lecture des opportunités de communication que fournit l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Humanité : le discours des élus, celui de la structure territoriale, celui de l'institution et celui du produit -le label Unesco. Ces quatre dimensions ne sont cependant pas présentes à un même degré, ni selon une même configuration dans les stratégies respectives de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône. Il semble que l'institution départementale ait davantage cherché à communiquer vers l'extérieur, notamment par l'intermédiaire de ses outils de promotion touristique tels Le Rhône en découverte ou divers guides, bien qu'il faille également prendre en compte toute l'activité muséale du Conseil Général. Historiquement, deux axes de communication ont été privilégiés, en règle générale, par les Départements : la culture et le tourisme. Choix politique qui peut apparaître en contradiction avec un objectif d'identification puisque ces domaines ne sont pas des terrains où le Département est en position d'opérateur exclusif. Au contraire, il est plutôt en concurrence avec la Ville et la Région, et parfois même en situation de partenariat plus ou moins forcé dans des opérations cofinancées. Eric Ballerin note ainsi : « Le Conseil Général s'est beaucoup appuyé sur les entités touristiques pour communiquer » 75 . Mais le Conseil Général cultive sa différence en promouvant une image de défenseur d'une culture ouverte à tous et décentralisée. Cette recherche d'une communication essentiellement extérieure s'explique édalement par une volonté de ne pas entrer en concurrence avec la Ville dans les autres champs de communication publique (communication vers l'interne par exemple), et donc de ne pas alimenter une éventuelle situation de conflit, via la prolifération des sources et des messages sur un même thème et sur un même territoire. La Ville, quant à elle, se charge à la fois de la 'communication externe' et de la 'communication interne' -auprès des locaux-, mission qu'elle confirme dans la mise en place d'un plan de communication sur trois ans. Il s'agissait donc pour le Département de choisir un terrain de communication où les messages ne se chevauchent pas, mais au contraire où leur union constitue une force supplémentaire d'attraction : la promotion touristique par exemple.
Au discours des élus, des structures territoriales et à celui des institutions, s'ajoute également un discours sur le produit en lui-même. Cette dernière dimension semble primordiale dans le cas de la communication sur le site historique reconnu par les experts de l'Unesco. En effet, comme il a été dit lors de sa description, les Lyonnais, tout comme le grand public français et étranger, n'ont pas vraiment assimilé tous les paramètres de l'inscription, si ce n'est parfois, l'événement en lui-même. Si cette reconnaissance mondiale procure des opportunités considérables de communication, elle implique également une nécessité de communiquer de la part des instances publiques ; non pas seulement pour les raisons d'une certaine méconnaissance ou plutôt mal-connaissance, évoquée ci-dessus, mais aussi pour répondre aux principes fondamentaux de la communication publique visant à accompagner et mettre en scène les politiques des collectivités locales.
Bien que l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture tienne les Etats détenteurs d'une ou de plusieurs fractions du Patrimoine international responsables de la communication concernant leur(s) site(s), les exigences de l'organisme de protection du patrimoine demeurent peu contraignantes en la matière. Il tient à l'Etat et aux collectivités territoriales concernées de mettre en valeur les sites inscrits et de porter à la connaissance du public la reconnaissance dont ils bénéficient. Hormis la pose, 'dans la mesure du possible', d'une plaque commémorative de l'inscription, l'Unesco ne fixe pas les grandes directions et ne s'est dotée d'aucune compétence en la matière, si ce n'est la possibilité d'apporter une aide éventuelle aux sites figurant sur la Liste du Patrimoine mondial en péril 76 . Il n'existe ni règlement strict, ni contrainte particulière en terme de communication, comme l'affirme Michel de St Etienne en rappelant qu' « il n'y a pas d'obligation, si ce n'est, dès lors que l'on utilise le logo de l'Unesco, de respecter la charte graphique évidemment. Les obligations ne viennent pas de l'Unesco » ; puis d'ajouter « non seulement nous ne sommes pas obligés de communiquer sur les sites inscrits, mais il y en a même qui n'en éprouve pas le besoin ! » 77 . Si les obligations ne viennent pas de l'Unesco, il existe toutefois un seuil minimal d'information imposé par la loi concernant la communication publique (loi de1978, de 1992). Il s'agit là d'une obligation peu ressentie comme telle, puisqu'elle correspond peu ou prou aux enjeux et objectifs d'une communication dont le rôle d'accompagnement, de mise en scène des politiques publiques, est désormais amplement reconnu par les collectivités et les élus.
Dans ce rôle d'accompagnement des actions des institutions territoriales, la première étape consiste à informer les citoyens des affaires de la communauté à laquelle ils appartiennent. En cela, la communication sur le projet et le dépôt de candidature, l'inscription du site historique de Lyon et ses conséquences, s'avère indispensable pour chacune des collectivités concernées. Réglementée depuis la fin des années 70, cette dimension informative se révèle particulièrement importante car la publicité, entendue au sens habermassien de "rendre la chose publique", et la pratique de l'information publique signifient bien davantage qu'une simple mise à connaissance des affaires et décisions de la collectivité. « Les systèmes et les outils de la communication sont devenus, pour la vie locale, des éléments qui structurent et développent les réseaux de relations » 78 .
Selon Pierre Zemor 79 , la communication publique consiste tout d'abord à respecter le devoir d'information du citoyen et de mise à disposition des données publiques. Ce droit à l'information reconnu au citoyen à l'égard des actes des autorités locales n'est pas nouveau. Et les dispositions récentes de la loi du 6 février 1992, relative à l'aménagement du territoire et à l'amélioration de la démocratie locale, ne sont que la prolongation et l'actualisation d'acquis plus anciens. Les lois de juillet 1978 concernant le libre accès aux documents administratifs et aux fichiers informatiquesainsi que d'autres textes consacrent, en effet l'existence d'un droit à l'information. Par ces dispositions successives, 'l'administré' devient progressivement un 'citoyen' disposant d'un droit de savoir. L'acceptation de la communication par les décideurs politiques et administratifs est manifeste dans les années 80, période où l'on observe un très fort accroissement des budgets déployés dans des campagnes de communication destinées à accompagner les politiques publiques et à susciter autour d'elles, l'adhésion des populations. Ce constat explique, en partie, une volonté, chez le législateur, de fixer les limites de l'autorisé et de rendre plus évidente la frontière parfois floue entre communication publique, vouée à l'exercice du pouvoir, et communication politique, orientée vers le désir de conservation ou de conquête du pouvoir. Il s'agissait donc de privilégier la transparence des actions publiques.
Si la décentralisation a pu apporter des compétences accrues aux différents échelons territoriaux, elle impliquait également des obligations et des responsabilités nouvelles vis-à-vis des usagers, citoyens et contribuables. Les collectivités devaient passer du 'bien faire' au 'faire savoir'. Cependant, bien que la décentralisation ait engendré d'importantes mutations dans la manière de communiquer des acteurs de la vie locale, de nombreuses dispositions législatives sont préalablement intervenues afin d'affirmer le droit à l'information de tout citoyen, que ce soit au niveau local ou national.
Ce droit à l'information est ainsi reconnu par les lois déjà évoquées du 6 janvier et du 17 juillet 1978, portant respectivement sur le libre accès aux documents administratifs et aux fichiers informatiques, ainsi que celle du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs. D'autre part, il existe depuis 1983 une charte des relations administrés/administration. Quant au terrain de l'information du contribuable, il constitue l'un des premiers secteurs concernés par la législation avec la loi du 27 juillet 1977, complétée par celle du 8 juillet 1987. De nouveaux textes ont ensuite vu le jour dans un approfondissement de la décentralisation afin de transformer « le secret administratif en exception cantonnée à la sauvegarde de l'intérêt individuelle » 80 .
Ces nombreuses dispositions trouvent leur aboutissement actuel dans l'article 10 de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration du territoire de la République, qui dispose :
« Le droit des habitants de la commune à être informés des affaires de celle-ci et à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale. Il s'exerce dans les conditions prévues au présent titre, sans préjudice des dispositions en vigueur relatives notamment à la publicité des actes des autorités territoriales ainsi qu'à la liberté d'accès aux documents administratifs. » 81
Explicitement inscrit dans les textes, ce droit pour les citoyens locaux et ce devoir pour les collectivités, s'applique également au Département et à la Région.
La loi semble ainsi vouloir fixer une obligation minimale d'information que de nombreuses Communes ont déjà largement dépassée. Certains présentent la multiplication des textes législatifs ou leurs perfectionnements comme le signe d'une 'maturité qui se construit' 82 . Il convient toutefois de noter que l'essor et le mouvement de professionnalisation du secteur de la communication publique s'effectuent davantage par le développement d'une culture 'informative', que par les contraintes législatives, « qui ne font souvent que reconnaître des pratiques existantes » 83 . Il est toutefois également nécessaire de reconnaître que ce sont certaines de ces pratiques existantes qui ont incité le législateur à intervenir en terme d'encadrement et de transparence.
Des lois plus ou moins contraignantes sont apparues lors de ces vingt dernières années afin d'assainir le milieu de la communication dans le secteur public. Au-delà de la volonté marquée du législateur de clarifier les relations entre communication et politique suite aux 'affaires' (corruption, détournement de fonds publics), ces restrictions voient le jour dans un contexte de crise économique et de gonflement des budgets communication dans la plupart des collectivités locales. La légitmité des sommes investies dans la communication par les autorités locales, s'avère alors beaucoup fort peu compréhensible pour le contribuable. D'autre part, la communication publique a désormais recours aux mêmes armes que la communication du secteur privé, « les frontières idéologiques, culturelles, économiques, entre le public et le privé sont devenues floues dans l'esprit du public » 84 . Les années 90 se traduisent ainsi par la réduction des budgets, l'incitation à une meilleure gestion des fonds disponibles et la clarification des rôles de chacun.
De nombreuses dimensions de la communication publique ont dès lors connu une réglementation plus stricte avec l'émergence de nouveaux textes législatifs. Parmi ces récentes dispositions, la loi du 15 janvier 1990 demeure la plus fréquemment citée. Elle comporte des mesures visant à limiter le recours à la publicité politique et au marketing électoral. Est notamment interdite « toute campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité pendant les six mois qui précèdent un scrutin ». Selon Alain Mary, directeur de la communication de la Communauté Urbaine et de la Ville de Brest, cette loi a eu des conséquences directes sur les stratégies de communication élaborées par les collectivités, en les faisant passer d'une communication 'publicité' à une communication 'proximité', plus proche des habitants ; alors que Jean-Pierre Chasseau, directeur de communication, la perçoit davantage comme un étau supplémentaire 85 . La loi Sapin du 29 janvier 1993, intervient, quant à elle, dans un but de clarification des rapports entre les différents acteurs de la communication publique que sont les collectivités, les agences et les gestionnaires de supports ; tandis que la loi Hoeffel, édictée en décembre 1994, institue le statut du personnel chargé de la communication territoriale. Communiquer nécessite ainsi le respect de certains codes, de certaines procédures. Les procédures d'attributions des marchés sous forme d'appel d'offres, dont l'objet est de mettre en concurrence des sociétés prestataires de services, se déroulent, par exemple, sous la surveillance du Service de l'Information de Diffusion du Premier Ministre (SID, désormais SIG).
Au-delà des restrictions qu'elles imposent, ces dispositions concourent à renforcer la crédibilité de la communication publique en levant partiellement les soupçons qui pesaient sur elle, notamment ceux d'une liaison trop forte avec le politique ou de dépenses exagérées. En cela, la communication territoriale semble acquérir une légitimité accrue ; légitimité nécessaire à l'efficacité de la réception, de l'impact des messages par la population, et à la reconnaissance de l'autorité publique, de sa compétence et de ses actions. Par 'légitimité', il faut entendre, à la suite de Max Weber, 'l'état de ce qui est justifié d'exister' et d'exercer, et qui est admis comme tel.
Si la communication publique fait tout d'abord écho à une efficacité optimale des politiques publiques, elle doit aussi prendre en compte, dans ses méthodes et ses objectifs, les devoirs qui lui incombent face à la loi. Finalement, il conviendra de retenir de cette nécessaire parenthèse juridique, l'obligation pour toute collectivité d'une information minimale sur la vie locale. En tant qu'affaire de la Cité lyonnaise et du Département du Rhône, cette obligation semble s'appliquer au site historique de Lyon et à son inscription au Patrimoine de l'Unesco. Mais il est également nécessaire de rappeler le poids beaucoup plus significatif de la volonté politique et de la croyance dans les techniques et outils d'information.
Aujourd'hui, la place et le rôle de la communication semblent largement acceptés tant par les élus que les institutions publiques. Villes et Départements reconnaissent désormais l'apport et la 'nécessité' de communiquer sur leurs actions, et développent à cette fin des stratégies et des services. Rodolphe Pesce, ancien député-maire de Valence, déclare ainsi qu' « il ne peut y avoir de vie municipale, départementale, régionale, sans communication. L'élu est obligé de dire ce qu'il fait, comment il le fait » 86 , de faire en sorte que ses actions, leurs enjeux pour la collectivité, la pertinence de ses choix, de son programme, les actions à entreprendre soient comprises et appropriées par tous. Pour François Rangeon, professeur à l'Université d'Amiens, « un élu perd toute crédibilité s'il agit sans communiquer ou s'il communique sans agir ; le nouvel élu adopte, peu après son accession à la Mairie, une stratégie de communication visant à valoriser ses réalisations » 87 via celles de l'institution qu'il représente. Autant de propos révélant la présence d'une certaine culture communicationnelle au sein des administrations locales, qui vient minorer le poids de la contrainte légale du droit à l'information dans les décisions de lancement de plans de communication. Il s'agit donc de soulligner ici que les collectivités locales dépassent désormais amplement le seuil minimal imposé par la loi concernant l'information du citoyen sur les affaires locales, suite à la reconnaissance d'un impact de la communication sur les populations. Observation par ailleurs confirmée par la nature des messages émis par la Ville de Lyon sur le site historique et son inscription au Patrimoine mondial.
Obligation morale, juridique, satisfecit institutionnel ou politique ; la Ville de Lyon se devait de communiquer sur la reconnaissance de son site historique au plan mondial, compte tenu de sa forte implication et des actions qu'elle mène ou a menées auparavant. Il lui incombe en effet de remplir son rôle d'informateur des actes et décisions de la vie locale.
Pour Michel de St Etienne, chargé de mission au service communication de la Ville, la communication sur le patrimoine inscrit n'est pas perçue sous l'angle d'une 'mission' par la municipalité, mais elle s'intègre à la stratégie de communication de la Ville dans son ensemble. Il explique ainsi les missions et objectifs que se donne son service :
« Au niveau plus global, l'objectif du service de communication est d'abord informatif car il reste un service public. Il informe donc sur les domaines qui touchent la vie quotidienne comme la culture, l'université... sur les équipements. Il s'agit d'une information sur ce qui s'est fait, se fait et va se faire. Ceci est un premier travail qui s'inscrit dans les services rendus par la Ville. Mais un deuxième travail de la communication municipale consiste à faire comprendre, à expliquer une politique, à rendre des comptes aux contribuables, notamment en ce qui concerne les impôts locaux. Nous nous devons d'expliquer où ils vont, l'utilité de ce qui est construit, organisé ou mis en place avec cet argent. » 88
Il fallait ainsi tout d'abord annoncer l'événement que constituait l'inscription du site historique, événement marquant de la vie lyonnaise, puis montrer ensuite qu'il résultait des efforts accomplis et dépenses effectuées en matière de rénovation, de mise en valeur et de préservation du patrimoine. Surgit ici toute une dimension pédagogique de la communication publique, qui se révèle alors à la fois un devoir, une nécessité et une opportunité pour la Ville. Il s'agit de présenter les actions engagées en terme de bénéfice pour les individus et pour la collectivité ; grâce aux divers articles parus dans LyonCité concernant le lancement et l'explication du plan de communication triennal suite à l'inscription du site hitsorique, par exemple.
Intervenu beaucoup plus indirectement, par l'intermédiaire de soutiens divers, le Département n'est pas autant lié par ce devoir d'information. En effet, la décision du dépôt de candidature et sa constitution ne résultant pas d'initiatives du Conseil Général, la Ville apparaît la première concernée par la nécessité de communiquer sur ce thème. La loi ATR de 1992 ne s'appliquerait d'autre part que « dans une moindre mesure aux Départements et aux Régions » 89 .
La communication publique territoriale comporte également une dimension de 'promesse' à travers la présentation des réalisations mais aussi des projets de la collectivité. Bien qu'aucune obligation spécifique ne l'impose, la communication de projet est relativement importante puisqu'elle concourt à la conduite du changement et à la lisibilité des politiques publiques. Or, tout projet, et par conséquent le projet de dépôt de candidature du site de Lyon auprès de l'Unesco, multiplie ses chances de réussite et d'aboutissement par le déploiement d'une information locale performante qui parviendrait à renforcer la cohésion sociale autour de lui. Communiquer sur un projet revient tout d'abord à informer les populations sur les actions futures des autorités locales, et donc à souligner la cohérence de leur travail, de leur programme. Ceci permet également de structurer une certaine identité du territoire et de renforcer l'image de l'entité que représente la Ville ou le Département.
Bien qu'une information progressive et continue auprès du public local sur le déroulement du projet de candidature aurait pu s'avérer tout à fait bénéfique, les recherches effectuées lors de cette analyse n'ont permis de constater qu'un faible déploiement de moyens en la matière, tant par la Ville de Lyon que par le Conseil Général. En effet, outre l'envoi de communiqués de presse, lors du lancement de l'initiative de la candidature ou de l'étape fatidique du dépôt de dossier auprès du Comité du Patrimoine de l'Unesco, et malgré une campagne contre la prolifération des paraboles sur le site, la municipalité ne semble avoir décidé de communiquer activement sur le travail, les étapes nécessaires à l'aboutissement du projet, l'inscription et ses raisons qu'au lendemain de sa consécration. Et nombreux sont ceux qui déplorent la timidité initiale de cette communication. La diffusion d'informations relatives à la conduite du projet aurait pourtant constitué un bon outil de préparation de la population locale à l'éventualité d'une inscription. Elle aurait sans doute permis une meilleure connaissance de l'événement et de ses implications par les habitants en 1998.
Toutefois, l'équipe municipale semble tirer les leçons de ce manquement, en communiquant très intensément sur le projet que constitue la campagne de communication triennale évoquée précédemment. Ces efforts d'information sont d'autant plus souhaitables et bénéfiques à l'institution, qu'ils véhiculent l'image d'une gestion à long terme de la municipalité, l'existence de projets, d'une vision dont la perspective court bien au-delà de l'échéance électorale. Ce qui est particulièrement bien perçu par les citoyens et, de ce fait, susceptible de renforcer leur adhésion.
Lors d'un colloque sur la communication des collectivités locales, Jean-Paul Delevoye, alors président de l'Association des Maires de France, affirmait à raison : « Plus les choses sont transparentes, plus les responsabilités sont claires, plus les contraintes sont connues, mieux elles sont acceptées » 90 . Ces propos rapellent l'importance pour les autorités publiques non seulement d'éclairer les enjeux d'un événement, d'une action ou d'un comportement donné, mais aussi de bien informer des conséquences positives ou négatives qu'ils entraîneront. Il en est ainsi de l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Humanité.
En effet, si la plupart des Lyonnais considèrent l'impact de la reconnaissance sous un jour favorable, le label 'Patrimoine mondial' contribuant certainement selon eux à l'essor du développement local sur le plan économique et sur le plan culturel, certaines âmes persistent toutefois dans leur croyance en des nuisances supplémentaires dues à la hausse des prix, à de trop forts flux de visiteurs et donc à terme à une dégradation du site 91 . Annie Neyret pointe également les craintes des investisseurs immobiliers de se voir imposer des contraintes plus strictes. Il revient donc à la Mairie d'informer plus précisément les habitants sur la réelle signification de l'inscription pour la collectivité et les individus qui la composent.
Il s'agit alors d'expliquer la Convention et les règles de l'Unesco, incluant notamment le devoir de préservation du site, et d'informer sur les effets et contraintes qui en découlent, afin de désamorcer les oppositions et résistances éventuelles. La collectivité doit rassurer les plus perplexes quant à la maîtrise des flux touristiques qui seront, il est vrai, probablement plus conséquents, et garantir la recherche d'un équilibre et la préservation des conditions de vie des habitants du site. Elle doit également souligner que la majeure partie du site inscrit est constituée de zones déjà sauvegardées au titre des ZPPAUP ou d'autres dispositions, ce qui signifie qu'aucune obligation ne vient s'ajouter à celles qui existaient auparavant sur ces sites. A cette fin, la Ville s'est appliquée à organiser une exposition permanente 'Lyon, Patrimoine Mondial de l'Humanité' au Musée Gadagne, du 17 juin au 17 octobre 1999 ; exposition qui s'est ensuite déplacée de mairie d'arrondissement en mairie d'arrondissement jusqu'en avril 2000.
Ce type de communication a son importance car il permet de rassurer les usagers et ainsi de faire naître chez eux un sentiment de confiance à l'égard de l'institution, du moins dans le domaine concerné. Il peut, d'autre part, susciter indirectement un intérêt à l'événement ou à l'action en question et, plus largement, relancer l'intérêt des populations à la vie locale dans son ensemble.
La diffusion d'informations est le plus souvent bénéfique aux collectivités territoriales puisqu'elle fournit la preuve de leur dynamisme et le sentiment d'une plus grande transparence des actions publiques. L'individu est ainsi plus enclin à l'adhésion. La communication publique remplit, en quelque sorte, une fonction analogue à celle de la publicité commerciale. En effet, celle-ci n'a pas seulement pour objet de faire acheter un produit, mais aussi de rassurer l'acheteur en lui donnant des arguments lui permettant de justifier a posteriori son choix (ou vote) et à priori le prochain qu'il effectuera en la matière. Informer conduit ainsi à réaffirmer la légitimité des autorités locales, une légitimité qui n'est jamais inéluctablement acquise. Elle consiste à ajouter à la légitimité politique issue des élections, une sorte de légitimité du quotidien.
D'autre part, informer sur ses actions, ses projets et leurs incidences correspond à la fois à une communication 'exécutive' consistant à faire adhérer, à une communication 'civique' éclairant le rôle, l'activité et les domaines de compétence des institutions locales, et 'relationnelle' en établissant ou en renforçant un lien entre les habitants et les institutions dont émanent les décisions et les initiatives.
L'objet de la loi de février 1992, précisant le droit à l'information au niveau local, était principalement de faciliter la démocratie locale et de la rendre plus réelle. Il s'agissait donc d'inciter les collectivités territoriales à davantage d'information et d'explication sur la vie locale afin de rendre possible le débat et d'accroître la participation du citoyen. L'enjeu prioritaire de toute communication publique demeure d'impliquer afin de mieux faire adhérer. Or impliquer nécessite non seulement d'informer, mais aussi de sensibiliser. La communication des collctivités locales vise davantage à informer et mobiliser qu'à connaître l'opinion des habitants.
« La condition de réussite d'une initiative économique, sociale ou culturelle est que la population joue un rôle central dans sa genèse et que l'initiative en question ne semble pas être la 'propriété' des élus » 92 . Il s'agit en effet, dans un projet tel que la présentation du site historique de Lyon au Patrimoine mondial de l'Unesco, sa préservation et sa mise en valeur, de mobiliser les acteurs de terrain, mais aussi la population pour une meilleure synergie des actions et des projets. La communication publique se révèle alors un outil complexe essentiel pour y parvenir. Elle doit être compréhensible et stimulante pour tous les membres de la société.
Par définition, la communication d'une collectivité vise à inciter les destinataires à adhérer, c'est à dire à adopter une attitude, un comportement et des réactions positives à l'égard des analyses, des perceptions et des actions de cette collectivité.A cette fin, il semble nécessaire d'amener les citoyens à s'intéresser et à se préoccuper des même sujets que les autorités émettrices, de créer un certain état d'esprit favorable. Entre une communication interne et une communication externe, se glisse alors ce qu'Alain Mary, directeur de communication de la Communauté Urbaine et de la Ville de Brest, qualifie de 'communication interne plus' 93 , concernant à la fois les agents de la collectivité mais aussi les partenaires et les acteurs locaux de la communauté d'intérêt. S'exerçant sur le territoire d'une communauté d'intérêt assez large, la campagne de communication municipale relative au site historique de Lyon et à sa promotion s'adresse ainsi localement « aux Lyonnais, dont l'adhésion est indispensable pour faire partager leur fierté aux visiteurs. Aux Rhônalpins, qu'il faut rendre solidaires de leur capitale» 94 .
Dans un ouvrage destiné à la pratique de la communication territoriale, André Hartereau distingue une communication dite 'sociale', s'adressant aux citoyens en tant qu'individus autonomes responsables de leur propre comportement, d'une communication dite 'sociétale', concernant des thèmes de société et s'adressant à une collectivité prise dans son ensemble. Ces deux composantes semblent toutefois nécessairement devoir se réunir dans le cas de la stratégie de développement local basée sur la reconnaissance prestigieuse dont bénéficie une grande superficie de la Ville de Lyon.
La communication publique n'est pas une communication ordinaire, elle se caractérise en effet par un public cible généralement très large et diversifié. Constat qui se traduit par une exigence toute particulière en terme d'accessibilité. Bien que toute communauté, toute collectivité soit constituée d'individus inégalement dotés en capital économique, social, culturel et dont les centres d'intérêts ne sont évidemment pas identiques, la communication publique s'adresse théoriquement à tous. Cette spécificité représente l'une des plus grandes difficultés de la communication territoriale, difficulté d'autant plus importante que la collectivité est vaste et le degré de segmentation de la population élevé. De plus, la communication publique s'adresse à la fois au citoyen, à l'électeur, à l'habitant, à l'usager, à l'individu... Nécessairement prise en compte dans les stratégies de communication, cette constante suppose la conception de messages, l'élaboration de discours assez larges pour être susceptibles de toucher, de susciter l'intérêt du plus grand nombre, et ainsi d'éviter tout phénomène ou sentiment d'exclusion, d'isolement. La communication territoriale se présente de cette manière comme un vecteur d'intégration sociale. Il s'agit, notamment pour l'inscription de Lyon, de rassembler la ville, ses habitants, et, dans la mesure du possible, les habitants du département du Rhône -membres à part entière de la communauté d'intérêt évoquée ci-dessus-, autour d'un référenciel commun regroupant l'ensemble des argumentaires, et dont le patrimoine est la clef de voûte.
En communiquant vers chacun, ou du moins vers chacun des segments de la collectivité, la communication publique se fait donc en quelque sorte, vecteur d'un sentiment d'appartenance à la communauté locale, et suscite par ce moyen l'intérêt de la population pour le thème retenu. Communiquer sur l'inscription, ses enjeux, et les projets qui lui sont relatifs, relève parfaitement de ce schéma. Michel de St Etienne explique ainsi que « concernant le Patrimoine, la communication vise à la fois l'information et la séduction, ou plutôt la conviction, le réveil d'un intérêt. On peut ainsi y déceler un aspect pédagogique, d'information ; et la tentative de susciter ou de réaffirmer un sentiment de fierté des Lyonnais face à la richesse, notamment patrimoniale de leur ville' 95 . Or ce sentiment de fierté est essentiellement le fruit d'une certaine appropriation individuelle du bien culturel collectif que constitue le site historique, appropriation individuelle découlant elle-même de l'intérêt porté au site et indissociable du sentiment d'appartenance à une collectivité culturellement riche.
Pour qu'une communication publique atteigne son objectif premier d'adhésion, les parties concernées, individus et partenaires, doivent se reconnaître dans les messages émis vers l'intérieur et l'extérieur de la collectivité, et surtout prendre conscience de leur intérêt à la valorisation d'un site comme celui-ci. Les habitants, dont l'attention est ainsi retenue et l'intérêt au patrimoine réveillé, se tiendront au courant des actions réalisées dans ce domaine par la collectivité et lui en seront d'autant plus reconnaissants. Il importe donc aux collectivités actrices de sensibiliser les citoyens à la fois sur la richesse du patrimoine et sur leur activité en la matière. La sensibilisation de la population effectuée, cette fierté retrouvée et ce sentiment d'appartenance renforcé favorisent également chez les individus, l'envie de s'investir et de préserver leur milieu.
S'il est certes du rôle de l'information de mettre à jour la responsabilité de chacun en matière de protection et de respect du site historique inscrit au Patrimoine mondial, la sensibilisation apporte toutefois un complément non négligeable et facilite l'inflexion des comportements. Sensibiliser les individus au patrimoine les rend plus réceptifs à l'information et permet ainsi à cette dernière de se révéler plus efficace, tout en permettant parfois une implication plus forte de la part des habitants et des partenaires locaux (entreprises, associations, syndicats, comités,...). Signifier aux usagers que la préservation du site, bien que placée sous la responsabilité collective internationnale, demeure également une responsabilité locale impliquant pouvoirs publics et habitants, ne suffit pas en soi si ces mêmes usagers n'accordent qu'une attention réduite au(x) message(s). Il est alors nécessaire de les sensibiliser sur le thème patrimonial, tout en éclairant le bénéfice qu'ils pourront retirer d'une attitude plus responsable et participative.
Héléne Deslauriers, directrice pour le Quebec d'Heritage Canada, et du programme 'Rues principales', déclarait lors d'un colloque du Centre Jacques Cartier intitulé 'Patrimoine ou développement : connivences ou divergences ?', que « les lois, les réglementations, les approches coercitives ne réussissent pas à assurer la protection et la conservation du patrimoine de manière satisfaisante » 96 , en louant la technique de l'"entrepreneurship local", c'est-à-dire d'une démarche de concertation partenariale. Ainsi conçue, la sensibilisation se serait, selon l'intervenante, souvent montrée plus efficiente, moins coûteuse et plus viable à long terme. La Ville a semble-t-il suivi ce jugement en élaborant, en coopération avec l'association Renaissance du Vieux Lyon, une campagne de communication contre la prolifération de paraboles à l'intention des habitants du site, préalablement à l'étape décisive du dépôt de candidature.
La sensibilisation d'une population, l'incitation à l'adoption de comportements plus responsables requiert davantage qu'une simple information, qu'une imposition de décisions plus ou moins unilatérales. Sensibiliser une population, développer des attitudes positives, générer un consensus relativement durable demande un investissement conséquent en temps et en énergie, de la patience et une ouverture d'esprit. Ceci nécessite également de parler très vite et très tôt des enjeux, du rôle et de la responsabilité de chacun dans l'initiative locale. Au-delà de l'adhésion recherchée, la communication peut ainsi viser à faire participer la population à l'émergence d'un projet.
Trop souvent en effet, les citoyens oublient qu'ils peuvent être acteurs et porteurs de projets collectifs. En lançant un appel à la mobilisation des Lyonnais et des élites pour améliorer le rayonnement de la ville et de l'agglomération, Raymond Barre regrettait ainsi : « Un des handicaps de Lyon est de croire qu'on ne peut pas faire les choses soi-même » 97 . La participation des habitants et partenaires, tout comme l'intériorisation de comportements responsables évitant la dégradation trop rapide du site, génère pourtant très souvent des solutions plus économiques pour la collectivité, notamment en terme d'entretien et de restauration du site, mais également en terme de valorisation, d'animation et d'accueil. Si le développement du bénévolat et du partenariat ne permet pas d'annuler ces dépenses, il permet parfois de les réduire. Pour le service de communication de la Ville de Lyon, le projet de développement local, dont la reconnaissance du site historique constitue la base, ne pouvait, de surcroît aboutir et se révéler durable sans l'adhésion et la mobilisation des Lyonnais.
Michel de St Etienne souligne ainsi que l'image de la Ville dépend des mentalités ; aussi la municipalité a-t-elle mis en place quelques actions afin de susciter une implication plus forte des habitants : « Il s'agit de leur [les Lyonnais] donner envie de faire partager leur richesse ; de faire naître un enthousiasme à faire découvrir la ville. Et ceci, à n'importe qui, même aux moins cultivés » 98 . Des semaines de formation ont ainsi été organisées, notamment auprès des chauffeurs de taxis afin de susciter chez eux une attention particulière à leur ville et à sa promotion auprès de leurs passagers. Des bénévoles ont également été recrutés après deux jours de formation dans le cadre des Journées européennes du patrimoine. L'opération s'est traduit par un franc succès puisque nombreux étaient les candidats à l'accueil des touristes. « 50% connaissaient leur ville, les autres non, mais ils avaient justement envie d'en savoir davantage et de le transmettre » 99 .
Au terme de deux ans de communication en direction de la population locale, les résultats sont encourageants puisque l'enquête réalisée en février 2000 auprès des Lyonnais, concernant leur perception de la cité suite à son inscription au Patrimoine de l'Unesco 100 , révélait qu'environ 26 % des personnes interrogées s'affirmaient prêtes à s'investir dans l'accueil des touristes. Les initiatives de la Mairie en terme de communication sur le Patrimoine mondial, révèlent aussi une volonté d'association avec tous les acteurs de la vie locale désirant s'engager dans la promotion de la capitale rhodanienne. La Ville a ainsi développé un extranet avec des écoles, des
universités et des entreprises exerçant leur activité dans des domaines variées (chimie, restauration, métallurgie...). Elle s'efforce toutefois d'encadrer les initiatives en la matière, en donnant la possibilité aux acteurs locaux d'utiliser le logo 'Patrimoine mondial', créé par l'Office du Tourisme du Grand Lyon et adopté par la Ville, dans la mesure où ils s'engagent à en respecter la charte graphique. Il s'agit en effet de favoriser les initiatives locales, sans pour autant qu'elles nuisent à une certaine cohérence de l'action et de la communication publique.
André Santini, député-maire d'Issy-les-Moulineaux affirme ainsi que « les débats intéressent les citoyens parce qu'ils évoquent des sujets de leur vie quotidienne, de leur environnement immédiat et que nous avons su les intéresser et les inciter à la vie locale » 101 . Ces propos soulignent deux dimensions : la présence de certains centres d'intérêts préexistants à toute action de sensibilisation et l'attention suscitée par les instances initiatrices de projets. Or n'en est-il pas de même pour la communication locale ? En effet, intéresser les gens, attirer leur attention sur la vie locale, les actions et les projets de la collectivité s'avère plus aisé lorsque ces derniers se situent dans des domaines captant déjà préalablement l'attention des récepteurs. Communiquer, c'est ainsi « être fidèle à son identité en intégrant le système de valeurs et de représentations de ses interlocuteurs », de leurs centres d'intérêts et préoccupations, « pour formuler des messages qu'ils puissent entendre, et auxquels ils puissent éventuellement adhérer » 102 . Le succès d'une communication dépend donc également de l'adéquation des messages avec les populations et leurs préoccupations. Celle-ci sera d'autant plus facilitée par la mise en oeuvre, préalable à toute action publique, de techniques appropriées de connaissance des projets et réalisations prioritaires pour les habitants. Il s'agit ainsi de s'adapter à l'évolution des besoins et des mentalités.
L'initiative de la candidature et l'événement que constitue l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Humanité ont quant à eux l'avantage d'intervenir à une période de relative réconciliation des mentalités avec la notion de patrimoine. « A la fin du XXè siècle, le goût du patrimoine est devenu un phénomène populaire incontournable » 103 et non plus l'apanage d'un cercle restreint de minorités cultivées. On assiste en effet à la multiplication des associations. Au nombre de 6000, en 1980, elles sont aujourd'hui bien plus nombreuses à militer pour le patrimoine, sa protection et sa valorisation. Par ailleurs, la forte charge émotionnelle présente dans la notion de patrimoine et d'héritage, facilite la sensibilisation et l'adhésion du public. La communication sur le site historique et son inscription doit donc, pour être optimale, prendre en compte l'intérêt porté au patrimoine lyonnais intérêt qui n'est de facto pas identique à Lyon même et dans le reste du département du Rhône. Toute communication nécessite de s'adapter à sa cible, et non pas d'adapter la cible à son message. Chaque collectivité doit ainsi savoir s'adapter aux centres d'intérêts des populations ou en susciter de nouveaux pour faire naître, chez les usagers, le sentiment d'être directement concernés par le sujet de communication, par l'action, l'événement ou le projet public.
Deux niveaux apparaissent alors dans cette dimension de la communication 'interne plus' telle que la définit Alain Mary : le premier énonce les faits, c'est à dire les bons arguments objectifs ; tandis que le second, en empruntant un registre plus émotionnel, évoque une identité partagée, une appartenance, un destin collectif, ce que l'on pourrait qualifier de bons arguments subjectifs. L'enjeu de cette facette de la communication publique consiste en la création d'un certain état d'esprit qui ne relève cependant pas uniquement de la responsabilité de la Ville. Ce sont tous les acteurs de la communauté d'intérêts qui y participent. En effet, chaque collectivité locale est composée de différentes 'communautés'. Et les quartiers, les associations, les actions sportives et culturelles structurent autant de micro-communautés qui interagissent sur la collectivité. C'est pourquoi, tout en restant proches des sujets suscitant l'intérêt du plus grand nombre, il importe aux annonceurs publics de prendre en compte les diverses initiatives, les communications et les intérêts des multiples groupes d'influence, organismes et collectivités qui animent la vie locale et demeurent en perpétuelle interaction.
Sensibiliser les individus, susciter leur adhésion nécessite toutefois de contenir les diverses initiatives locales, de les orienter et de les encadrer. La communication publique n'est pas une simple superposition de messages d'origines diverses et variées. Elle requiert au contraire une certaine cohérence, une certaine prise en compte du récepteur. Il importe ainsi aux collectivités de privilégier une approche pédagogique et stratégique dans leur rôle d'émetteur. Spécificité forte de la communication territoriale, l'interdépendance entre les acteurs locaux peut en effet se révéler aussi bénéfique que nuisible à la bonne compréhension et à l'accessibilité des messsages. Aussi, il appartient à l'autorité locale concernée de faire face à son rôle d'encadrement, d'imposer sa ligne et les grandes orientations des multiples communications, au sein d'un champ où se côtoient une incroyable diversité d'émetteurs et de discours. L'analyse du contexte, de l'environnement de l'information locale s'avère alors nécessaire. Il s'agira d'étudier à la fois les populations cibles, leurs réactions, leurs positions afin d'adapter les messages de l'institution, mais également les comportements d'éventuels partenaires économiques, privés ou publics afin d'éviter que les discours ne s'entrechoquent et s'annulent. Par ailleurs, la communication publique s'étant de plus en plus affirmée, lors de ces dernières années, sur le registre de la valorisation institutionnelle et du souci de l'image donnée, l'écueil de la cacophonie apparaît d'autant plus néfaste. Dans ce cadre, la concurrence entre acteurs de la vie locale ne pourrait que nuire à la crédibilité des institutions territoriales.
S'il existe un domaine à propos duquel tout observateur peut évoquer la diversité et la complexité, il s'agit bien de l'approche territoriale de la communication. En effet, les divers échelons d'administration locale (Commune, Département, Région) se recoupent. Or tous ces émetteurs se sont dotés de supports et d'outils d'information. Emetteurs auxquels nous pourrions joindre les Communautés de Villes, Communautés de Communes (nées en 1992) et tous les autres types d'établissements publics de coopération intercommunale pour lesquels la communication semble désormais une réalité. Face à ces entités, le citoyen-récepteur est unique, et il est en droit de se poser la question de la pertinence des messages dont il fait l'objet à un titre ou à un autre, et dans une moindre mesure, il est en droit de s'interroger sur les économies réalisables par une coordination des stratégies de communication. Il découle en effet de la multiplicité des échelons territoriaux français, un certain partage des responsabilités dans de très nombreux domaines, notamment pour la culture et le tourisme. Pour Michel de St Etienne, la Ville et le Département sont ainsi « des échelons décisionnels différents pour des compétences souvent identiques qu'ils effectuent à des degrés divers » 104 .
Les partenariats entre les différents niveaux de pouvoir local sont de plus en plus fréquents même hors du champ des compétences légales, d'où un risque de dilution des responsabilités politiques de certaines actions, risque malheureusement très souvent associé à celui de cacophonie, de prolifération des sources de diffusion sur un même territoire. Le manque de lisibilité de la communication des différentes collectivités locales, la concurrence qu'elles entretiennent parfois, brouillent les messages et ne font que desservir chacune d'entre elles en les décrédibilisant. Lorsqu'une Mairie, un Conseil Général, un Conseil Régional, un Syndicat Intercommunal communiquent sur une réalisation à laquelle ils ont participé, même de manière modeste, comment l'usager peut-il distinguer le principal responsable, le véritable décideur, comment peut-il adhérer à un des messages émis sans savoir lequel est le plus à même de mériter sa confiance. En se livrant bataille, les collectivités favorisent un détachement du citoyen à l'égard des sujets d'information, et à plus longs termes, à l'égard des institutions elles-mêmes et de leurs actions. Aussi, Rodolphe Pesce souligne qu' « il serait temps d'allumer le 'calumet de la paix' et de se fixer au niveau local un code de bonne conduite » 105 .
Collaboration voulue ou subie, volonté politique concertée ou non, appropriation politique ou bonne conduite, le Conseil Général du Rhône et la Ville de Lyon affirment tous deux vouloir privilégier la cohérence et une certaine complémentarité dans leurs stratégies de communication sur le site historique de Lyon et son inscription au Patrimoine de l'Unesco. Ceci explique quelque peu une communication assez discrète du Département sur le sujet.
Bien qu'omniprésent et impliqué dans des interventions indirectes en la matière, le Conseil Général semble laisser jouer les facteurs de la proximité, de l'implication et de l'efficacité des discours. Pour Christophe Noël, directeur de la communication au sein de l'institution, la nécessité de communiquer sur le site historique ne fait aucun doute, tout comme l'importance du label en terme d'image tant pour la Ville, le Département ou la Région, mais « dans la communication, il faut qu'il y ait une cohérence [...] la communication doit être intelligente ». Aussi est-il crucial, selon lui « d'agréger toutes les communications possibles et imaginables », de répéter un seul message et ensuite de le décliner en utilisant tous les outils appropriés, c'est à dire de privilégier la lisibilité des messages à l'opportunité de communiquer. L'inscription, « c'est tout d'abord l'affaire de la Ville, nous [le Département] ne sommes pas impliqués directement » 106 . Il appartient donc au Conseil Général de composer avec les initiatives de la municipalité et d'étudier les éventuelles propositions de financements complémentaires ou de coopération sur des opérations. Pour se prévaloir de la reconnaissance internationale, le Département profite des diverses communications sur les Nuits de Fourvière ou les quatre musées de l'agglomération lyonnaise dont il est propriétaire, comme de la promotion patrimoniale et touristique du département dans son ensemble. Ceci 'en complément'. Isabelle Lagarde, directrice adjointe à la communication, explique : 'nous sommes en partenariat avec la Ville de Lyon sur des dossiers où on a tout intérêt à communiquer ensemble pour avoir une force de frappe plus grande, mais il s'agit d'actions plus spécifiques' 107 . La valorisation de l'inscription sur la Liste du Patrimoine universel semble être une de ces actions, si bien qu'il devient légitime de parler ici de coopération territoriale, du moins de la part du Conseil Général.
Malgré la déclaration à la Ville de Lyon d'un travail en commun avec de nombreux institutionnels, notamment le Département, afin de ne pas 'doublonner', certains reprochent encore à la municipalité de ne pas avoir assez l'habitude de collaborer avec les autres collectivités et établissements publics locaux en matière de communication. Ils regrettent ainsi qu'elle n'ait pas saisi l'occasion d'associer davantage la Communauté Urbaine, le Conseil Général ou d'autres acteurs de la vie locale, sur un sujet tel que celui-ci. Il est vrai que les efforts en terme de clarification des responsabilités et des messages, de recherche d'une plus grande cohérence, semblent s'effectuer à sens unique, au profit de la Ville. La coordination et les grandes directions paraissent émaner de l'équipe municipale. La nature de ce partenariat avec l'institution départementale apparaît d'ailleurs telle une évidence pour Michel de St Etienne, le Conseil Général ne pouvant faire autrement. Il affirme ainsi : « Je vois mal le Conseil Général travailler en vase clos. Cela ne rimerait à rien du fait que ses actions se font en complément de ce que fait la Commune, que ce soit Lyon ou Versailles... » 108 .
« Image première de l'espace collectif tant pour les citoyens que pour les visiteurs » 109 , la Ville dispose certes de l'atout considérable de la proximité, atout rendant visible les responsabilités. Cependant, analyser la communication publique territoriale en terme d'imposition des volontés d'une collectivité sur une autre serait assurément réducteur. Il convient en effet davantage, à l'image de ce qui sera fait dans la deuxième partie, d'aborder l'étude de ces deux stratégies de communication à la fois différentes et imbriquées, à travers les différentes notions de proximité, de participation, de légitimité, d'efficacité, de souveraineté et d'utilité.
Les institutions territoriales ne sont pas seules à animer la vie locale. Comme il a été précédemment rappelé, la communauté est composée de nombreux autres acteurs (groupes d'influence, syndicats, associations, entreprises, etc.) qui peuvent eux aussi être occasionnellement porteurs de messages en direction de la population. Bien que leurs discours soient le plus souvent destinés à un public cible plus restreint, et donc parfois socialement, intellectuellement et politiquement plus orienté, tous ces agents jouent un rôle dans l'assemblage d'opinion qui apparaît sur le territoire de la communauté d'intérêt. Leurs communications peuvent infléchir ou favoriser l'adhésion aux projets, aux actions et aux messages de la Ville ou du Département. Il est de ce fait de l'intérêt du développement local, et surtout de l'annonceur public, que s'instaure une certaine interactivité, une certaine collaboration le plus en amont possible, y compris pour la construction de la communication. Alain Mary constate d'ailleurs, que la collectivité traite généralement de moins en moins de ses problèmes et de ses projets de manière isolée. Les institutions territoriales, notamment la Ville de Lyon et le Conseil Général du Rhône, ont compris qu'il tenait à elles de s'appuyer occasionnellement ou de tenter d'encadrer ces relais ou dangers potentiels que constituent les diverses communications des acteurs locaux en matière de sensibilisation des populations.
Naturellement entourés de leurs habituels partenaires institutionnels respectifs, la Ville de Lyon et le Conseil Général se disent ouverts et même particulièrement favorables aux diverses initiatives locales en matière de communication, dans la mesure où elles appuient leurs efforts et respectent une certaine cohérence. Isabelle Lagarde, directrice adjointe à la communication du Conseil Général, reconnaît ainsi qu' « il n'y a pas que le Département qui fait de la communication comme la nôtre » 110 . C'est pourquoi le Conseil Général, au delà de la collaboration avec le Comité Départemental du Tourisme (association dépendant de la collectivité départementale) et d'autres organismes qui lui sont officiellement liés, subventionne des établissements culturels tels que l'Opéra afin de les soutenir. Michel de St Etienne, chargé de communication à la Ville, déclare, quant à lui, qu'il serait dommage de ne pas utiliser les réseaux. L'équipe municipale travaille donc non seulement avec l'Office du Tourisme, subventionné par la Ville, et l'Association pour le Développement de la Région Lyonnaise (ADERLY), émanation de la Ville, du Conseil Général et en partie de la Région, mais désire également associer le plus grand nombre de personnes, particuliers, groupes de professionnels, entreprises, associations, universités et écoles, à la communication portant sur la nouvelle image de Lyon suite à l'inscription du site historique sur la Liste du Patrimoine de l'Humanité. « Nous avons intérêt à nous appuyer sur ces réseaux dans la mesure où les acteurs sont eux aussi décidés à aller vers l'extérieur. Aussi sommes-nous preneurs d'une coopération avec chaque organisme susceptible de faire passer un message ; sauf par exemple des organismes tels la Scientologie pour des raisons d'éthique » 111 . La prise en compte des communications diverses sur la scène locale ne signifie pas toujours une action commune, la collectivité peut en effet se décharger, "sous-traiter" certaines actions à d'autres acteurs. Ce qui est le cas, par exemple, de deux initiatives engagées par l'association Renaissance du Vieux Lyon : des séances de formation de bénévoles dans le cadre des Journées européennes du patrimoine et un programme d'information et de sensibilisation auprès des écoles primaires concernant le site historique de Lyon et son inscription. Il ne s'agit pas ici pour la municipalité de s'investir parallélement dans des actions similaires, mais de rechercher une certaine complémentarité tout en entretenant la mobilisation de la population locale.
S'il peut être bénéfique à la cohésion autour d'un projet de favoriser la mobilisation des divers acteurs en matière de diffusion de messages, il appartient toutefois aux instances publiques locales de donner le sens de l'action, c'est à dire de coordonner la communication et d'induire la signification des actions réalisées. En effet, des messages souvent informels peuvent être mis en circulation, hors de tout contrôle et de toute cohérence. La prolifération des sources d'information peut alors se révéler néfaste en embrouillant les discours et mélangeant les sources. Il appartiendra donc à l'institution territoriale de prévoir les conséquences des multiples actions de communication engagées et d'en contrôler les retombées. Afin de parvenir à une meilleure lisibilité, à une meilleure compréhension du message, la Ville de Lyon met ainsi à la disposition de ses partenaires, l'utilisation d'une charte graphique, avec la création par l'Office du Tourisme, d'un logo 'Patrimoine mondial'. « Il faut faire en sorte qu'un certain nombre d'institutions communiquent dans la cohérence. C'est ce qui est le plus difficile ! » 112 explique Michel de St Etienne.
La communication publique locale doit ainsi s'effectuer dans un tissu complexe de relations entre administrations, partenaires privés ou publics, etc. Vecteur d'une plus grande cohérence et donc d'une plus grande efficacité des messages, un état des lieux exhaustif du type de relations, d'alliances et de soutiens potentiels pour les projets de la collectivité, se révéle indispensable à la mise en place d'actions de développement telle la valorisation de l'inscription du site historique de Lyon.
En contrôlant les sources et indirectement les contenus, en associant des relais de diverses natures, la communication publique locale s'assure que toutes les communautés reçoivent le même message, quasiment en même temps. Elle limite de ce fait les effets de distances dûs au statut social, à l'éloignement géographique, politique ou culturel. La sensibilisation, l'optimisation du pouvoir des messages émanant de la collectivité, nécessitent ainsi de communiquer rapidement, et surtout de communiquer rapidement ensemble, au-delà des divergences politiques et du poids de l'histoire. C'est-à-dire de communiquer avec les acteurs locaux, mais aussi avec les structures intercommunales, le Conseil Général, le Conseil Régional. Notions importantes, "coopération" et "complémentarité" demeurent néanmoins parfois difficiles à mettre en oeuvre compte tenu d'un nécessaire dépassement des clivages politiques, mais également dans une grande mesure, des affinités ou inimités qu'entretiennent les dirigeants des différents services de communication.
Etape décisive de la communication publique, la sensibilisation des populations se révèle fondamentale pour la réussite et le bien fondé de toute stratégie de développement territorial. Pierre Tesserenc, auteur d'un ouvrage intitulé Les politiques de développement local, affirme ainsi qu'une stratégie de communication au service d'une politique de développement local ne peut se contenter « de ne vendre qu'une image et de brader quelques parcelles. Elle n'a de pertinence que si elle contribue à entretenir la mobilisation des populations autour de la qualification de leur territoire et invite chaque catégorie d'acteurs à trouver sa place dans le système social en utilisant astucieusement la polyvalence de la culture, de ses usages et de ses fonctions » 113 . Il s'agit ainsi de « penser globalement et agir localement » 114 , car c'est en effet cette communication locale qui donne une crédibilité à la communication externe. Montrer Lyon telle une ville séduisante où il fait bon vivre ne peut être crédible sans la mobilisation et l'adhésion des Lyonnais et de la communauté d'intérêts aux messages émis. Si elle permet de susciter l'intérêt, et par conséquent des comportements plus favorables à l'aboutissement et à la reconnaissance des projets et actions de la collectivité, la sensibilisation requiert quelques efforts : le respect de règles implicites à la cohérence des communications sur un même territoire.
Principe désormais largement reconnu et appliqué par les collectivités et les élus sans pour autant émaner d'une obligation légale, la recherche de la sensibilisation des publics illustre à nouveau la nécessité de relativiser le poids des textes assurant un seuil minimal d'information, dans l'impulsion des politiques de communication publique. La publication obligatoire des décisions, la communication des fichiers et documents à l'initiative des intéressés, sont en effet loin d'épuiser la matière ! Pour leur part, les autorités locales sont de plus en plus préoccupées par les problèmes d'information et de communication avec les administrés, ne serait-ce que pour mieux les faire adhérer à leur politique. Pour Michel de St Etienne, la communication sur le site historique de Lyon et son inscription n'est d'ailleurs pas un « devoir », dans le sens où l'équipe municipale serait « obligée » de communiquer sur le thème (du moins elle ne la perçoit pas comme telle) mais elle demeure nécessaire et opportune. Christophe Noël tient les mêmes propos. Il semble ainsi plus pertinent d'aborder l'étude des stratégies de communication de la Ville et du Conseil Général en terme de volontés politiques, d'utilité et de stratégies globales de communication.
Les deux instances ont mesuré l'opportunité incontestable et la nécessité que présente la réception par le site hitorique de Lyon du label de l'Unesco en matière de communication, ou tout du moins l'affirment-ils. Chacune des institutions reconnaît l'apport, l'argument de poids que constitue une telle reconnaissance tant en termes d'image, d'attractivité, de développement local et de sensibilisation, qu'en terme de valorisation institutionnelle. Les deux autorités locales n'ont cependant pas communiqué de manière identique, avec la même intensité, la Ville de Lyon faisant preuve d'une stratégie beaucoup plus retentissante que celle du Conseil Général du Rhône. Cet état de fait semble moins le résultat d'une concurrence effrénée entre les collectivités, que le fruit d'une approche raisonnée de la communication publique. Comme il a été souligné, il ne s'agit pas en effet, ou du moins il n'est pas souhaitable, d'élaborer une stratégie sans prendre en compte un certain nombre d'éléments, de communiquer pour communiquer. Encore faut-il se poser la question de l'intérêt de la diffusion de tel message, à tel moment, de telle manière, et de son efficacité ! Ainsi le Conseil Général a semble-t-il choisi de privilégier, parmi les principes de la communication publique, celui de la cohérence, de la clarté et de la lisibilité des messages, celui de la coopération et de la bonne entente avec la Ville de Lyon et ses élus.
« C'est tout à fait par hasard que je suis né à Lyon, cette ville aux beaux silences »
Antoine de St Exupery
La démonstration de la nécessité et de l'opportunité d'une communication sur l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Unesco, a permis de mettre en évidence certains mécanismes et principes fondamentaux de la communication publique territoriale. Elle a notamment mis à jour la nécessaire prise en compte de nombreux éléments, plus ou moins « extérieurs » - partenaires, cibles, récepteurs, territoires, acteurs locaux, textes de lois, etc.- ou bien inhérents aux structures institutionnelles -valorisation de l'image des institutions, des équipes en place, de leurs actions, de leurs projets. Cette analyse a permis d'aborder rapidement la place incontournable des volontés politiques de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône, dans l'élaboration de leurs plans d'information et de mise en valeur du prestigieux label. Il semble indispensable de se replacer dans le cadre plus concret des réalisations, des communications effectives ou programmées. Il deviendra alors possible de questionner l'intégration des politiques de communication relatives à l'inscription du site historique de Lyon, dans les stratégies globales des institutions faisant l'objet de cette étude.
Les deux collectivités locales retenues pour cette étude ne sont évidemment pas comparables en terme d'échelle, d'ambition politique ou de vocation. Nul ne peut de ce fait attendre de la Ville de Lyon et du Département du Rhône des déploiements de moyens équivalents, ou des stratégies de communication semblables face à l'événement porteur de l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial. En effet, les deux échelons administratifs territoriaux n'étant pas confrontés aux mêmes réalités, leurs manières de communiquer conservent une certaine spécificité, certaines caractéristiques propres. Si l'analyse révèle l'adoption d'attitudes différentes de la part de la municipalité lyonnaise et du Conseil Général du Rhône à l'égard de l'opportunité d'une communication valorisante, leurs stratégies n'empruntent toutefois pas de directions contraires ou divergentes.
Label au potentiel non négligeable, occasion pour la Cité des Canuts de changer d'image ou du moins de sortir des clichés parfois pesants du pays de Guignol, du tunnel de Fourvière ou de capitale de la gastronomie, l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Unesco constitue l'événement sur lequel la municipalité lyonnaise compte " mettre le paquet " 115 . « Et si nous dévoilions nos secrets » ; « Lyon, capital de vie » ; les slogans de la campagne de communication lancée en avril 2000 sont particulièrement révélateurs d'une volonté affirmée de capitaliser sur l'inscription afin de faire découvrir un nouveau visage de la cité, de façonner l'image d'une ville belle et agréable à vivre, ayant su créer, entretenir et valoriser un patrimoine culturel et historique, également cadre de vie de toute une population. Tout ceci sans pour autant minorer le caractère humain et le dynamisme économique de l'agglomération. Lors de la publication d'un dossier de presse à ce sujet, l'équipe municipale s'exprimait d'ailleurs ainsi :
« L'Unesco, en l'inscrivant au Patrimoine de l'Humanité, a joué un sacré tour à Lyon, l'obligeant à sortir de sa légendaire réserve. Ainsi, Lyon va enfin s'exprimer haut et fort pour faire connaître au monde entier son formidable patrimoine, un patrimoine bien vivant qui montre combien l'ancienne Capitale des Gaules a joué un rôle important aux grands tournants de l'Humanité. »
Il s'agit donc pour la Ville de Lyon de donner une nouvelle perception non seulement de la capitale rhodanienne, mais aussi de ses habitants.
Cependant, si communication il y a eu dès le 5 décembre 1998, la stratégie de la Ville ne s'est pas avérée identique, ni n'a fait preuve d'une même intensité durant ces deux dernières années. En effet, l'annonce du 5 décembre 1998 n'a pas spontanément et instantanément déclenché le lancement d'une campagne de communication d'envergure. Ce n'est que progressivement que cette dernière se développe en 1999. De grands efforts sont alors déployés, la Ville semble enfin se donner les moyens de ses ambitions.
Lors des entretiens conduits dans le cadre de cette étude, de nombreuses voix se sont élevées pour dépeindre une communication dans un premier temps assez modeste de la part de la collectivité. Pour Régis Neyret, président de Patrimoine Rhônalpin, il n'y a ainsi pas eu de communication très forte de la Ville sur le moment même, à la différence de l'Office du Tourisme qui s'est, pour sa part emparé immédiatement de la nouvelle. Il a ainsi édité ses cartes de voeux sur le thème dès l'année 99.
Régis Neyret estime qu'il n'y a pas eu de véritable campagne dirigée vers l'extérieur lors de la première année, la communication a seulement ensuite pris de l'ampleur. Mais rien d'anormal à cela, selon lui, puisque à Lyon on laisserait « toujours un peu de temps au temps » 116 ! Christèle Peyrachon, chargée de mission au Conseil Général et présidente de la Renaissance du Vieux Lyon (RVL), juge elle aussi cette communication assez discrète à ses débuts. Pour elle, il est ainsi « dommage de ne pas avoir saisi l'opportunité de cette inscription. De fait, les gens n'ont pas saisi l'importance que cela avait » 117 . Annick Lioud, employée à la RVL, évoque quant à elle une « sous-information » 118 justifiant la nécessité de communications associatives. Il convient toutefois de rappeler le caractère extérieur mais partial de ces témoignages, chacune des personnes citées ci-dessus faisant partie d'une ou de plusieurs associations de protection du patrimoine. Néanmoins, les actions décisives de communication semblent, il est vrai, avoir mis du temps à se mettre en place.
L'annonce de la reconnaissance internationale a assurément suscité un énorme besoin de communication et d'information. Aussi de nombreuses interviews télévisées ou presse ont-elles eu lieu avec les principaux acteurs du projet dans la semaine qui a suivi la réception du label. La communication de la Ville sur le plan national et international s'est cependant tout d'abord effectuée par l'intermédiaire de communiqués, via les relations presse. Le service de communication de la municipalité n'est toutefois pas resté atone. Dans un premier temps, Lyon semble s'être consacrée à une communication plus locale répondant à une logique d'information et d'explication en direction des usagers. Une opération qui s'avérait et s'avère encore nécessaire compte tenu du petit nombre de Lyonnais sachant précisément de quoi retourne l'inscription. Les objectifs de la communication ont donc tout d'abord consisté à "faire savoir" -en prenant appui sur les relations presse pour le non local-, "faire connaître" et surtout faire prendre conscience aux Lyonnais de la richesse de leur patrimoine, susciter un sentiment de fierté à l'égard de leur cité. Michel de St Etienne distingue ainsi trois finalités : 1. faire découvrir le site ; 2. faire en sorte que les gens apprennent des choses et les retiennent ; 3. les faire transmettre leur savoir. Conscient de ne pouvoir communiquer efficacement à l'externe sans que les Lyonnais ne soient eux-mêmes des vecteurs, le service de communication a ainsi mis en oeuvre des moyens divers et variés.
Malgré la mise à jour de certaines critiques visant les premiers pas de la communication municipale sur le site historique, il faut en effet reconnaître l'existence de plusieurs actions de communication 'directe' au local avec un déploiement d'efforts de la part de la Ville de Lyon. Cette dernière a ainsi eu recours à des moyens tels l'achat d'espace afin de réaliser une campagne d'affichage locale (sucettes Decaux, Abribus) ; la parution d'un guide du site historique dans le journal municipal LyonCité, guide publié ensuite indépendamment, en français comme en anglais, et distribué en divers points relais tel l'Office du Tourisme, l'éditeur Gallimard, des restaurants, etc.
La Ville a de plus organisé du 17 juin au 17 octobre 1999, une exposition consacrée à l'inscription de Lyon et à la Liste du Patrimoine mondial de l'Humanité au Musée Gadagne.
Désignée par la municipalité comme « un préalable indispensable pour découvrir ou redécouvrir ensuite 2000 ans d'histoire lyonnaise à travers rues, places et monuments », cette exposition s'est achevée en mouvement en se déplaçant, dans un second temps, dans chaque mairie d'arrondissement, ceci jusqu'en avril 2000. Particulièrement bien construite, elle présentait le Patrimoine mondial sous ses divers aspects, allant de sujets plus généraux via l'évocation des pays membres de la Liste, de leurs dates d'accession au titre de Patrimoine de l'Humanité, au cas plus spécifique de l'inscription du site historique de Lyon. Le visiteur pouvait ainsi retrouver la présentation typographique du périmètre reconnu, une explication rapide des implications juridiques (minimes) et des critères retenus par l'Unesco, la mise en évidence des spécificités de chaque quartier ainsi que la présentation du travail préalablement nécessaire à la réception d'un tel label illustrée par l'exposition du dossier de candidature.
De grands efforts ont également été déployés en terme de mobilisation pour les Journées du patrimoine : organisation de stages de formation ouverts à tous, mise en place de points de pavoisement (300) et de points d'accueil (23) tenus par des bénévoles ayant suivi les journées de formations. Raymond Barre a également tenu à organiser une 'matinée du patrimoine' dans la chapelle du lycée Ampère, intitulée 'L'inscription de Lyon, explication de texte'. Comme son nom l'indique cette demi-journée était destinée à une meilleure appréhension par les habitants de la reconnaissance et de ses conséquences. Le site Internet de la municipalité a quant à lui consacré plusieurs rubriques au site inscrit, en adoptant une logique plutôt promotionnelle.
Il semble d'autre part important de considérer l'approbation, l'utilisation et la promotion par la Ville du logo 'Lyon, Patrimoine mondial' conçu par l'Office du Tourisme du Grand Lyon, ainsi que la création d'une charte graphique relative à son usage par les différents acteurs locaux, telles des actions de communication significatives. Présenté le 1er avril par André Soulier, adjoint au maire chargé du Rayonnement et du Développement du tourisme, ce logo, plus moderne que le lion héraldique, symbolise le confluent du Rhône et de la Saône par deux courbes sur fond ocre, couleur soulignant l'aspect historique et patrimonial de la ville. Il se décline cependant en soixante-quinze teintes afin de mieux s'adapter aux graphismes des différents partenaires. Bien qu'il ne suscite pas un enthousiasme général, certains journalistes le qualifiant d'inodore et sans saveur, le classant dans le goût des années quatre-vingt, ce logo figure désormais sur l'ensemble des documents édités par l'Office du Tourisme du Grand Lyon, ainsi que sur de nombreuses publications de la Ville et de ses partenaires.
De façon plus générale, il convient d'évoquer également la réalisation d'un film de quelques minutes et la parution fin 1999 d'une brochure 'Lyon. Ici, l'avenir a une histoire', tous deux destinés à la promotion de Lyon dans son ensemble. En effet, tout en présentant la Capitale des Gaules et le patrimoine dans un sens beaucoup plus large -patrimoine scientifique, économique, génétique, industriel, culturel, qualité de vie...-, ces documents affleurent plus ou moins directement la valorisation de l'inscription de Lyon au Patrimoine de l'Unesco. La cassette vidéo aborde ainsi le site historique tel une richesse patrimoniale parmi d'autre, tandis que la brochure souligne le rayonnement international de la cité et sa spécificité au travers d'un constant parallèle entre le passé et le futur.
Bien qu'ayant aussi usé des relations presse (moyen de communication présentant l'avantage d'être peu coûteux tout en effectuant un travail de fond à long terme, notamment à l'étranger) via la distribution, à travers le monde, d'un dossier de presse consacré au site historique de Lyon (plus d'un millier d'exemplaires) ou via l'organisation de voyages de presse, la municipalité affirme en novembre 1999 avoir tout particulièrement privilégié le recours à l'achat d'espace médiatique, à l'affichage, à l'édition de dépliants ainsi qu'à une mise en valeur du patrimoine dans les musées et surtout au Musée Gadagne, depuis décembre 1998 119 . Les dépenses se sont ainsi élevées à environ 2 400 000 francs en 'localo-national' 120 , mais de nombreux projets sont encore en gestation ou en cours d'accomplissement à ce moment.
Si certains décrient une communication trop timide à ses débuts et regrettent l'absence de bannières sur les ponts, de flamme postale ou encore de campagne de remerciements à l'Unesco, ceux-ci basent le plus souvent leurs jugements sur les actions effectives, les actions réalisées. Or, si dès 1999 certaines idées ou certains projets de communication tardent à éclore, ils ne sont pas moins en germe ou en cours d'application. La municipalité entreprend ainsi, en février 99, l'installation de plaques (bilingues : français/anglais) explicatives et commémoratives de l'inscription sur le site et ses monuments, opération qui s'achèvera presqu'un an plus tard, en janvier 2000. Le projet d'une signalétique autoroutière, afin d'inciter les personnes de passage à s'arrêter, semble également tenir à coeur aux responsables locaux mais les négociations avec le Ministère de l'Equipement s'avèrent plus difficiles que prévues.
D'autres projets, tel l'aménagement de la Maison du Chamarier, s'inscrivent de la même façon dans un délai d'aboutissement plus long. Les travaux de réaménagement ont ainsi commencé début 1999 mais nécessitent beaucoup de temps et d'argent... Il s'agit en effet, de transformer ces locaux en lieu d'accueil et d'orientation pour les visiteurs mais aussi en un centre d'interprétation - sur le modèle de Dublin, ville disposant déjà d'une telle infrastructure. On y prévoit de l'information, des projections vidéos, des ordinateurs, des expositions, l'histoire de la ville y sera racontée. De cette manière, les touristes pourront se plonger dans une ambiance, celle de Lyon. Ce projet demeure assez lourd puisqu'il implique un travail de restauration conséquent et difficile ainsi qu'une scénographie et une logistique particulièrement coûteuses.
Dès 1999, l'équipe du service communication s'active également à la préparation d'une exposition photographique itinérante dont le passage est prévu à Yokohama, Montréal, Genève et Birmingham. Enfin, le 9 janvier 2000, paraît dans le Bulletin Officiel de la Ville de Lyon une décision qui est le fruit d'une longue année de réflexions : la création d'un poste de chef de mission Site historique de Lyon. Ne relevant a priori pas directement du domaine de la communication, cette décision mérite malgré tout une analyse du contexte et des motifs de la création de l'emploi désormais occupé par Bruno Delas. Ces quelques citations du bulletin officiel de la Ville peuvent utilement éclairer cette décision :
«Mesdames et Messieurs, l'UNESCO a décidé fin 1998 d'inscrire le site historique de Lyon au Patrimoine mondial de l'Humanité.
Cette distinction reconnue par un organisme international est un atout et un enjeu pour valoriser l'image de la ville et favoriser son développement économique, culturel et social.
Aussi, il a été décidé de créer un dispositif mission historique et d'élaborer un projet d'animation, de développement autour de cinq axes consistant à:
- mettre en oeuvre une politique ambitieuse d'aménagement patrimonial,
- structurer l'accueil des touristes et développer l'ouverture internationale,
- développer des initiatives d'animation et de communication,
- susciter l'implication des acteurs économiques et initier des partenariats public/privé,
- organiser la coordination avec les actions de proximité.» 121
Autant d'axes correspondant aux enjeux et au fonctionnement de la communication publique locale autour du site historique lyonnais. 'Se situant à l'interface public/privé sur les questions du développement urbain, économique, culturel et touristique', ce chef de mission doit structurer, en quelque sorte, la mobilisation des divers acteurs, tout en incitant les initiatives par la proposition de partenariats, et assurer de ce fait, une certaine cohérence entre les multiples projets et actions. Aussi semble-t-il souhaitable d'intégrer cette décision dans la politique de communication de la capitale rhodanienne.
S'il est donc difficile de juger de la pertinence, du bien fondé et de l'adéquation des moyens employés à la situation dès 1999, certains projets n'ayant encore pu aboutir, certaines grandes caractéristiques peuvent cependant être mises en évidence à ce jour.
Il ne serait certes pas honnête de contester l'existence de nombreuses actions et projets de communication sur le site historique et son inscription de la part de la Ville de Lyon, sa philosophie consistant à se saisir de toutes les occasions pour communiquer sur l'événement. Cependant, si efforts il y eut, il faut tout de même reconnaître un manque de structuration et de cohérence entre les diverses opérations engagées. Il s'agit là d'une lacune qui nous empêche de penser cette communication balbutiante en terme de véritable 'politique' ou de 'stratégie'. Les fonds nécessaires n'ayant pas encore spécifiquement été débloqués pour l'opération lors de cette première année, le service de communication a alors fonctionné avec les ressources dont il disposait et ne pouvait, de ce fait, s'engager dans une stratégie grand public ou dirigée vers une échelle territoriale trop vaste. La Ville de Lyon n'en avait par ailleurs pas l'ambition à en croire les propos de Denis Trouxe, adjoint au maire à la Culture et au Patrimoine, lors d'une interview en mars 1999 : « Nous avons décidé, dans un premier temps, de concentrer nos efforts sur l'information du grand public au niveau local. (...) Une fois que les Lyonnais auront réalisé l'importance du référencement de Lyon au Patrimoine mondial, nous communiquerons au niveau national et international» 122 . En prévoyant le démarrage de la campagne au début de l'été 1999, Denis Trouxe n'a pas pris en compte la pesanteur de la procédure publique d'appel d'offres. Une fois un budget spécifique accordé à la communication autour de l'inscription, cette pricédure s'est en effet avéré un obstacle infranchissable pour la mise en oeuvre rapide d'un plan de communication plus élaboré.
Cette stratégie privilégiant tout d'abord le local semble avoir eu un impact, puisque durant l'été 99, 55% des Lyonnais interrogés étaient au courant de la reconnaissance internationale dont bénéficie le site historique de leur cité 123 . Ce chiffre pourrait s'interpréter tel un résultat satisfaisant s'il ne signifiait pas également l'ignorance de l'inscription par 45% des habitants. Aussi est-ce lentement et peut-être un peu trop tardivement que le processus d'élaboration d'une 'politique' de communication s'est réellement déclenché. De grands progrès demeurent également nécessaires au niveau de l'information nationale et internationale jusqu'à la fin 1999.
Dépassée par les événements ? Sûrement pas, la constitution du dossier de candidature à l'inscription du site historique de Lyon au sein de la Liste du Patrimoine mondial étant le fruit de deux ans de travail, la municipalité savait à quoi elle s'attendre. Surprise de son succès ? Probablement. Le témoignage de Régis Neyret en laisse du moins les soupçons : il aurait insisté et donc incité la direction de la communication de la Ville à produire, préalablement aux résultats de la candidature, un quatre pages couleurs 124 . La collectivité n'y croyait-elle pas vraiment? Personne ne le saura mais il s'avère en effet que la communication sur le moment a été un peu discrète à la veille de la Fête des Lumières et qu'elle a eu assez peu d'échos en comparaison des débordements de joie provoqués en Irlande par l'annonce de l'inscription d'Edimbourg au Patrimoine de l'Humanité en 1995. Enfin survient le vote au Conseil municipal d'un budget spécifique destiné à l'élaboration et à la mise en place d'un plan de communication sur trois ans.
« Le drame de la ville, c'est qu'elle ne trouve son ordre et les conditions de son épanouissement que sur le plan international, elle dépend de 'logiques' à très large rayon. Il lui faut la complicité du dehors. Les fées qui la favorisent sont étrangères». Cette citation de Fernand Braudel, Raymond Barre semble l'avoir transformée en devise ! L'actuel maire de Lyon affiche en effet clairement, et ce dès l'annonce de son plan de mandat en 1995, la volonté tenace de faire rayonner la deuxième agglomération de France sur le plan national et européen. Cependant, si communiquer en France et à l'étranger afin de faire évoluer l'image de Lyon s'avère indispensable à ses yeux, bien avant la haute distinction dont bénéficie la Capitale des Gaules depuis le 5 décembre 1998, l'attestation de la valeur de la Cité par un organisme international reconnu semble avoir provoqué un sursaut, une prise d'ampleur des prétentions et de la politique de communication de la Ville. Face à l'opportunité que constitue ce nouvel argument, ce récent point d'appui, et après une période d'acclimatation à la situation, Lyon semble en effet prendre conscience de l'efficacité limitée d'une communication à l'année, d'une communication saupoudrée concernant l'inscription. La Ville affirme désormais la recherche d'une meilleure coordination, d'une plus grande cohérence de ses actions, d'une vision plus large grâce au déploiement d'efforts soutenus sur une période de trois ans. L'organisation d'un colloque réunissant six autres villes du Patrimoine de l'Humanité (Québec, Porto, Edimbourg, Prague, Saïda et Lviv) du 5 au 8 décembre à Lyon autour du thème 'Villes du Patrimoine mondial, tourisme et habitants', ainsi que la précédente adhésion de la municipalité lyonnaise, le 20 septembre 1999, à l'OVPM 125 sont en outre autant de signes dévoilant l'attention plus marquée de l'équipe municipale à la communication autour du référencement du site historique de Lyon.
Egalement voté au Conseil municipal du 20 septembre 1999 (à 71 voix sur 73), le lancement d'un appel d'offres au niveau européen concernant l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie de communication sur l'image de Lyon suite à l'inscription du site 126 , constitue de la même façon que l'adoption d'un budget spécifique de 45 millions de francs sur trois ans, la décision charnière à partir de laquelle l'emploi du terme 'plan de communication' apparaît légitime. Suite à cet appel d'offres, cinq candidats ont été retenus (FCB -Paris, J.Walter Thompson -Paris, Euro RSCG France, BDDP Corporate -Paris et Mc Cann Erickson -Lyon) parmi les dix-sept candidatures provenant principalement d'agences implantées en France. Cette première sélection s'est opérée selon les critères suivant ; chaque agence devant être dotée :
- d'une expérience dans des campagnes similaires par le montant, la qualité de l'émetteur et la thématique de base ;
- d'un réseau d'implantation international ;
- d'une capacité à assurer l'ensemble des prestations y compris rédactionnelles et artistiques.
Ce qui signifie qu'il devait s'agir de structures assez importantes ! Une fois les cinq lauréats auditionnés le 4 janvier 2000, et les offres étudiées (pertinence et précision de la recommandation stratégique 2000/2001/2002, cohérence des moyens mis en oeuvre sur ces trois années, rapport qualité/prix et optimisation des coûts, délais), le choix de l'instance municipale et de ses conseillers s'est finalement porté le 17 janvier vers l'agence EURO RSCG. C'est ainsi le travail de cette structure, orchestré par les exigences des responsables de la Ville, qui aboutit à la campagne de communication débutant en avril 2000.
« Je crois que la première idée que nous devons faire passer dans l'opinion publique est que, même si des progrès très importants ont été accomplis au cours des dernières années de la décennie 90 et depuis 1995 de manière tenace, pour faire évoluer l'image de Lyon, l'opinion reste seulement au fait que notre ville est une ville économiquement respectable: la deuxième de France ou la deuxième agglomération et qu'elle a une vocation européenne, bien sûr puisqu'elle est la seconde. En dépit de cela notre image reste floue. Nous sommes encore tenus pour une ville sérieuse donc un peu ennuyeuse. (...)
Mais, désormais, on le dit tous, aujourd'hui, dans ce temps de concurrence où les villes elles-mêmes essaient d'attirer le maximum de touristes, d'investisseurs, bref d'attirer le regard, nous devons faire un grand effort (...), il est temps que nous entreprenions une véritable campagne de communication qui ne se déroule pas sur une seule année mais sur plusieurs années. »
Ces propos d'André Soulier, adjoint au maire chargé du Rayonnement et du Développement du tourisme, lors des débats précédant le vote de l'appel d'offres, ont le mérite de présenter rapidement et sans ambages les motivations, le contexte et les enjeux du lancement de cette récente campagne de communication capitalisant sur la référence 'Patrimoine mondial' et destinée à rénover l'image de Lyon. En effet, dans un contexte de compétition européenne pour la conquête des marchés et le développement entre métropoles régionales, où seules émergent les villes alliant qualité de vie et dynamisme, l'inscription du site historique au Patrimoine de l'Humanité constitue un atout supplémentaire, une opportunité de valorisation et l'occasion pour Lyon de réaffirmer son positionnement et ses ambitions que ce soit sur le plan national ou international. Concurrencée par des villes comme Barcelone, Milan ou Genève, la Cité de Canuts doit en effet également prendre garde à l'essor de villes modernes, très entreprenantes qui investissent beaucoup pour se forger une identité forte et qui gagnent du terrain. Michel de St Etienne évoque l'exemple de Dijon.
Dans ce contexte, les objectifs de la nouvelle campagne sont clairs. Ils consistent, sur le plan économique à accroître le tourisme (d'agrément et d'affaires) ainsi que l'implantation d'entreprises, et plus largement à développer la notoriété de Lyon et à la faire percevoir telle une ville séduisante où il fait bon vivre, c'est-à-dire faire en sorte qu'elle soit 'connue' et 'mieux connue'. Trois types de cibles émergent dans ce plan de communication : une cible locale, nationale et internationale.
Les messages se sont tout d'abord adressés au grand public lyonnais (particuliers, entreprises) ainsi qu'aux acteurs du développement et de la culture, qu'il s'agissait de sensibiliser. Bien que cette cible ait déjà été privilégiée lors de l'année précédente, la municipalité désire aller plus loin dans la sensibilisation des Lyonnais. Il importe ainsi pour le service communication de les convaincre de l'importance de l'inscription au Patrimoine mondial, pour leur ville comme pour eux-mêmes ; de susciter un sentiment de fierté afin de les faire adhérer à l'action de communication engagée, en particulier vers l'extérieur ; de leur faire prendre conscience que Lyon est une ville ouverte sur le monde, c'est à dire de les transformer en relais. Invitation complice à communiquer ? Les Lyonnais ont pu découvrir en avant-première dès avril 2000, une campagne d'affichage et de presse locale dont le slogan, fort compréhensible, leur était personnellement destiné : 'Et si nous dévoilions nos secrets'.
La cible locale ne comprend cependant pas uniquement les habitants de l'agglomération ; elle s'élargit également aux Rhodaniens et aux Rhônalpins qu'il est nécessaire de rendre curieux et solidaires de leur 'capitale'.
Un mois plus tard, en mai 2000, le plan de communication s'élargit à un espace beaucoup plus vaste. La stratégie de communication visant principalement à renforcer l'attractivité de Lyon en France comme à l'étranger, la Ville se doit en effet d'informer et de séduire un public national et international, de susciter leur curiosité voire l'envie de s'y arrêter pour des étapes touristiques de courts séjours ou de s'y installer. Il s'agit ici, non seulement de présenter la capitale rhodanienne dans son dynamisme et sa beauté, mais d'en souligner simultanément la qualité de vie et le caractère humain, vivant. Le message diffère donc logiquement du précédent. Révélation de la spécificité lyonnaise, le slogan 'Lyon, capital de vie' rythme ainsi la campagne nationale et internationale.
Consciente de ne pas disposer d'un budget suffisant au regard des dépenses nécessaires à la lisibilité d'une campagne grand public sur des territoires aussi vastes, la direction de la communication a alors volontairement établi une hiérarchie parmi ces deux dernières cibles. Une aire géographique plus restreinte, située approximativement dans un rayon de deux heures de train ou d'avion de Lyon est ainsi privilégiée en France. A l'étranger, certaines régions plus 'captives' sont prioritairement visées par la stratégie. Il s'agit de la côte Est des Etats-Unis -Washington, New-York, Boston, Chicago-, l'Angleterre -Londres-, l'Allemagne du Sud, l'Italie du Nord ; contrées certes géographiquement proches à l'exception des USA, mais surtout pays à fort potentiel en matière de tourisme et d'investissement et où, de surcroît, la France demeure assez connue.
A chaque cible géographique (locale, nationale, internationale) correspondent également plusieurs types de publics vers lesquels se dirigent plus spécialement les messages émis par les différents acteurs du développement culturel, touristique et économique de Lyon. Leaders d'opinion, prescripteurs, milieux universitaire, économique et politique sont ainsi considérés, à tort ou à raison, comme autant de relais démultiplicateurs de la communication. Les touristes figurent bien sûr aussi parmi les cibles 'prioritaires' dans une logique d'information plus directe. La campagne de communication de la Ville de Lyon s'adresse donc à un auditoire assez aisé et disposant (pour la plupart des cibles) d'un capital culturel relativement élevé, c'est-à-dire une clientèle « haut de gamme » selon les propres termes de Michel de St Etienne. Afin d'atteindre ces objectifs, la municipalité et l'équipe d'EURO RSCG ont donc construit une stratégie s'appuyant sur divers supports.
En votant un budget de 45 millions de francs sur trois ans afin de travailler à une meilleure perception de Lyon suite à son inscription au Patrimoine mondial, la Ville semble prendre la mesure et se donner les moyens de ses ambitions. Raymond Barre souligne ainsi lors de la séance du 20 septembre 1999 au Conseil municipal : « Si nous voulons agir, on ne peut pas aujourd'hui réussir si on ne se dote pas de moyens » 127 . La réelle prise d'ampleur de la communication municipale, tant financière que stratégique, est à ce titre indéniable puisque le seul montant annuel de 15 millions de francs destiné à la campagne double le budget habituellement affecté à la direction de la communication (7 millions de francs sur un budget total de la Ville de 3.5 milliards de francs). La répartition des dépenses engagées révèle également l'évolution et l'élargissement des objectifs et priorités de la politique municipale. La stratégie des moyens prévoit ainsi l'emploi de 50% du budget vers la cible nationale et 50% au niveau international, tandis que les dépenses au local devront être assurées directement par la Ville sur une base de 1.5 millions de francs hors marché. La communication s'ouvre indéniablement à de plus larges horizons.
Jugé trop important par certains élus, compte tenu de la nature de l'émetteur, le budget spécialement destiné à la rénovation de l'image de Lyon pourrait, somme toute, apparaître relativement faible comparé aux investissements promotionnels de certaines entreprises du secteur privé telles Adidas ou Coca-Cola ou même Vivendi qui aurait dépensé 90 millions de francs à l'occasion de l'annonce de son augmentation de capital. Mais il convient davantage, par souci de pertinence, de comparer le comparable, c'est à dire d'évoquer les budgets utilisés pour la communication d'autres grandes villes comme Montpellier, Bordeaux ou Lille qui ont accordé quant à elles 40 à 50 millions de francs à des opérations similaires de gestion de leurs images 128 . De plus, la Ville n'est pas la seule à communiquer sur elle, à l'image de la Communauté Urbaine par exemple, qui fournit également de l'information et de la communication. Emanant d'une institution publique locale, ce budget de 45 millions de francs sur trois ans s'inscrit dans la moyenne, même s'il ne permet pas de vastes actions grand public sur le plan national et international. Ces considérations ne peuvent toutefois pas tenir lieu d'évaluation, la qualité d'un plan de communication provenant moins de l'importance que de l'allocation des sommes engagées et de l'intelligence de la stratégie.
Satisfaire les nouvelles ambitions de Lyon, permettre une action d'envergure efficace nécessite l'organisation de la communication, la définition d'un concept, ainsi que la sélection des supports les mieux adaptés aux résultats escomptés. Le choix des outils venant en appui à la définition du plan de communication et à sa mise en oeuvre correspond, en quelque sorte, à l'étape de la mise en scène des idées et des concepts. Lyon s'est montrée, sur ce point, bonne élève en portant une importance toute particulière à la prise en compte du nombre et des caractéristiques des différentes cibles visées dans l'élaboration de sa stratégie. Tout en essayant de retenir les médias les plus susceptibles de toucher les populations concernées, la Ville a su adapter ses messages à chaque type de public. Bien que proposant les mêmes visuels à chacune des cibles, la campagne diffuse en effet différents slogans selon leur nature soit locale (agglomération lyonnaise), soit nationale et internationale. Toute action d'information et de communication importante engageant la notoriété et l'image de l'annonceur, il appartient à la Ville de bien concevoir cette campagne et de bien choisir son commandité.
Le concept développé par l'agence EURO RSCG s'appuie principalement sur l'originalité de la dualité de Lyon, ville capable de conjuguer discrétion et ambition, secret et ouverture sur le monde, tradition et innovation, mémoire et créativité, passé et présent, ombre et lumière..., tout en dévoilant la richesse d'un patrimoine urbanistique, architectural, culturel et historique. Ce concept se traduit par une charte graphique juxtaposant au choix un des cinq visuels représentatifs de cette riche diversité précédemment évoquée, et symbole du confluent joignant l'aspect 'patrimoine ancien' et l'aspect 'modernité'. Ancrer Lyon dans une image trop passéiste, trop figée, trop monumentaliste constituait en effet l'écueil à éviter ; cette jonction, à peine suggérée, doit ainsi conférer une impression de mouvement, de dynamisme. De cette dualité soulignée, de cette jonction jaillit également la vie, le "capital de vie" de la cité rhodanienne représenté par l'apparition sur chaque visuel d'un personnage au coeur même du confluent. Cette charte graphique sera appliquée tant dans la presse, qu'à la télévision et en affichage.
Une vaste campagne d'affichage divulgue ainsi cinq versions de 4*3 que les Lyonnais ont pu découvrir en avant-première avec la complicité de grands afficheurs tels Avenir Publicité, Dauphin, Giraudy, Decaux et RSA, qui ont mis pour l'occasion, plus de 600 panneaux d'affichage du Grand Lyon à la disposition de la municipalité. Les habitants devaient alors se sentir les témoins privilégiés d'une campagne ensuite destinée à un public beaucoup plus large ; ceci bien que le slogan, résumant en une phrase la teneur de l'action de communication, ait été astucieusement décliné au local en une formule volontairement provocatrice devant faire prendre conscience du rôle de chacun dans la communication de sa cité.
Déclinaison de la campagne en cinq visuels Déclinaison de la campagne en cinq visuels Déclinaison de la campagne en cinq visuels Déclinaison de la campagne en cinq visuels Déclinaison de la campagne en cinq visuelsMédia particulièrement prisé en France, l'affiche présente l'avantage de s'adresser à tous. Suivant son emplacement, elle attire le regard d'une population bien définie, progressivement captive. Elle forme, selon Michel Le Net, « l'un des meilleurs médias aptes à amorcer une campagne » 129 puisque comme la radio, elle est à même de s'adresser à un public particulier, au moment propice. L'usage de cet outil de communication apparaît donc adéquat. Les services municipaux se sont d'ailleurs attachés à sélectionner des panneaux publicitaires dans tous les quartiers de la ville, du plus aisé au plus défavorisé, comme nous le montre cette affiche sise à l'angle de la rue Montesquieu et de la rue Sébastien Gryphe dans le 7ème arrondissement. Geste particulièrement significatif de la volonté de mobiliser chacun des habitants de l'agglomération, sans exception.
Evénementielle, une campagne d'affichage doit cependant, pour une meilleure efficacité, entraîner ce que les professionels ont la coutûme d'appeler une 'reprise-presse'. Aussi, la campagne lancée par la Ville de Lyon s'est-elle déclinée en double-page dans la presse locale 130 (fin mars-début avril) et nationale 131 (avril-fin mai), les grands magazines français de tourisme et découverte, ainsi que dans la presse 'inflight' (mai-juin) - magazines distribués à bord des avions Air France et à bord d'Eurostar 132 . Touchant tout particulièrement les cibles visées, ces titres ont également été choisis selon leur pourcentage d'audience et bien sûr, le coût des contrats de diffusion.
Un film d'une trentaine de secondes mettant en mouvement le décor patrimonial de Lyon a également été réalisé dans le cadre de cette campagne, afin d'être diffusé en avril et en mai sur les chaînes TLM, TV5, Euronews, Histoire, et les TV embarquées dans les avions des grandes compagnies internationales (Air France, British Airways, Lufthansa, Delta Airlines, United Airlines). Les chaînes retenues ont l'avantage de présenter un coût d'entrée accessible, un encombrement faible facilitant l'émergence du message, et de permettre une communication internationale.
Il faut noter ici l'importance de certains détails tels la signature, le rôle du symbole ou la date de diffusion, lors d'une telle opération de communication. Si la campagne est bien conçue, elle conduit à un retour d'image favorable pour l'organisme, et peu ou prou pour son dirigeant. L'annonceur a donc tout intérêt à faciliter son identification, à apposer sa marque. Celle-ci représente en effet le service rendu et assure parfois la crédibilité de l'intervention. Théoriciens de la communication, C.I.Hovland, I.L.Janis et R.Kelley estiment, pour leur part, que l'efficacité d'une communication persuasive dépend en premier lieu de la confiance accordée par l'audience à la source du message, des intentions qu'elle lui prête, de la compétence qu'elle lui reconnaît. Ils prédisent ainsi l'échec probable d'une signature laissant sous-entendre une tentative de récupération politique. La source publique, au service strict de l'intérêt général, passerait alors mieux qu'une étiquette privée, trop souvent associée à la recherche du profit. Suivant ce raisonnement, la direction de la communication a donc effectué un bon choix en apposant à la fois le logo de l'Unesco, le blason de la Ville de Lyon et le logo 'Patrimoine mondial' créé par l'Office du Tourisme, sous chaque visuel en guise d'accompagnement d'une body-copie évoquant les principales caractéristiques de Lyon et de la signature 'Lyon, Patrimoine de l'Humanité'.
Omniprésent, le symbole du confluent est quant à lui la forme graphique du slogan. Il représente en quelques traits l'ensemble de la campagne, la spécificité de Lyon, et structure sur les visuels la juxtaposition du passé et du futur. Certains y voient même la source dont naît la vie, symbolisme du caractère humain et dynamique de la cité. « Signe de reconnaissance et synthèse graphique de la campagne », le symbole est, selon Michel Le Net, « à reproduire abondamment, jusqu'à ce que sa seule présence rappelle la recommandation qu'il porte en lui » 133 . La Ville de Lyon semble adhérer à cette philosophie. En effet, malgré une certaine variation des visuels, le symbole du confluent portant le slogan sur une de ses branches constitue une constante, et ce sur quelque support que ce soit.
L'étude de l'époque de diffusion de la campagne constitue un autre élément d'importance lors de l'élaboration d'une stratégie, étude à laquelle la municipalité et son associée, EURO RSCG, se sont probablement vouées puisque l'action débute approximativement en avril. Michel Le Net considère en effet que « le printemps, correspondant au réveil de la nature et au développement physiologique, est l'époque des actions novatrices. C'est donc le meilleur choix pour la promotion du sport et de toutes les initiatives qui appellent un élan particulier de la part de l'individu, par exemple, la promotion du patrimoine » 134 . L'équipe de communication a d'autre part porté une attention particulière à la diffusion progressive de la campagne, privilégiant la cible locale à toutes les autres dans une logique de préparation.
Toute la stratégie de communication n'est cependant pas uniquement basée sur ce que Michel de St Etienne appelle "la publicité", c'est à dire la campagne d'affichage et sa reprise dans les différents médias mis à disposition. Le service de communication et son partenaire, EURO RSCG, ont ainsi fait le choix stratégique de répartir le reste des moyens vers l'Internet, les relations presse et relations publiques, vers le marketing dit "relationnel" et d'autres outils complémentaires afin d'assurer la présence de Lyon dans les médias tout au long de l'année. Le budget de la campagne, si important qu'il puisse paraître, ne permettant pas une visibilité assez large sur le plan national et international par le seul vecteur de la "publicité", les relations presse et relations publiques constituent des outils importants pour la Ville. Aussi s'agit-il, durant toute l'année, de mettre à profit tous les événements culturels ou d'actualité qui rythment ou rythmeront la vie lyonnaise : inauguration de la ligne aérienne Lyon-New York, inauguration de la Halle Tony Garnier, Biennale de la Danse, Biennale d'Art Contemporain, et toutes les manifestations organisées dans le cadre de l'an 2000, dont la Fête des Lumières, le centième anniversaire de Saint-Exupéry, l'opération "Tu parles" dédiée à la langue française, les Congrès et toute autre manifestation pouvant survenir au cours de cette année 2000. La Ville compte ainsi amplifier ces événements et saisir toutes ces occasions pour communiquer sur le récent référencement de Lyon sur la Liste du Patrimoine de l'Humanité ainsi que sur ses différents atouts.
Cette communication événementielle doit être facilitée, grâce aux réseaux italien, anglais, allemand et nord-américain de l'agence mandatée, par l'entretien de relations suivies avec des journalistes spécialisés des pays cibles et l'organisation périodique de voyages de presse. Partie immergée de l'iceberg, ces relations privilégiées avec les journalistes s'ensuivent simultanément d'efforts en matière de relations publiques. Dès lors qu'un lien a été établi avec la presse à l'étranger, il est en effet préférable d'être autant que possible en relation avec un certain nombre de décideurs, de VIP, etc. comme le souligne Michel de St Etienne lors d'un second entretien : « Toute manifestation, tout voyage de presse comme celui de Lyon-New York implique, à l'arrivée, qu'on soit aussi bien en contact avec l'Alliance Française, la Maison de la France, la Chambre de Commerce, etc. » 135 .
Réalisant 30% du business tourisme, aux dires de l'équipe de communication, l'outil Internet est aussi largement mis à contribution et constitue, après le développement de la campagne d'affichage et sa déclinaison sur d'autres supports, le second poste du budget. Les dépenses ont été affectées à la création d'un micro site "Patrimoine" plus attirant, plus séduisant que les précedentes rubriques déjà présentes sur le site de la Mairie, sur lequel sont désormais proposés visites virtuelles du site historique, de ses monuments, circuits guidés, et auquel a été ajouté un extranet destiné aux journalistes et aux écoles. Le service travaille également au développement d'un "netlinking", c'est à dire à la création de liens directs entre les sites des partenaires de la Ville de Lyon (Office du tourisme, grandes institutions...), ceux des grandes entreprises, et le site "Patrimoine" consultable à l'adresse http://www.mairie-lyon.fr. Il s'agit pour la municipalité, « de faire en sorte que les forces vives de la ville (surtout les entreprises) bénéficient et participent à la communication engagée. Il faut donc leur faire utiliser cet argument du Patrimoine mondial ! Il y a du bénéfice dans les deux sens ! » 136 .
De nombreuses autres actions ponctuelles sont prévues dans le but de créer ou de renforcer des contacts plus directs avec un certain nombre de cibles tels les prescripteurs, les professionnels du tourisme, les universités, les milieux économiques ou culturels. Parmi ces opérations de marketing dit "relationnel" figurent à titre d'exemples, l'organisation, en partenariat avec l'Education Nationale, de journées pédagogiques en direction des enseignants et des élèves de Rhône-Alpes dans le but d'inciter à la découverte du patrimoine de Lyon ; la fabrication de 4 millions de contre-étiquettes qui seront accolées sur les bouteilles des Vins Duboeuf dans le cadre de la sortie du Beaujolais Nouveau ; ou le développement d'une action partenariale avec les établissements du groupe Accor.
En outre, la Ville continue bien évidemment son activité habituelle d'édition en produisant des supports à durée de vie un peu plus longue que la campagne affichage/presse et ces actions "relationnelles", c'est-à-dire dépliants, plaquettes et brochures présentant Lyon sous ses différents aspects et pas seulement sous l'angle du patrimoine. La municipalité encourage également la publication de guides. Elle s'est notamment associée à une maison d'édition pour la parution d'un Guide du Moutard sur le Patrimoine mondial, guide destiné aux enfants de huit à quinze ans.
Conformément au choix de la procédure d'appel d'offres, plusieurs stratégies ont été proposées à la Mairie pour cette campagne de communication sur trois ans. L'agence retenue le 17 janvier 2000 est EURO RSCG France, mais les quatres autres stratégies analysées par la Commission d'appel d'offres 137 avec le concours de quelques experts et de personnalités concernées par le sujet 138 , comportaient également des propositions intéressantes. Une agence a notamment proposé de faire réaliser une série de photos par une structure intermédiaire, avec des signatures de renoms, puis d'en constituer un livre et une exposition itinérante de très grande envergure ; tout le reste du plan de communication reposant sur les relations presse. Téméraire, cette stratégie remportait la préférence du service communication, mais malgré un argumentaire "fantastique" de l'agence en question, de l'avis de Michel de St Etienne, elle présentait toutefois un risque d'impact et demeurait surtout politiquement dangereuse. En effet, le contribuable ne percevant que peu les actions de relations presse, il n'aurait probablement pas saisi la pertinence d'une telle action et aurait jugé inconsidéré l'investissement de trois fois 15 millions de francs dans un livre et une exposition, comme un gaspillage des fonds publics de la part de la Mairie. Une perception qui se révèle assez compromettante en termes d'image, de crédibilité et de légitimité de l'institution auprès des citoyens.
Une autre agence a misé toute sa stratégie sur le plan international, arguant qu'il était possible de ne pas déployer de grande communication au plan national, à condition de s'assurer de la connaissance des efforts réalisés à l'extérieur sur le territoire français. Cette tactique de séduction du cercle le plus large n'est d'ailleurs pas sans rappeler la stratégie de certains hommes politiques se faisant élire au niveau local grâce à leur notoriété et au travail de leur image au niveau national. Disposant d'un réseau particulièrement important, d'une réactivité forte, faisant la démonstration d'une campagne sûrement plus sage, moins risquée, proposant une bonne optimisation des moyens et une stratégie créative assez intéressante en terme d'identification de Lyon, EURO RSCG a finalement fait l'objet du choix de la Commission d'appel d'offres. Prévue sur une durée de trois ans, la campagne ainsi élaborée s'articule lors de cette première année sur le thème "proclamation/révélation", puis elle devrait monter en puissance et se poursuivre en 2001 en "révélation/enracinement", pour s'achever en 2002 sur "l'enracinement" et le "déploiement".
Les résultats de cette action de communication, encore récente, se feront sentir dans la durée, ce qui implique cohérence et persévérance dans la mise en oeuvre de la stratégie tout au long de ces trois années, mais également souplesse et adaptation aux circonstances. Communiquer nécessite de mesurer avec précision les convergences et les divergences entre l'effet recherché et la perception réelle des messages afin d'en tenir compte dans la structuration des futures actions. Aussi la Ville de Lyon prévoit-elle de conserver les mêmes axes de communication, la même stratégie de moyens, tout en prenant en compte les retombées des actions déjà engagées et en mettant à profit les événements non programmés qui pourraient survenir et constituer des opportunités de communiquer. Bien que le plan médias soit arrêté à 90%, l'équipe s'affirme ainsi prête à effectuer toutes les rectifications et les adaptations nécessaires au contexte et à la bonne réception des messages.
Au démarrage de ce que Michel de St Etienne qualifie de "grande communication" - dans le sens où cette expérience demeure à Lyon sans précédent -la philosophie consiste à se saisir de toutes les occasions de communiquer, voire de les provoquer, même si les responsables de la Ville de Lyon ont malgré tout conscience de pouvoir faire mieux s'ils bénéficiaient d'un budget plus conséquent. Michel de St Etienne évoque notamment l'achat d'espace dans la presse internationale tel un moyen vraiment « efficace pour être vu et identifié » 139 par le grand public. Barcelone communique beaucoup de cette manière. Sa campagne de promotion est apparente dans de nombreux pays. Mais cette méthode est très onéreuse et 15 millions de francs par an n'y suffisant pas, il est impossible d'y recourir dans le cadre de cette campagne. Le choix de l'entretien de relations presse soutenues et l'organisation de voyages presse constituent alors « une façon astucieuse d'amener à soi les conditions d'une bonne communication tout en faisant avec ce qu'on a. (...) On ne peut pas, avec un budget de 15 millions de francs par an, avoir une communication grand public à la fois nationale et internationale ! » 140 .
Il convient cependant de nuancer les mérites de cette campagne supposée allier originalité et dynamisme. Quiconque interroge son entourage et prête attention à ses propres impressions peut émettre quelques reproches quant au caractère original de la campagne. En effet, rappelant les ordinaires communications promotionnelles des villes, celle-ci, outre l'argument de l'inscription, demeure somme toute assez classique et contraste quelque peu avec les ambitions affichées, et donc probablement avec les attentes du public. Ensuite vient le problème d'une mauvaise lisibilité du message. En effet, certaines personnes n'ont pas immédiatement perçu la finalité de la campagne d'affichage, ni le lien avec le Patrimoine de l'Humanité ou même avec Lyon. Cette critique peut surprendre compte tenu de la représentation de lieux typiques de la capitale rhodanienne sur les affiches de la campagne, mais il est vrai qu'au-delà du slogan « Lyon, capital de vie », les logos de la Ville et du Patrimoine mondial n'apparaissent qu'en dessous d'une image punctum, attirant toute l'attention. Il faut cependant reconnaître au crédit de la Ville que ce plan de communication constitue par le déploiement de moyens considérables et étudiés, un véritable essor de la politique de communication de la Cité, notamment en ce qui concerne l'inscription de Lyon sur la Liste de l'Organisation de Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture.
Si une nouvelle étape semble avoir été franchie par l'élaboration et le lancement de ce vaste plan de communication sur trois ans, une constante apparaît cependant depuis les objectifs initiaux jusqu'à ceux plus récents de la campagne : la volonté simultanée de promouvoir Lyon et le label de l'Unesco, et de susciter une réelle mobilisation des habitants, d'associer institutions, entreprises et particuliers. Cette volonté transparaît d'ailleurs particulièrement dès le stade de préparation de la campagne. Ce nouveau plan présente en effet l'originalité d'avoir fait l'objet de la diffusion par la Ville elle-même, d'une commmunication sur la stratégie de communication. Les usagers ont ainsi pu suivre, via les articles du journal municipal LyonCité, les principales étapes de la constitution de l'opération : décision de l'investissement de la municipalité dans un plan de communication triennal sur l'image de Lyon (vote de l'appel d'offres), sélection de l'agence, teneur de la campagne via une présentation minutieuse des objectifs, des cibles, du concept, des visuels, des moyens utilisés, des dates des différentes étapes de diffusion... Or le magazine municipal reste encore de nos jours l'instrument de communication le plus efficace car le plus lu et le mieux connu par l'ensemble des populations -sa réception en boîte aux lettres étant sans doute l'une des principales raisons de son succès. Michel de St Etienne explique cette attention particulière à la cible locale, par la volonté de donner une nouvelle image des habitants, de modifier leur comportement en suscitant chez eux un sentiment de fierté et l'envie de le diffuser vers l'extérieur, et la compare à une communication interne d'entreprise :
« Vous faites une convention du personnel dans l'entreprise ! Ou comme les constructeurs automobiles, vous faites un grand round pour lancer un nouveau modèle. Avant de faire un grand round avec la presse de l'automobile, ils font un grand round avec le personnel et les concessionnaires ! C'est un peu la même chose. Il faut que l'on fasse notre convention interne ! » 141
Avec ou sans le concours de l'agence mandatée, la Ville a ainsi persévéré dans une logique d'association des forces vives de la cité à la communication sur l'image de Lyon, que ce soit à l'égard des particuliers ou des entreprises, associations et institutions, comme nous avons pu le constater avec la mise en place d'un "netlinking" entre le micro site municipal consacré au Patrimoine et ceux des différents acteurs-partenaires de la vie locale. Il s'agit là d'une action qui s'inscrit clairement dans le sillage de la mise à disposition dès 1999 du logo "Patrimoine mondial" auprès d'éventuels partenaires s'engageant à en respecter la charte graphique. De la même manière, le service de communication continue à travailler en concertation avec l'Office du Tourisme du Grand Lyon et l'ADERLY, ses partenaires institutionnels habituels.Cette concertation reste somme toute assez logique, puisqu'ils étaient associés au choix de l'agence actuellement chargée de la campagne. Dans cette stratégie inchangée de mobilisation et d'association de tout partenaire éventuel, la contribution du Conseil Général, lui aussi partenaire de la Ville, demeure particulière.
De par sa nature, la participation du Conseil Général du Rhône à la communication sur le site historique de Lyon inscrit au Patrimoine de l'Unesco se distingue des contributions privées ou publiques précédemment évoquées. Une toute autre relation semble lier l'institution départementale et la Ville de Lyon. Le terme "coopération" convient ici davantage à celui d'"association" à un effort de communication commune, dans le sens où le Conseil Général, tout en affirmant son ouverture à d'éventuelles sollicitations de la Ville, accepte de laisser le champ libre à la stratégie municipale et contribue ainsi à son efficacité. Toujours à l'écoute, à l'affût de toute proposition de collaboration plus poussée, plus active, le Département reste en arrière plan. Christophe Noël, directeur de la communication de l'institution, souligne d'ailleurs : « C'est d'abord l'affaire de la Ville de Lyon. Nous ne sommes pas impliqués directement, nous on verra ce qu'on nous proposera. Bien évidemment, on examinera avec bienveillance et intelligence toutes les actions de communication -il y en a déjà plusieurs- un peu globales où on a besoin de financements complémentaires » 142 . Bien qu'ayant participé plus ou moins directement au projet de candidature du site historique de Lyon, notamment par sa participation au Comité de Pilotage de l'opération ou par ses actions de rénovation (du Palais de Justice par exemple), le Conseil Général diffuse une communication "de complément" 143 assez discrète. Communication si discrète que certains la jugent très faible voire inexistante.
N'occupant pas le devant de la scène en matière de communication sur le référencement du site historique de Lyon, le Conseil Général communique, il est vrai, essentiellement par l'intermédiaire de la valorisation de son propre patrimoine. N'ayant pas consacré de budget ou d'équipe spécifique à une action de communication autour de l'événement, le thème de l'inscription de Lyon au Patrimoine mondial s'intègre dans les pratiques de communication habituelles du Conseil Général. Aussi a-t-on assisté lors de ces deux dernières années à des déclinaisons de campagne ou à une communication assez indirecte via des organismes étroitement liés à l'institution.
Bien qu'il ne dispose pas de l'avantage de la proximité, le Département n'est pas totalement absent de la communication relative à Lyon. S'il n'est pas concevable, dans une logique d'équilibre territorial, que le Conseil Général se polarise sur Lyon, l'institution ne peut cependant faire l'économie de toute référence à la Capitale des Gaules en matière de promotion touristique. Principaux pôles d'attraction du Rhône, Lyon et le Beaujolais cristallisent en effet en grande partie l'image du département à l'extérieur. Le Conseil Général se révèle donc un acteur omniprésent de la communication "de" Lyon -les communications des différents échelons s'imbriquant sur un même territoire, la communication de la Ville n'aurait sans doute pas été similaire si le Conseil Général avait unilatéralement décidé de s'engager dans une politique plus ambitieuse concernant le Patrimoine mondial- et "sur" Lyon.
En effet, s'il est dans la philosophie du Département de privilégier les interventions en dehors de sa capitale en matière de promotion et de subvention du patrimoine, afin de maintenir un certain équilibre entre la ville centre et le reste du territoire, il existe tout de même quelques opérations en direction de la cité lyonnaise. La communication sur le site historique de Lyon et son inscription au Patrimoine de l'Humanité a quant à elle surtout consisté en l'intégration de l'information aux campagnes existantes. La campagne « Capitale essentiel » en constitue l'un des exemples les plus flagrants. Lancée depuis déjà quelques années, celle-ci a été déclinée afin de s'adapter au nouvel atout dont dispose désormais le Rhône : un site reconnu sur le plan international. Présentant à la fois l'image de la préfecture rhodanienne et les vertes vignes du Beaujolais dans une logique de promotion de la dualité et de la diversité des richesses du département, les visuels s'accompagnent d'un slogan bicolore s'intégrant au concept de la campagne. En surimpression sur la photo de Lyon, le mot "Capitale" apparaît en effet dans une teinte bleue, couleur de l'eau, et rappelle ainsi les couleurs de la Ville et des fleuves qui la traversent : le Rhône et la Saône. Tandis que l'adjectif "essentiel" apparaît de manière identique en vert, couleur de la nature rappelant les paysages de la campagne environnante.
Parue en simple page dans des revues spécialisées et déclinée en campagne d'affichage visible sur les Abribus, les sucettes Decaux ou même dans les musées du Département, cette communication a connu quelques évolutions lors de ces trois dernières années comme le montrent les reproductions qui suivent. L'adaptation de la campagne à l'événement valorisant de l'inscription d'une superficie non négligeable de Lyon s'est particulièrement ressentie dans la body-copie. Le titre de cette dernière qui était en 98/99 "Le Rhône, source d'équilibre" se transforme ainsi l'année suivante (99/2000) en "Le département du Rhône, de nombreux atouts pour séduire" -le texte évoquant alors "la Capitale des Gaules, nouvellement inscrite au Patrimoine mondial de l'Unesco"- pour ensuite réapparaître en 2000/2001, cette fois, en signature afin de ne pas se substituer au message qui lui avait succédé. La campagne s'est affiné cette année en proposant une légende sous chaque visuel et en faisant réapparaître un panneau de bienvenue dans le département. La mise en page a également été retravaillée : l'inscription évoquée en légende, la taille des caractères de la body-copie pouvait être réduite, laissant ainsi plus de respiration au graphisme.
Cas unique d'animation culturelle dont le producteur est une entité territoriale, selon Isabelle Lagarde, le festival des Nuits de Fourvière, organisé par le Conseil Général du Rhône, a de la même manière, été mis à profit dans la communication relative à la réception du label de l'Unesco. A la fois propriété du Rhône et partie intégrante du périmètre inscrit, le site de Fourvière et le site Gallo-romain, qui accueillent chaque année les festivités, constituent assurément un fantastique outil de communication ! Aussi le Département a-t-il saisi cette occasion -du moins lors de l'année suivant l'inscription- pour installer de nombreux panneaux et tentures rappelant aux visiteurs leur présence sur un site inscrit au Patrimoine mondial de l'Humanité. Le logo "Patrimoine mondial" figurait également sur les plaquettes, affiches et publications annonçant le festival ou sa programmation -logo qui n'apparaît plus pour l'édition 2000 (cf. infra).
Cependant ces campagnes de promotion, qui du département, qui des Nuits de Fourvière, auraient eu lieu avec ou sans l'argument de poids constitué par le label de l'Unesco. Comme le souligne Christophe Noël, le service de communication de l'institution départementale profite ainsi "régulièrement" de ses opérations de communication pour rappeler le prestigieux titre que constitue l'inscription de Lyon au Patrimoine de l'Humanité, tout en prenant en compte la nature "complémentaire" de ces actions s'alignant derrière une campagne plus ambitieuse de la Ville. Ne disposant plus de publication régulière d'actualité générale qui lui soit propre -Atout Rhône ayant disparu il y a 8 ans- en dehors de la parution de Chiffres Clés dirigée vers l'administration, cette méthode constitue de plus un vecteur d'affirmation de la réactivité et de l'omniprésence du Conseil Général concernant l'événement.
documents originauxIntervenu principalement de manière indirecte dans la procédure conduisant à l'inscription de la ville de Lyon au Patrimoine de l'Unesco, le Conseil Général a jusqu'à maintenant, surtout fait preuve d'une communication intermédiée, via les communications des structures ou organismes qui lui sont attachés. Il en est ainsi de ses musées et du Comité Départemental du Tourisme (CDT).
Propriétaire depuis peu de quatre musées importants de l'agglomération lyonnaise (le Museum d'Histoire Naturelle, le Musée de la Civilisation Gallo-romaine, le Musée Archéologique de Saint Romain en Gal et le Musée de la Poupée de Lacroix-Laval), le Conseil Général a vocation à les faire vivre et à faire connaître ces sites.
Il s'agit certes d'organiser et de communiquer autour des animations, des expostions permanentes ou temporaires qui y ont lieu, mais le Musée de la Civilisation Gallo-romaine et le Parc Archéologique de Fourvière faisant partie du site, tout comme le Muséum d'Histoire Naturelle qui se situe dans la zone tampon du périmètre inscrit au Patrimoine de l'Humanité, ces trois musées constituent également trois outils de communication sur l'inscription de Lyon.
Apparaît ainsi dans un premier temps, un phénomène de promotion en ricochet : par la valorisation du Musée Gallo-romain et du Parc Archéologique de Fourvière, le Conseil Général fait la promotion plus ou moins indirecte et plus ou moins volontaire du site historique en lui-même. La recherche d'un lien éventuel entre les nouvelles propriétés du Conseil Général, a d'autre part conduit le service communication du Conseil à imaginer une combinaison pour développer la fréquentation des musées en sa possession, en attirant tout d'abord les visiteurs à Lyon, puis en les conduisant dans les musées des alentours. L'inscription du site historique de Lyon par les instances de l'Unesco constitue à ce titre un argument de choix pour cette stratégie désirant créer un mouvement, une dynamique d'attraction pour favoriser à la fois la visite de Lyon et de ses environs.
L'institution rhodanienne s'est aussi beaucoup appuyé sur le CDT pour la promotion du label de l'Unesco. Si le Conseil Général considère que le CDT est au Département ce que l'Office du Tourisme des Congrès est à la Ville de Lyon 144 (bien que ce dernier soit en contact plus direct avec le public), il semble également estimer que la promotion du Patrimoine relève en grande partie de sa compétence. Association 1901 financée à 90% par le Conseil Général du Rhône et à 10% de recettes propres, le CDT est un acteur essentiel de la mise en oeuvre de la politique touristique du Département. Il assure en particulier la promotion du territoire départemental, notamment par l'élaboration et l'édition de documents présentant ses atouts touristiques. Ce travail repose essentiellement, selon Georges Guerrier, directeur du Comité Départemental du Tourisme, sur trois grands axes : la participation de l'organisme à de nombreux salons thématiques professionnels ou grand public ; les accueils presse, tous médias confondus ; et les accueils de professionnels du tourisme (agent de voyage, tours opérateurs, autocaristes...) 145 .
Outre ses fonctions de coordination et d'animation, le CDT joue un rôle d'assistance technique auprès des porteurs de projets. En effet, la multiplicité des financements mais aussi la complexité des procédures rendent particulièrement souhaitable cette mission d'encadrement éventuel d'acteurs aussi bien publics que privés. Toutes ces actions s'effectuent, selon les propos de Georges Guerrier, dans le but premier de « faire vivre le tourisme », de « stimuler le tourisme à l'interne et à l'externe ».
La préservation et la valorisation du patrimoine étant l'une des composantes de l'attraction touristique des territoires, quelques opérations de communication concernant le site historique de Lyon et sa reconnaissance internationale, ont ainsi vu le jour sous l'égide du CDT du Rhône, bien que l'événement n'ait pas fait l'objet d'une édition spécifique comme à l'Office du Tourisme des Congrès. "Element primordial de référence" pour Georges Guerrier, l'inscription de Lyon au Patrimoine mondial a ainsi motivé, dès son annonce, la parution d'un article dans la lettre d'information de la structure. L'événement a également été mis en avant sur l'attente téléphonique de l'organisme. Une telle action pourrait certes apparaître anecdotique, mais elle revêt aux yeux de Georges Guerrier une certaine importance « car toute personne qui téléphone, dès qu'elle a un peu d'attente, sait que l'on s'y intéresse ou en est informée ». Sur la carte touristique 1999/2000 du CDT figure à la fois le logo de l'Unesco et celui du Patrimoine mondial. Editions, dossiers de presse et autres communications de l'organisme font aussi valoir l'inscription à l'image du magazine Le Rhône en découverte, édité et distribué chaque année par le CDT. Dans l'édition 1999/2000 (année suivant l'inscription), l'éditorial de Michel Mercier, Président-Sénateur du Conseil Général du Rhône, évoque ainsi, au-dessus d'une aquarelle de Noëlle Herrenschmidt représentant le Vieux Lyon, « deux événements exceptionnels qui sont autant de symboles forts : le passage à l'an 2000 et, bien sûr, le classement du site historique de Lyon au Patrimoine mondial de l'Humanité » 146 . Quant à la rubrique "Patrimoine et traditions", elle consacre une introduction élogieuse à la richesse du patrimoine rhodanien disposant depuis peu d' « un épicentre voué plus que jamais à un rayonnement international : le site historique de Lyon inscrit au Patrimoine mondial de l'Humanité par l'Unesco » 147 dont l'article propose ensuite une description tout en rappelant qu'il ne constitue toutefois pas le seul trésor du département. L'éditorial de l'édition 2000/2001 rappelle quant à lui quelque peu les arguments de valorisation de la Ville de Lyon, en élargissant au département dans son ensemble, le concept du trait d'union entre le passé, le présent et l'avenir, concept propre à la récente campagne de commmunication municipale ; tandis que l'introduction de la rubrique "Patrimoine et traditions" cite, entre autres, le site historique de Lyon inscrit au Patrimoine de l'Unesco. Attentifs à mettre en avant, « à mettre un coup de projecteur » 148 sur l'inscription, ces messages ne constituent cependant en aucun cas une communication spécifique au thème du référencement de Lyon. Georges Guerrier considère d'ailleurs que ces actions sont « inclues dans des communications que l'on [le CDT] aurait eu de toute façon ! (...) On a bien utilisé l'inscription comme atout à mettre en valeur dans l'ensemble de notre promotion et communication touristique ».
Comme pour le Conseil Général, le sujet ne représente donc pas un point de focalisation, mais un élément à valoriser parmi d'autres, tant pour le CDT que pour les musées du Département. Cette communication, rélayée par le Conseil Général à des organismes plus ou moins étroitement liés à ses services, présente en outre la double caractéristique d'être principalement tournée vers l'extérieur et de constituer davantage de l'information, présentant des faits, que de la communication, vouée à susciter l'adhésion à l'égard des actions réalisées ou engagées.
Bien qu'elle soit accessible au public local, cette communication assez discrète et indirecte semble en effet plus ou moins destinée à l'information des touristes. Il s'agit en quelque sorte pour le Conseil Général du Rhône, de profiter de l'atout supplémentaire de l'inscription de Lyon, atout d'une valeur considérable « notamment sur le plan international » 149 , pour le valoriser mais surtout s'en valoriser. Leitmotiv par ailleurs dévoilé lors d'actions telles le financement d'un Guide Gallimard sur le Rhône ou la commande d'un livre réalisé à partir d'archives et de photographies par Yves Neyrolles et Jean-Luc Chaban, intitulé Lyon, patrimoine mondial et publié en édition de luxe, afin de le distribuer en guise de cadeaux protocolaires.
La contribution du Conseil Général à la réussite de la communication assez ambitieuse de la Ville ne s'est toutefois pas limitée à ces actions de communication et d'animation, somme toute relativement discrètes, pas plus qu'elle ne s'est cantonnée à une attitude de retrait. Son intervention se traduisant également à travers une participation financière ou éventuellement d'autre nature, l'institution départementale s'est en effet révélé un véritable partenaire de la municipalité lyonnaise et même parfois, un relais des communications spécifiques au Patrimoine mondial engagées par la Ville et ses partenaires.
La relation partenariale existant sur le plan financier entre le Conseil Général du Rhône et la Ville de Lyon n'est pas nouvelle. Révélée bien avant l'inscription du site historique sur la Liste du Patrimoine de l'Unesco, l'intervention du Conseil Général s'est notamment manifestée dès la décision et la préparation de la candidature, de la même manière qu'au lendemain de l'annonce de la reconnaissance internationale, par l'intermédiaire du financement d'aides à la restauration et de sa participation à des programmes d'incitation à la valorisation du patrimoine. Un tel rapport de complément financier semble éventuellement s'annoncer dans le cadre de la campagne de communication récemment amorcée par la capitale rhodanienne.
S'engageant à examiner avec « bienveillance et intelligence toutes les actions de communication -et il y en a déjà plusieurs- un peu globales pour lesquelles des besoins de financements complémentaires se font sentir » 150 , le service communication du Conseil Général se montre particulièrement ouvert, si ce n'est à l'affût, de toute proposition de collaboration plus poussée entre le Département et la Ville, dans le cadre des opérations en cours suite à l'inscription au Patrimoine mondial de l'Humanité. L'éventualité d'une sollicitation financière du Conseil Général est par ailleurs inscrite dans le cahier des charges du plan de communication sur trois ans élaboré par la municipalité. Evoquant les relations particulières entretenues avec l'institution départementale, Michel de St Etienne souligne ainsi :
« Propriétaire du site archéologique de Fourvière, du Musée d'Histoire Naturelle, etc. il a en charge la valorisation de ces sites, donc... il est partenaire de la Ville, mais il n'agit pas directement dans cette opération sur le Patrimoine. En revanche, le cahier des charges indique que pour certaines actions précises, dans le cadre de la stratégie des moyens, nous pourrons solliciter des concours financiers, des participations financières du Conseil Général, du Conseil Régional, éventuellement de l'Etat ou même du secteur privé » 151 .
Mais les aides provenant du Département peuvent revêtir un tout autre aspect, notamment celui d'un partenariat en terme de distribution ou de diffusion.
Si le Conseil Général du Rhône ne s'est pas révélé l'initiateur d'un discours particulièrement résonnant au niveau local, si sa propre communication se montre assez discrète, il ne s'est pas moins transformé en une sorte de relais, portant à ses publics habituels la parole de la Ville de Lyon et de l'Office du Tourisme concernant le site historique et le label de l'Unesco. Bien que les locaux du Conseil Général aient eux-mêmes constitué un point de distribution du Guide du site historique de Lyon réalisé par la Ville, et bien que les Musées et sites appartenant au Département aient également participé à l'opération, cette attitude de relais d'information et de communication a surtout été l'apanage du CDT.
Cette structure, travaillant avec les vingt-trois Offices du Tourisme du département, et dont la mission demeure le développement touristique du Rhône, a en effet tout intérêt à profiter des communications existantes afin de valoriser l'une des principales richesses, l'une des principales sources d'attraction de l'aire géographique dont elle a la charge. Aussi s'est-elle engagée à distribuer dans une proportion toutefois relative, les documents, dépliants et plaquettes édités par la Ville et l'Office du Tourisme dans une perspective de promotion de Lyon et du label "Patrimoine mondial". Ces dépliants et ces plaquettes sont proposés en libre service parmi la propre documentation touristique du CDT.
Publication annuelle de l'organisme, Le Rhône en découverte, magazine de promotion touristique du département, se fait, en outre, support occasionnel des campagnes publicitaires lancées par la Ville. L'édition 1999/2000 proposait ainsi en demi-page, dans sa rubrique "Patrimoine et traditions", une publicité pour l'exposition "Lyon, Patrimoine mondial de l'Humanité" organisée au Musée Gadagne sous l'impulsion de la Mairie 152 . L'édition actuelle diffuse quant à elle au même format, l'un des visuels de la campagne élaborée par EURO RSCG, dans sa version locale 153 .
Le Conseil Général se révèle donc un acteur "semi-actif" de la communication relative au site historique de Lyon et à son inscription au Patrimoine mondial de l'Humanité. Il n'a en effet pas concourru directement à la production et à l'élaboration de la récente campagne initiée par la Ville, mais il intervient par les multiples chemins que sont le financement et des activités, même minimes, de diffusion et de distribution, ainsi que par son attitude de relatif retrait. En effet, le Conseil Général a en quelque sorte influencé cette campagne qui n'aurait probablement pas été identique, s'il avait lui-même fortement communiqué et s'il s'était placé en concurrence avec la Ville.
La coopération n'a cependant pas toujours été facile, le Comité Départemental du Tourisme suspectant la Ville de Lyon, comme toutes les préfectures de taille importante, de vouloir toujours ramener à elle le bénéfice de richesses patrimoniales ne lui appartenant pas forcément. Ces relations à la fois tendues et amicales ont été particulièrement visibles lors de la réunion bilan sur l'enquête "Patrimoine" organisée par la Chambre de Commerce et de l'Industrie de Lyon. En effet, lors d'une discussion concernant la zone de comptabilisation hôtelière à prendre en compte dans le cadre de l'Observatoire du Tourisme Urbain de la Ville de Lyon, la CCIL et l'Office du Tourisme du Grand Lyon ont prôné son élargissement tandis que Georges Guerrier, directeur du CDT, s'y est fortement opposé. Lors d'un entretien, Michel de St Etienne aborde le problème d'une coopération plus difficile avec le CDT, en soulignant le possible effet néfaste de la prolifération des sources et la nécessité d'une certaine cohérence des communications des divers acteurs sur un même sujet :
« Il faut faire en sorte qu'un certain nombre d'institutions communiquent dans la cohérence ! C'est ce qui est le plus difficile ! On s'y emploie. Avec l'Office du tourisme... on y arrive. Avec l'ADERLY, on y travaille. Le CDT, par contre communique un peu par lui-même. C'est donc plus dur avec le CDT. Ils ont, par exemple, créé une entité : "le Pays lyonnais" pour qu'il y ait une certaine lisibilité du territoire, mais cette entité n'existe pas ! Ils utilisent d'autre part une charte graphique qui n'est pas la nôtre ! » 154
Si l'hypothèse de relations partenariales ne vient d'elle-même, si la coopération du CDT se révèle parfois caduque, la Ville de Lyon semble être toutefois doucement parvenue à ses fins, c'est à dire à l'imposition d'une certaine ligne directrice.
La communication étant en elle-même associée à l'idée de dynamisme, le Département du Rhône se doit de prendre la parole sur l'événement de l'inscription du site historique de Lyon. Jugeant d'autre part important de présenter un tel label et de s'en valoriser, notamment sur le plan international, le Conseil Général semble vouloir se saisir de toutes les opportunités ou plutôt se servir de toutes ses opérations de communication pour le mettre en avant, sans toutefois prendre d'initiative spécifique ou sans vouloir provoquer d'occasions supplémentaires de communiquer sur le thème. Pour Christophe Noël et Isabelle Lagarde, la Ville est en première ligne, la communication du Département arrive donc en complément des efforts de cette dernière en la matière, et ne doit en aucun cas se présenter sous le jour de la concurrence ou de la superposition. Un rapport de force entre ces deux collectivités territoriales imbriquées ne serait ainsi, selon eux, pas concevable autour d'un sujet aussi rassembleur que le patrimoine. Christophe Noël conçoit en effet l'inscription tel « un label extraordinaire pour vendre une ville, un département, voire une région. C'est une locomotive ! ». Locomotive autour de laquelle il semble préférable de communiquer ensemble car « la communication, c'est aussi d'agréger toutes les communications possibles et imaginables » afin de privilégier la cohérence et la lisibilité des messages.
La coopération, l'affirmation d'une complémentarité en terme de communication sur le thème de l'inscription apparaît alors à la fois volontaire et plus ou moins "négociée". En effet, plus ou moins concerné via la possession du Musée Gallo-romain et du parc de Fourvière ou via ses interventions dans des actions d'aides à la restauration ou d'incitation à la valorisation du patrimoine, le Conseil Général faisait partie du Comité de Pilotage de la candidature de Lyon au Patrimoine mondial. Or ce comité dont la principale finalité consistait à s'accorder sur les domaines et degrés d'interventions des différentes collectivités, pourrait bien avoir constitué le lieu de discussion, de mise en condition et de décision commune d'un relatif retrait du Département en terme de communication.
Cette analyse des stratégies respectives de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône autour du référencement du site historique de la Capitale des Gaules, a permis de dévoiler deux façons de communiquer, deux façons de se saisir de l'opportunité d'une telle reconnaissance. Complémentaires mais différentes sans toutefois être divergentes, les communications des institutions ne semblent pas avancer vers des directions opposées mais prendre le même chemin, suivre, dans la mesure du possible, en fonction des ambitions ou des missions respectives, une même ligne directrice essentiellement tracée par la Ville. De nombreux paramètres interviennent dans ce choix.
En effet, communiquer sur un thème telle l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial signifie, pour chaque collectivité, l'entretien d'une certaine cohérence des messages sur un même territoire, d'une harmonie avec ses communications précédentes sur le sujet, mais aussi et surtout l'intégration de cette nouvelle communication dans la philosophie générale de l'institution, dans sa ligne de communication, et dans une stratégie globale.
Si l'objectif de la communication publique demeure principalement l'obtention de l'adhésion, la fédération des populations autour des projets ou actions engagés, il consiste aussi, pour chaque collectivité, à travailler à un positionnement solide de son image. S'ajoute alors aux notions de proximité et de participation, la nécessité de l'intégration de toute politique de communication dans la stratégie globale de l'institution. Or toutes les collectivités ne sont pas comparables. Elles ont des budgets et des pratiques différentes, des territoires d'influence variables et, bien entendu, des équipes politiques et techniques différentes. Dans ce contexte, nul ne peut attendre des efforts, des politiques de communication identiques de la part de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône, à l'égard de l'événement du 5 décembre 1998.
En charge de la gestion de réalités peu comparables en terme d'image, d'histoire, de superficie, de publics, de budgets..., les services de communication respectifs de la Ville de Lyon et du Département du Rhône ne se sont organisés, ni ne travaillent en effet de façon similaire. Fonctionner différemment ne signifie toutefois pas l'absence de relation entre les deux équipes. Imbriquées, opérant sur un même territoire, la Ville de Lyon, la Communauté Urbaine et le Département sont au contraire voués à coopérer, ou du moins à prendre en compte les communications de chacun.
Chaque auteur et chaque ouvrage proposant sa propre version de la naissance et de l'évolution des services communication au niveau local, cette étude ne prétend pas en retracer l'historique précis. Elle tente cependant de comprendre les mécanismes, de saisir quelques déterminants de la structure et du fonctionnement de ces services, de leur manière de communiquer.
Comprendre la manière de communiquer d'une collectivité territoriale nécessite tout d'abord de prendre en compte l'intervention de conditions plus générales et plus singulières dans l'apparition et l'application des politiques de communication de chaque institution. Aussi ce travail s'interroge-t-il avec attention sur l'influence éventuelle du contexte d'apparition des services communication au sein du Département et de la Ville, ou encore des spécificités, notamment géographiques et démographiques, de chacune de ces institutions.
Volonté de combler un déficit d'identité, un déficit d'image valorisante à l'interne comme à l'externe, décentralisation, croyance au pouvoir de la communication... multiples peuvent être les motifs de la création d'un service spécifiquement consacré à la communication des institutions. Aujourd'hui reconnue tel un service comme les autres, l'organisation propre de la communication n'est apparue ni au même moment, ni dans le même contexte selon les structures territoriales.
Des trois collectivités décentralisées, le Département est probablement, selon Jacques Poumarède, professeur de l'Université de Toulouse I, l'un des derniers venus sur le marché de la communication. Les Villes ont, selon lui, commencé à communiquer avant même la décentralisation, dans les années soixante-dix. Tandis que les Régions ont compris, dès la reconnaissance de leur statut de collectivité territoriale de plein exercice, qu'il leur fallait ancrer leur identité incertaine dans l'opinion publique. Les Départements auraient ainsi été plus longs à réagir : « A l'ère de la communication de masse, la situation du Département est paradoxale. Alors que les publicitaires ne cessent de persuader les décideurs publics et privés que n'existe que ce qui peut se montrer, s'afficher, les élus des Départements sont pris d'un doute existentiel : "Être ou ne pas être, voilà la question !" » 155 . Cette analyse éclaire le déficit d'image, d'identité dont souffre encore actuellement l'institution départementale auprès des citoyens et de ses usagers. Rappelons ici les chiffres déjà évoqués d'un sondage, certes ancien puisqu'il date de 1989, mais qui donne une idée de la relative méconnaissance des élus, des actions et des compétences des Conseils Généraux : 50% des citoyens ignoraient qui étaient leur conseiller général contre 6% dans le cas du maire ; les attributions de ce dernier étaient quant à elles, connues de 75% des sondés tandis que 4% seulement étaient capables de définir le rôle du président du Conseil Général. Fabrice Scuiller, chargé de communication à l'Assemblée des Départements de France, souligne d'ailleurs que les élus de l'institution restent encore assez mal connus, tout particulièrement en milieu urbain. Coincés entre les Communes et les Régions qui ont déjà une longueur d'avance en matière de communication, souffrant ainsi d'un problème d'identification auprès du public, les Départements ont ainsi été amenés à prendre conscience de la nécessité de se construire un territoire de légitimité, et pour ceci, à définir des politiques de communication. La « trop grande modestie en communication » des collectivités départementales risquant de « coûter cher en terme d'image » 156 , il était temps pour le Conseil Général de passer d'une logique de "bien faire" à une logique simultanée du "faire savoir". Initiant une campagne de communication visant à améliorer la lisibilité des actions de leurs institutions, les Conseils Généraux ont même récemment tenté une action collective.
Malgré sa présence au travers de subventions et de la possession de quelques enclaves au sein de la zone promue par l'Unesco, le Conseil Général du Rhône n'a toutefois pas saisi l'opportunité de l'inscription du site historique de Lyon, pour imposer une image plus forte et plus valorisante du Département à l'intérieur comme à l'extérieur de son territoire. Moins connu, moins rodé en matière de communication, le Département n'a-t-il pas osé, n'a-t-il pas jugé adéquat de s'engager sur un terrain où la Ville de Lyon disposait d'une légitimité forte et de l'avantage de la proximité ? S'il est vrai que les maires urbains bénéficient sur leur territoire d'un fort potentiel de légitimité auprès des citoyens, l'hypothèse d'un Conseil Général moins rompu aux exercices de communication ou n'osant s'investir sur le thème du référencement du site historique au niveau mondial, reste cependant très peu plausible.
D'une part les services communication des Départements en général, et plus particulièrement celui du Conseil Général du Rhône, semblent avoir eu le temps en une dizaine d'années de se professionnaliser. D'autre part, il est plus pertinent d'appréhender l'attitude du Conseil Général en terme d'intérêt à communiquer. Une situation de concurrence ou de défis entre deux communications ambitieuses sur l'inscription du site historique aurait en effet probablement davantage concouru à la décrédibilisation de l'une ou des deux institutions, le Département ne sortant en aucun cas "gagnant" de cette "compétition". Le fait que la Ville de Lyon soit plus impliquée et ait déjà préalablement communiqué lors du projet de candidature, notamment par l'intermédiaire d'une campagne contre la prolifération des paraboles, fournit un autre élément d'analyse. En effet, la cohérence de toute communication avec les précédentes, et l'adéquation des messages aux actions réalisées étant nécessaires à l'efficacité d'une communication sur un même sujet, la municipalité paraissait mieux à même de s'investir dans une campagne d'envergure. Une politique de communication ne se réduit pas à l'addition d'opérations, certes intéressantes de manière individuelle, mais dont la complémentarité et la cohérence demeurent aléatoires !
Influençant peut-être de façon minime le fonctionnement des services, le moment et le contexte d'apparition des efforts de communication de chaque institution n'apportent ainsi que très peu d'indices sur l'importance désormais accordée à la communication par chacune des institutions ou sur leur manière de communiquer.
Le véritable impact des spécificités de chaque collectivité
Histoire, culture, démographie, caractéristiques spatiales et sociales, implication des acteurs locaux, superposition avec d'autres entités, champ de compétence particulier... chaque type de collectivité, chaque territoire revêt un caractère singulier. Singularités dont découlent des communications différentes. Il n'existe pas de politique, de plan de communication publique territoriale type. Tout déploiement de moyens, tout usage de tel ou tel outil doit être adapté au contexte, à la stratégie globale mais aussi à la spécificité de chaque collectivité.
La communication d'une Ville ou d'un Département n'est tout d'abord pas destinée à une même couverture géographique. Dans le cas présent, la première s'adresse ainsi aux 453 187 habitants de Lyon, tandis que la seconde s'oriente vers les 1 578 869 Rhodaniens dont 90% sont urbains. La communication d'un Département est ainsi, selon Fabrice Scuiller, forcément plus difficile que celle d'une Commune ou d'une Ville, parce que le public est plus important mais surtout plus diversifé. En effet, la Municipalité de Lyon et le Conseil Général du Rhône ne s'adressent pas à un même public, à une même population, aux mêmes milieux sociaux ou culturels, le Département devant élaborer et diffuser ses messages en prenant compte des attentes et de la réception probable d'un auditoire beaucoup plus large et varié. « La ville a une unité quand même très forte, en l'occurrence urbaine ; un département lui est un véritable patchwork » 157 . Une fois ces paramètres pris en compte, des services de communications municipaux et départementaux ne peuvent faire preuve d'une philosophie ou d'un mode de fonctionnement identique, ni même d'une manière de communiquer similaire.
Une Ville ou un Département communique ensuite différemment selon sa taille et sa structure. Fabrice Scuiller distingue ainsi trois types de départements, trois degrés de difficulté en matière d'information et de communication : les départements à très fortes proportions urbaines -le Rhône, les Bouches-du-Rhône, Paris, le Nord- pour lesquels la communication s'avère particulièrement difficile ; les départements qui disposent d'une ville centre, d'un réseau de villes moyennes et de campagnes agglomérées -le Maine-et-Loire, la Moselle- ; et enfin les départements qui eux n'ont pas de grandes villes -les Côtes d'Armor. Quasiment calqué sur le tissu urbain, le premier type de département, à l'exemple le Rhône, a beaucoup moins de facilités à faire connaître ses politiques, ses actions. Il s'agit en effet de faire entendre sa voix au-dessus de communications particulièrement développées, disposant de la légitimité de la proximité : celles des villes.
Différente de la communication d'une Ville, la communication d'un Conseil Général n'en est cependant pas dissociable. Un même territoire peut en effet se révéler le champ d'action de plusieurs entités. Le Département du Rhône se superpose ainsi à la Communauté Urbaine de Lyon qui se superpose à son tour à la Capitale des Gaules. Elément important de l'identité d'un territoire, il existe toujours entre les acteurs de ce territoire, entre les domaines d'actions et entre les territoires eux-mêmes, une interdépendance permanente, et donc une interrelation entre les différents services de communication. Interrelation, par exemple, indispensable à une certaine cohérence des messages sur le territoire lyonnais. Il s'agit alors pour chaque collectivité imbriquée de « mettre en place un système de communication organique en tissant un réseau d'échanges et de relations dans le but de recomposer le territoire à son profit » 158 . La communication du Département semble devoir tenir compte des communications des diverses entités qu'il recouvre, ou tout du moins de la Communauté Urbaine et de la Ville de Lyon, pour aller en quelque sorte, dans la direction qu'elles empruntent.
Chaque collectivité présente ainsi des spécificités. Spécificités qui, contrairement aux contextes respectifs d'apparition des services de communication, peuvent parfois se révéler particulièrement déterminantes dans la manière de communiquer des institutions. A chaque collectivité sa philosophie et sa communication ! D'autres variables interviennent néanmoins dans l'organisation et le mode de fonctionnement d'un service de communication territoriale : les personnes, leur vision du pouvoir et de la communication.
L'organisation d'un service, ses méthodes de travail relèvent en effet de paramètres techniques mais aussi de paramètres plus subjectifs, relevant de la sensibilité des hommes. Que serait une communication sans dimension humaine ! Si le fonctionnement de la communication d'une collectivité dépend certes de caractéristiques propres à l'institution et au territoire concerné, il serait regrettable de sous-estimer le rôle de la personnalité des dirigeants des équipes politique et technique, de leurs idées, de leur volonté politique, professionnelle ou plus personnelle, de leur philosophie et de leur vision des choses, dans l'inflexion des politiques et directions prises par les services de communication, comme dans le choix du traitement de certains sujets prioritaires.
Bien que les professionnels de ces milieux s'en défendent, il existe tout de même une influence, une relation plus ou moins directe, plus ou moins forte, entre sphère politique et sphère de la communication publique territoriale. En effet, si l'une des tâches d'une équipe de communication consiste à renforcer la crédibilité des messages émis par l'institution en levant partiellement les soupçons qu'entraîne aux yeux du public la proximité électorale, la communication municipale ou départementale vise également à montrer la présence et l'activité des équipes politiques en place. Voeux de fin d'année, repas ou colis offerts aux personnes âgées, proposition de formation, édition ininterrompue de bulletins locaux ou encore organisation de manifestations diverses... il existe de nombreux moyens permettant à la fois de promouvoir l'image d'une collectivité et indirectement celle de son dirigeant, de montrer la pertinence des choix effectués compte tenu de leur intégration dans une stratégie globale. Il s'agit, pour Michel de St Etienne, « d'une information sur ce qui se fait et va se faire. (...) Mais un deuxième travail de la communication municipale consiste à faire comprendre, à faire connaître une politique » 159 .
Communiquer sur une collectivité, c'est ainsi, pour Marc Thébault, directeur de la communication de la Ville de St Etienne, « promouvoir ses composantes humaines, sociales, culturelles, économiques, patrimoniales... mais c'est aussi promouvoir le projet politique mis en place » 160 . Tout en affirmant que ce n'est pas le cas pour son service puisque Raymond Barre ne se représente pas, Michel de St Etienne souligne également : « Même si les professionnels des services de communication s'en défendent, leur objectif reste malheureusement, en général, la réélection du maire ». Variant selon les plans de mandat en cours, les thèmes abordés et la manière dont ils sont traités par les services de communication d'une collectivité, laissent ainsi entrevoir les idées et volontés politiques des élus, comme il sera rappelé ultérieurement. Les champs de la politique et de la communication institutionnelle ne sont donc pas totalement imperméables l'un envers l'autre, ne serait-ce que par la procédure de vote du budget de la communication en Conseil ou en Assemblée, au même titre qu'un poste budgétaire ordinaire.
Ainsi voté chaque année à l'Assemblée, le budget du service communication du Conseil Général s'élève à 12 millions de francs sur un budget total de 5.8 milliards. Reconnue depuis peu de temps comme une priorité du Conseil Général, la communication dispose d'un montant somme toute très raisonnable, qui contraste avec les discours tenus. Ces chiffres ne sont toutefois que faiblement révélateurs puisque, comme le souligne Christophe Noël, « sur de grosses opérations, les budgets de communication sont tels qu'ils sont rattachés aux services pour lesquels elles sont effectuées » 161 .
Communiquant vers une population plus restreinte, la Ville de Lyon affecte quant à elle chaque année la somme de 7 millions de francs sur un budget global de 3.5 milliards. L'estimant peu conséquent, Michel de St Etienne justifie ce budget par la présence de plusieurs autres acteurs communiquant sur la Ville : « On dira qu'il n'y a pas que la Ville qui communique sur la ville ; il y a d'autres entités, telle la Communauté Urbaine, qui fournissent de l'information et de la communication sur les actions qu'elles mènent à Lyon ! Mais enfin, la Ville de Lyon en tant que telle, la Commune, dont le maire est élu par les conseillers municipaux, a il est vrai un budget com' réduit » 162 . Le vote d'un crédit de 45 millions de francs sur trois ans pour la campagne de communication récemment lancée autour de l'image de la cité vient doubler ce budget pour les années 2000, 2001 et 2002.
Si des équipes et des budgets réduits ne font pas obstacle à une communication de qualité, ceux-ci traduisent l'importance accordée à la communication par l'équipe municipale ou départementale, et bien souvent par le maire ou le président du Conseil Général.
La naissance d'un service spécifique à la communication au sein d'une institution territoriale dépend d'autre part très fréquemment de la croyance de son dirigeant en cette discipline et en son pouvoir. Les services de communication ne sont pas nés partout au même moment. Christophe Noël indique ainsi que le Conseil Général du Rhône a reconnu l'importance de la communication il y a peu de temps -Christèle Peyrachon évoque toutefois l'existence d'une parution régulière, Atout Rhône, disparue il y a environ huit ans- ; alors que l'on pouvait voir apparaître dès 1976 l'embryon d'un service de communication à la Ville de Lyon, sous le mandat de Francisque Collomb ; sa structure actuelle datant quant à elle d'une vingtaine d'années. Des capacités et de la nature des pouvoirs qui lui sont attribuées dépend ensuite le statut de la structure chargée de la communication.
Un maire ou le président d'un Conseil Général ne croyant pas en les vertus de la communication n'accordera en effet que peu d'importance à l'affectation d'effectifs, à l'attribution d'un budget en adéquation avec les besoins du service ou même, à la qualité du choix du directeur de la communication. Alors qu'un dirigeant persuadé des bienfaits de la communication ou, au contraire, se méfiant d'un pouvoir trop important pourra, quant à lui, être tenté de conserver un contrôle assez étroit sur la structure et ses activités afin d'en influencer plus facilement les choix stratégiques. Un service peut ainsi disposer d'une indépendance, d'une autonomie plus ou moins grande selon la croyance et la confiance qu'accordent les dirigeants de chaque institution à la communication. L'adoption d'une attitude plus libérale ou plus dirigiste dépend toutefois également de la personnalité de l'élu au pouvoir. La force et la nature du lien entre le service communication et les élus se révèlent variables d'une collectivité ou d'une équipe technique à l'autre, et surtout d'une équipe politique à une autre. Michel de St Etienne dénonce ainsi un "culte de la personnalité" sous le mandat de Michel Noir, c'est-à-dire une personnalisation très forte de la communication qui n'a selon lui pas lieu avec Raymond Barre et sa vision de la communication :
« Raymond Barre est très circonspect à l'égard du milieu de la communication ! Il est totalement contre la communication fayote. Il a dit en arrivant ici : "Je n'ai pas besoin de publicité ; il me faut un attaché de presse. Je ne me mêlerai pas de la communication, ni de la publication éditée par la Ville". Ce qui voulait clairement dire "je ne veux pas de communication sur ma personne". » 163
Pour Fabrice Scuiller, la communication des Conseils Généraux serait moins "personnalisée" que la communication municipale :
« Je crois qu'il y a vraiment une déconnexion assez importante qui est faite en matière de communication et que les Départements ont vraiment une communication institutionnelle : c'est l'institution qui communique, assez peu les présidents. Il n'y a pas de forte personnalisation de la communication des Conseils Généraux. C'est sûrement une des raisons pour lesquelles l'action du Conseil Général n'est pas très bien perçue par rapport aux maires, qui eux ont une communication plus personnelle. Dans une liste municipale, le maire tire la liste, c'est lui qui est élu, les gens votent sur son nom généralement, il a donc après une légitimité très forte. Les conseillers généraux, quant à eux sont tous élus et ensuite ils élisent leur président. Les actions du Conseil Général résultent donc d'un travail d'équipe. » 164
La neutralité de ces témoignages n'est évidemment pas de mise, Michel de St Etienne ayant stoppé son activité au service communication durant la période du mandat de Michel Noir, et Fabrice Scuiller étant chargé de la communication de l'Assemblée des Départements de France. Il est toutefois important d'ajouter que cette communication peu personnalisée n'exclut toutefois pas des relations étroites entre Michel Mercier, président du Conseil Général du Rhône, et le service communication de l'institution. Affirmant ne pas tenir compte des intérêts politiques des uns et des autres, Christophe Noël présente en effet un service autonome, détaché du cabinet, entretenant « un lien un peu privilégié et avec son président, et avec le directeur général des services » 165 .
Si l'influence de la personnalité et des idées, notamment politiques, des élus sur le travail des services communication semble désormais indiscutable, il ne faudrait cependant pas brosser un portrait dictatorial du fonctionnement de ces derniers dans quelque collectivité territoriale que ce soit. En effet, conformément aux principes démocratiques, chaque directeur de communication garde tout de même une certaine marge de manoeuvre, de liberté dans la gestion et l'exercice de son activité.
Si les équipes de communication ne peuvent prétendre constituer les principales ou les seules initiatrices de la politique de communication plus générale ou plus spécifique de la collectivité, les idées, la personnalité des directeurs de communication, leur définition de la communication publique territoriale, marquent tout de même certaines des orientations communicationnelles et la manière dont elles sont mises en oeuvre.
De leur philosophie, de leur vision de la communication et du fonctionnement optimal d'un service, peut découler une répartition totalement différente d'un même budget, chaque responsable définissant telles ou telles priorités, privilégiant tels ou tels outils, telle ou telle organisation de l'équipe technique.
Par exemple, LyonCité constitue clairement un support privilégié de la communication insitutionnelle de la Ville de Lyon. Laurence Eymieu, directrice de la communication à la Ville et directrice de la publication de ce journal municipal, y attache une grande importance et lui alloue plus de la moitié du budget de la communication. Tiré à 260 000 exemplaires, distribué gratuitement dans les boîtes aux lettres des habitants de Lyon et disponible en plusieurs points-relais, ce mensuel entièrement dirigé, rédigé et édité par la Ville dispose en effet d'une somme annuelle de 8 millions de francs ; somme recouvrant les frais de rédaction, de maquette, d'exécution et de distribution. Le reste du budget est réparti entre différents supports en fonction des actions : édition de plaquettes et dépliants, affichage, achat d'espace, mailings... les relations presse étant, quant à elles, comptabilisées en dépenses de fonctionnement. Michel de St Etienne, chargé de communication et principal collaborateur de Laurence Eymieu, paraît accorder d'autre part beaucoup d'importance au développement de l'outil Internet. Ce moyen de communication constitue d'ailleurs le deuxième poste des dépenses de la campagne initiée en avril 2000. Le recours à l'événementiel est également une technique de communication particulièrement prisée par l'institution municipale ; que ce soit dans un contexte plus général ou lors de l'opération plus spécifique autour de la reconnaissance internationale dont bénéficie Lyon.
Quant au Conseil Général du Rhône, il ne semble pas juger indipensable la parution régulière d'un journal local pour la communication d'une collectivité territoriale. Il n'en dispose plus depuis la disparition d'Atout Rhône il y a huit ans. Il affirme par contre utiliser tous les autres moyns ou vecteurs de communication : relations presse, relations publiques, marketing, publicité... L'Internet constituant également l'une de ses priorités, de nombreux efforts ont été fournis comme le recrutement d'un webmaster chargé de rendre le site de l'institution un peu plus attractif. D'ailleurs, ce site bilingue se révèle désormais particulièrement intéressant.
Les deux directeurs de la communication n'ont apparemment pas non plus privilégié une même organisation pour leurs services respectifs. Christophe Noël se dit très attaché à ce que chacune des personnes de son équipe affirme sa polyvalence et ne s'enferme dans une spécialité. Il souligne ainsi sa préférence et l'application au sein du service d'une méthode de travail par dossier. De son avis plus efficace et constructive, mieux adaptée à la nature de l'activité de son service, cette organisation permettrait d'avoir une vision plus globale de chaque thème, d'échanger un certain nombre d'idées au sein de l'équipe, ainsi que de palier d'éventuelles surcharges de travail. Structurée autour d'un noyau de huit personnes de formations assez diverses, les uns ayant suivi une formation universitaire -IEP de Lyon, IEP de Grenoble, IEP de Strasbourg, CELSA-, d'autres disposant d'une expérience de terrain plus ou moins grande, la nouvelle équipe de communication du Conseil Général a été formée en juin 1998. Un service de documentation (5 personnes), un photographe, une personne chargée de la communication interne de l'institution et deux personnes spécialisées sur les objets publicitaires lui sont rattachés.
Une toute autre répartition des tâches, plus sectorisée, se dévoile au sein du service communication de Laurence Eymieu. Michel de St Etienne est par exemple plus particulièrement chargé de la communication institutionnelle de la Ville ainsi que de la communication relative au patrimoine, tandis qu'une de ses collaboratrices est plus ou moins chargée de la culture, etc. De la vision de la communication et du fonctionnement optimal d'un service, propre à chacun des responsables, découlent ainsi deux manières bien différentes d'agir, deux manières bien différentes de communiquer. Toutefois l'importance des effectifs intervient également dans la répartition des tâches au sein des équipes.
De la philosophie du directeur de communication dépendra également en partie le caractère plus ou moins ambitieux de la communication de chaque collectivité, de chaque service. Bien que les interlocuteurs définissent, à la Ville de Lyon, comme au Conseil Général du Rhône, leur mission principale telle une communication sur les actions réalisées par chacune de leurs institutions, l'éthique de Christophe Noël révèle toutefois, en matière de communication institutionnelle, des prétentions relativement moindres pour les travaux de son équipe. Le directeur de la communication du Département déclare en effet : « Nous n'avons aucune obligation, sinon des obligations traditionnelles de la fonction publique, et en l'occurrence, le sens de la retenue et de la discrétion » 166 . Michel de St Etienne, quant à lui, évoque certes la nécessité d'une certaine retenue en matière de budget mais aussi de ton des messages, la nécessité de ne pas choquer le contribuable dans ces deux domaines, de pouvoir lui rendre des comptes, mais assurément pas celle de la discrétion ! « Une grande différence entre une communication privée et la nôtre vient du fait que nous travaillons avec de l'argent collecté et non pas avec de l'argent gagné ! On ne fait pas n'importe quoi avec des fonds publics ! A partir du moment où on fonctionne avec des fonds publics, il est nécessaire de faire preuve de mesure et de contrôle des dépenses ; et ça c'est très bien, tant mieux. Mais cela restreint ! » 167 .
La politique de communication du Conseil Général du Rhône concernant l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial constitue-t-elle une illustration de cette relative modestie affichée par Christophe Noël ? S'il n'est pas envisageable d'écarter toute connexion entre cette philosophie, peut-être personnelle, et l'attitude du Département en matière de communication sur le site historique de Lyon, il n'est pas non plus possible d'affirmer qu'elle en constituerait l'un des principaux déterminants. D'autres variables, notamment la cohérence, l'intégration d'une telle communication dans la stratégie globale de la collectivité et de l'équipe politique en place, interviennent de façon encore plus significative.
Abordant successivement l'influence des spécificités relatives aux institutions et aux territoires, puis l'influence des spécificités relatives à la personnalité des acteurs, sur la structure et le mode de fonctionnement des services communication de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône, cette étude nous permet de toucher du doigt de multiples éléments qui conduisent à une meilleure perception, à une meilleure compréhension de la singularité de la communication de chaque collectivité territoriale. De tous ces paramètres, de ces modes de fonctionnement non similaires, il ressort en effet nécessairement -et préalablement à d'éventuels accords de coopération ou d'effacement "négocié"- une appréhension différente de la nécessité et de l'opportunité d'une communication sur la reconnaissance du site historique de Lyon. A chaque collectivité sa philosophie de la communication, c'est-à-dire sa manière de penser la communication, de l'appréhender, de la percevoir. A chaque collectivité ses pratiques. Mais à chaque collectivité également ses élus et leurs volontés politiques !
« Des problèmes, il y en a beaucoup. Le problème de l'argent n'est pas le seul, mais c'est un des problèmes ; c'est-à-dire qu'on voudrait faire beaucoup plus. Il est, c'est vrai, question de moyens, il est parfois aussi question de volonté politique ! » 168 . Comme le soulignent ces propos provenant d'un des entretiens avec Michel de St Etienne, l'engagement spécifique d'une collectivité dans une action de communication dépend certes de la manière de communiquer de cette dernière, de ses pratiques habituelles en la matière, mais aussi et surtout de la mission que se sont donné d'une part l'institution et d'autre part, les élus, le maire ou le président du Conseil Général, à travers les idées et les choix présentés lors de leurs plans de mandats.
Une communication publique territoriale s'effectue principalement sur des actions réalisées et des projets en cours de réalisation. L'efficacité, la crédibilité d'une communication et de l'institution dont elle émane, sa légitimité aux yeux des citoyens récepteurs, nécessite une certaine cohésion, une certaine adéquation entre la réalité, les accomplissements réels de l'autorité émettrice et les messages diffusés. Découlant indubitablement d'une volonté politique, les implications respectives des différentes collectivités présentes sur un même territoire constituent indéniablement l'un des déterminants majeurs de leurs efforts en communication sur un thème donné. Pour Bruno Delas, chef de la mission Site Historique de Lyon, il est ainsi important qu'un travail de communication soit fait et s'appuie sur des actions concrètes qui ont préexisté à la reconnaissance. La Ville de Lyon et le Conseil Général du Rhône n'ayant pas été aussi actifs l'un et l'autre dans le projet et la constitution du dossier de candidature du site historique au titre de Patrimoine mondial, leurs communications ne peuvent voire ne doivent être identique, dans le cadre d'une certaine objectivité, d'un certain respect des actions de chacun et d'une certaine cohérence des messages sur un même territoire.
Sensibilisée par la proposition de Régis Neyret et les pressions d'associations oeuvrant à la protection et à la valorisation du patrimoine (notamment la RVL), la Ville est devenue la principale initiatrice et la principale actrice du projet de candidature du site historique de Lyon auprès de la Liste du Patrimoine mondial.
Ainsi, dès 1996, la municipalité met en place, encadre et anime un groupe de pilotage réunissant divers acteurs de la scène publique et culturelle, puis un groupe de travail dont la mission est la constitution du dossier de candidature 169 . Conformément à la procédure évoquée en introduction générale de ce mémoire, c'est encore la Ville qui soumet le fruit de la persévérance de ce groupe de travail, c'est-à-dire le dossier de candidature, à Catherine Trautmann, alors Ministre de la Culture, celle-ci se chargeant ensuite de son dépôt, en juin 1997, devant les instances de l'Unesco.
Bénéficiant de la coopération financière de l'Etat et d'autres partenaires tels la Région Rhône-Alpes ou le Département du Rhône, la municipalité lyonnaise s'engage d'autre part dans de grands travaux de rénovation et de mise en valeur du patrimoine architectural de la cité. Chantier du Président de la République, la restauration du Palais Saint-Pierre initiée en 1990 et achevée en 1998, en constitue l'une des plus prestigieuses illustrations avec la restructuration et la rénovation du Musée Gadagne, musée historique de la ville, débutées en 1998. Mais d'autres actions, telles la mise en place d'un Inventaire général des monuments et richesses artistiques de Lyon ou la restauration d'édifices classés Monuments Historiques, peuvent également être évoquées.
Accompagnant cette politique de grands travaux, plusieurs opérations de sensibilisation de la population sont également effectuées, telle une campagne réalisée par la Ville et La Renaissance du Vieux Lyon, contre la prolifération des antennes paraboliques dans les quartiers faisant partie du périmètre concerné par une éventuelle inscription. Proposant des conditions particulièrement avantageuses aux habitants, aux commercants et entreprises du site historique optant pour le câble, dans le cadre d'un accord commercial avec NC Numéricâble, les messages émis par la Ville de Lyon sont clairs :
« En décembre 1998, l'Unesco rendra sa décision sur le classement du site historique de Lyon au Patrimoine mondial de l'Humanité. (...) Cette reconnaissance officielle, particulièrement convoitée, signifie, en effet, prestige, notoriété internationale, dynamisation, créations d'emploi.
Pour obtenir ce classement, et pour qu'il soit pérennisé d'année en année, l'architecture des façades comme des toitures, et la qualité de l'environnement nécessitent une action de protection de la qualité architecturale, incompatible avec le déploiement d'antennes paraboliques. » 170
Relatives à la propreté et au respect du site historique, ces actions de communication se voulaient un préalable indispensable à l'attraction de l'attention des experts de l'Unesco.
Conformément aux conditions officielles de pérennisation de l'appartenance de tout site à la Liste du Patrimoine mondial, la "distinction suprême" 171 du 5 décembre 1998 n'a pas constitué le point d'achèvement des efforts de l'équipe municipale, comme l'illustre la signature, dès le lendemain de la reconnaissance de Lyon, d'une Convention Etat-Ville (le 8 décembre 1998), relative aux actions précédemment évoquées de restauration du Musée Gadagne, de rénovation de certains Monuments Historiques, et de mise en place d'un Inventaire général. L'entretien du site, de ses caractéristiques exceptionnelles, des dispositions qui le protègent et de l'esprit qui l'anime, sont en effet des obligations qui, non observées, peuvent engendrer l'annulation du titre de Patrimoine mondial de l'Humanité. Enjeu de gestion du patrimoine (protection et mise en valeur), enjeu de développement urbain et de l'entretien du caractère vivant et dynamique de la cité, enjeu du mérite d'une valeur d'exemple qui lui est reconnue. Trois défis se présentent ainsi à Lyon dans l'optique de la conservation du label de l'Unesco, trois challenges correspondant aux critères de son inscription et auxquels la Ville a souhaité faire face en adoptant une démarche transversale, « la plus souple et la plus réactive possible » 172 . Il s'agit de la mise en place d'une mission Site Historique de Lyon. Abordant à la fois des thèmes économiques, patrimoniaux, touristiques, culturels ou sociaux, cette structure tente de coordonner mais aussi de susciter ou de venir en aide aux divers projets, actions et partenariats pouvant s'intégrer à la construction dans le temps « d'un plan de gestion et de développement autour de la reconnaissance du site historique de Lyon ». Programme lourd que Bruno Delas, chef de la mission, s'efforce d'agencer et d'articuler.
N'ayant cessé d'oeuvrer en direction de la reconnaissance internationale et de la protection patrimoniale dans un cadre temporel dépassant la date fatidique du 5 décembre 1998, l'implication certaine de la Ville de Lyon dans l'inscription du site historique légitime pleinement une politique de communication spécifique de la municipalité en la matière.
Bien que le Conseil Général fasse preuve, depuis quelques années, d'une attention particulière et d'une présence certaine en matière de sauvegarde du patrimoine historique sur l'ensemble de son territoire, le Département ne s'est pas révélé l'un des principaux acteurs du projet d'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial. Intervenant principalement par l'intermédiaire de subventions et d'incitations à la rénovation, à la réhabilitation, à l'entretien et à la mise en valeur de monuments, de sites ou de bâtiments anciens -elle a notamment créé, depuis quelques années, un Prix destiné à inciter les collectivités et en particulier les Communes à restaurer leur patrimoine dans "les règles de l'art"-, l'institution départementale a, il est vrai, davantage agit en terme de complément des diverses actions de la municipalité lyonnaise. Pour Michel de St Etienne, le Département se serait ainsi "superposé" à la Ville, comblant les besoins, notamment financiers, des actions de cette dernière.
Cette participation plus lointaine ou plus indirecte du Conseil Général s'est essentiellement concrétisée par le versement de fonds complémentaires et la proposition d'un soutien partenarial, mais elle a également consisté en la représentation de l'institution aux réunions préliminaires du groupe de pilotage conduit par la Mairie, dans l'optique d'une étude des contributions éventuelles de chacun (collectivités territoriales, musées, associations, services déconcentrés de l'Etat, établissement publics ou semi-publics et tous autres acteurs de la vie locale plus ou moins concernés 173 ). Concernée au travers de ses interventions financières en terme de rénovation et de mise en valeur du patrimoine, mais aussi et surtout via la possession du Musée de la Civilisation Gallo-romaine et du Théâtre romain de Fourvière, la délégation du Conseil Général était composée de Frédéric Giuliani, Délégué général du Conseil, de Bernadette Isaac-Sibille, députée du Rhône, de Christèle Peyrachon, chargée de mission auprès du Directeur des services, et de Philippe Rosset, directeur des Archives Départementales.
Bien qu'il ait suivi d'un oeil attentif le processus relatif à la candidature ainsi que les actions de la Ville en matière de patrimoine, le Département du Rhône ne s'est toutefois pas investi au même titre que la Ville dans cette opération. Bien qu'omniprésent, il n'a pas été le principal acteur, n'a pas fourni de contribution vraiment "active". A cette action indirecte, le Conseil Général semble avoir logiquement associé une communication indirecte ou du moins plus effacée.
Les attitudes de communication respectives de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône s'intègrent ainsi dans les stratégies plus globales d'action des deux institutions. Faisant preuve d'un degré d'implication plus fort concernant la procédure relative à l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial, la Ville apparaît plus à même de s'engager dans un vaste projet de communication autour de sa récente distinction. Qu'aurait apporté un rapport de force, une concurrence entre les deux collectivités en matière de communication, sinon une cacophonie entraînant l'annihilation de l'efficacité de tous les messages, et une chute de crédibilité pour les deux institutions ? La Ville de Lyon et le Conseil Général du Rhône semblent avoir mesuré la nécessité d'une certaine cohérence de la communication sur un même territoire. La Ville de Lyon étant en "première ligne" dans le cadre de l'inscription du site historique, la communication du Conseil Général s'est ainsi faite plus discrète et coopérative, les responsables du Département affirmant ne pas vouloir « marcher sur les plates-bandes de la Ville » 174 en la matière. Mais les actions, les implications plus ou moins fortes des collectivités dépendent indéniablement de l'ambition, de la volonté politique de chaque collectivité et de chaque dirigeant !
Reflet des actions et du degré d'implication de chaque collectivité, la communication territoriale dépend par conséquent et plus largement de la volonté politique des institutions et des hommes qui la dirigent. Pour Maryse Souchard et Stéphane Whanich, auteurs d'un ouvrage sur la communication politique locale, « toute communication possède [ainsi] d'abord une valeur stratégique et donc politique avant de posséder une valeur économique, elle est un instrument avant d'être une donnée » 175 . Il semble par ailleurs plus pertinent aux yeux de Bruno Delas, chef de la mission Site Historique de Lyon, d'appréhender cette étude comparative des politiques de communication de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône autour de la reconnaissance internationale, en terme d'intérêt à communiquer : intérêt institutionnel mais aussi intérêt politique. Chaque institution locale semble, il est vrai, disposer de thèmes de prédilection en fonction des priorités, des missions que se donnent à la fois l'institution et l'équipe en place, mais aussi en fonction des projets politiques des dirigeants.
Face à des réalités, des territoires et des rôles bien différents, les dirigeants de la Ville de Lyon et du Département du Rhône ne présentent ni les mêmes ambitions, ni les mêmes priorités. Bien qu'elles aient toutes les deux compétence en matière d'aménagement du territoire et de conservation du patrimoine, les deux institutions ont notamment défini leur propre vocation en ce domaine. Il est alors compréhensible qu'elles ne ressentent pas le même intérêt, institutionnel ou politique, à déployer une vaste campagne de communication autour du référencement du site historique de Lyon par l'Unesco.
Le champ d'action du Conseil Général recouvre l'ensemble du département, les milieux urbains comme les milieux ruraux. Le site historique de Lyon, malgré le caractère prestigieux et valorisant de son accession à la Liste du Patrimoine mondial, ne constitue alors qu'un élément parmi d'autres de son territoire à valoriser. En effet, par respect de l'ensemble des Rhodaniens, ainsi que par souci de non-discrimination de ses autres richesses patrimoniales, le Département du Rhône se doit de ne pas centrer son attention ou l'attention des visiteurs via sa politique de communication, sur la seule inscription de Lyon, événement bénéficiant, en outre, d'un déploiement de moyens considérables de la part de la municipalité lyonnaise. D'autant plus que le Département s'affirme le garant d'un certain équilibre entre la ville centre et les autres communes de son territoire, dans le cadre de ses compétences légales en matière d'aménagement du territoire, de tourisme, cadre auquel le Conseil Général du Rhône ajoute volontairement des interventions en faveur de la conservation du patrimoine et de la culture. Il définit ainsi sa mission :
« Historiquement compétent en ce domaine [l'aménagement du territoire], le Département doit jouer un rôle de plus en plus important pour un développement équilibré du territoire. Il permet aux bourgs et aux chefs lieux de cantons de se développer et de jouer le rôle de pôles vivants et forts susceptibles de freiner la croissance incontrôlée des banlieues. Cette politique a aussi pour objectif de donner à tous les habitants, quel que soit leur domicile, un même niveau de service » 176
Les réalisations et la volonté politique de l'équipe de Michel Mercier, président du Conseil Général du Rhône, s'inscrivent dans la droite ligne de cette vocation de l'institution départementale. Le Conseil a notamment entretenu la pratique annuelle de la remise d'un Prix du patrimoine, destiné à inciter Communes et particuliers à la restauration et la mise en valeur de sites, bâtiments, édifices, monuments... "dans les règles de l'art" 177 . Pour sa part, le Comité Départemental du Tourisme financé par le Département, ne consacre au site historique de Lyon qu'un article parmi les nombreux autres de la rubrique "Patrimoine et traditions" dans son magazine annuel de promotion touristique, Le Rhône en découverte. Dans le cadre de cette mission institutionnelle et de cette volonté affichée de ré-équilibrage entre ville centre et périphérie, le lancement d'une opération spécifique d'envergure autour de la reconnaissance du patrimoine lyonnais au niveau international ne peut trouver sa place au sein de la stratégie de communication du Département.
Affaires de la cité, le dépôt de candidature, l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial et la grande campagne de communication initiée par la Mairie autour de cette référence s'insèrent par contre pleinement dans la mission de la Ville et le sens que Raymond Barre lui donne. Réagissant à la nomination de Lyon, un passant a d'ailleurs souligné : « C'est du Raymond Barre quoi ! Prestige international » 178 . En effet, attaché depuis son accession à l'Hôtel de Ville, à rénover l'image de Lyon à l'extérieur, à la recherche d'une plus grande ouverture sur le monde, d'une plus forte attractivité, du rayonnement international de la ville, le maire de Lyon est ainsi un des premiers à souligner le caractère "indispensable" de la communication sur le patrimoine de la cité, bien qu'il soit, en règle générale, très circonspect à l'égard du milieu de la communication. Pour Michel de St Etienne, chargé de communication à la Ville de Lyon, « ses prédécesseurs l'ont peut-être dit mais pas trop fait. Raymond Barre, à 73 ans, a un langage qui est "jeune homme". Il voit loin. Il n'a pas seulement un langage, mais une vision qui pense vers l'avenir » 179 ! L'ancien Premier Ministre a ainsi beaucoup d'ambition pour la cité, pour que la deuxième agglomération de France, anciennement Capitale des Gaules, carrefour commercial et théâtre de nombreuses inventions à l'image du cinematographe, retrouve la place qui lui revient à l'échelle nationale mais surtout européenne ; et intègre l'inscription du site historique de la ville au Patrimoine mondial comme une occasion formidable d'y parvenir à moyen terme. Aussi a-t-il, appuyé l'idée d'une candidature à la Liste du Patrimoine mondial, puis permis le lancement de la première campagne de communication d'envergure de la cité, campagne déclinant la réception du label de l'Unesco sous de nombreux aspects : qualité de vie, gastronomie, dynamisme, créativité, culture, richesse de l'alliance du passé et de la modernité, tourisme...
Bien que la volonté de valorisation du patrimoine ait déjà été présente au cours des mandats municipaux précédents, chaque maire a adopté une stratégie, une vision et des projets qui lui étaient propres en la matière. Michel Noir, prédécesseur de Raymond Barre à la Mairie de Lyon, avait ainsi privilégié la mise en valeur de la richesse patrimoniale de la ville par un plan "Lumières" consistant à illuminer les principaux édifices lyonnais. Appuyant la candidature de Lyon au Patrimoine de l'Unesco, l'actuel maire de Lyon donne une toute autre dimension à cette valorisation patrimoniale, une dimension et une vocation internationales. Il déclare ainsi dans lors d'un article de LyonCité consacré au bilan de mandat 1995-2001 qu'« il importait, dans le contexte de concurrence entre les capitales européennes, de faire connaître Lyon et de communiquer fortement au plan local, national et international pour attirer touristes et entreprises. L'opportunité est donnée par l'inscription, en décembre 1998, du Site historique de Lyon au Patrimoine de l'Humanité » 180 . Opportunité qu'il avait préalablement évoquée lors d'un rapport, soumis au vote du Conseil municipal du 20 septembre 1999, relatif au projet du plan de communication triennal suite à la reconnaissance dont bénéficie Lyon depuis le 5 décembre 1998 :
« Pour Lyon, cette haute distinction constitue une reconnaissance prestigieuse, source de notoriété et de rayonnement particulièrement favorable au développement de l'activité culturelle, touristique, et au renforcement de l'attractivité globale de la ville. (...)
Jusqu'alors, comme ses principales concurrentes européennes, Lyon a affirmé par elle-même sa qualité de vie, mettant notamment en avant le rayonnement de ses grands événements et institutions culturels et la richesse de son patrimoine historique et architectural.
Aujourd'hui, c'est un organisme international reconnu et incontestable, l'Unesco, qui atteste de la valeur historique de Lyon et qui, en quelque sorte, la "valide". Cette reconnaissance doit être un point d'appui de la démonstration que Lyon doit mettre en oeuvre pour convaincre du bien fondé de ses ambitions nationales et internationales. » 181
Cette vaste campagne de communication suite à l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Humanité s'intègre ainsi pleinement au plan de communication de la Ville dans son ensemble. Cette reconnaissance par l'Unesco constitue en effet un levier puissant, une opportunité formidable légitimant les prétentions que Raymond Barre confère à Lyon en France et à l'étranger, et permet ainsi à ce dernier de remplir en partie son programme de mandat.
Inhérentes à leurs stratégies globales d'action, les politiques de communication de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône concernant la récente distinction de Lyon, correspondent, plus largement, à des volontés politiques et institutionnelles distinctes, et donc à deux lignes de communication. Mais une question délicate intervient alors pour toute communication publique territoriale, et reste souvent insoluble : celle de la part qui revient à accompagner la mise en oeuvre d'une politique déjà délibérée, pouvant revêtir un caractère institutionnel, et de la part qui rejoint les préoccupations partisanes du maintien au pouvoir ou de la prochaine échéance électorale.
Un maire ou un président du Conseil Général étant à la fois un responsable politique et le chef d'une administration, il est alors difficile, parfois, de séparer communication politique, vouée à la conquête ou au maintien du pouvoir local, et communication publique institutionnelle, vouée à l'information et à la communication sur les affaires et la vie de la cité. D'autant plus que le citoyen se révèle, de son côté, à la fois récepteur de cette communication en tant que membre de la communauté et interlocuteur du débat politique en tant qu'électeur. A quelques mois de l'élection municipale de 2001, au moment où se multiplient les pronostics, apparaît ainsi légitimement la question de l'intérêt politique, voire de la possibilité d'une récupération politique des stratégies de communication respectives de la Ville de Lyon, mais aussi du Conseil Général du Rhône.
Lancée au moment de l'achèvement du mandat de Raymond Barre, à l'heure où la bataille pour la succession à l'Hôtel de Ville est déjà amorcée entre Gérard Collomb (PS représentant la Gauche Plurielle), le ticket Christian Philip (UDF)-Jean-Michel Dubernard (RPR), Michel Mercier (UDF, président-sénateur du Conseil Général du Rhône) et Charles Millon (fondateur de La Droite) ; la campagne de communication axée sur la mise en valeur des atouts de Lyon aurait pu s'interpréter comme une action favorisant l'obtention de soutiens, pour le maire sortant ou sa famille politique. Soutiens prenant la forme de bulletins de vote. En effet, si la communication municipale vise à promouvoir l'image d'une ville, elle contribue également, de manière indirecte, à légitimer son maire, ce dernier pouvant être présenté comme le porte-drapeau d'une nouvelle image de marque de la commune. Si de telles opérations de communication et de mise en valeur n'ont pas toujours échappé à la tentation de l'appropriation politique, ce scénario ne semble toutefois pas s'appliquer aux ambitions politiques locales de Raymond Barre, celui-ci ne désirant renouveler son mandat en 2001, et n'ayant pas publiquement ou clairement désigné de "dauphin", de préférence successorale, si ce n'est, récemment, par des allusions aux qualités du candidat de la majorité plurielle, Gérard Collomb.
Il est préférable de nuancer les débats et controverses relatifs à une éventuelle imbrication ou liaison entre le développement d'une campagne de communication valorisante sur le sujet de l'inscription du site historique de Lyon et la question de la succession à l'Hôtel de Ville. Pour Michel de St Etienne, la communication déployée autour du Patrimoine mondial ne peut "être suspectée de quoi que ce soit". Il explique ainsi :
« Nous sommes un peu dans une situation atypique. Pour l'instant, on sait qu'on a un patron qui est Raymond Barre et un premier adjoint du maire qui est Christian Philip. On fait partie du cabinet du maire, il est donc évident que l'on suit une ligne. On ne reçoit pas d'instruction d'Henry Chabert, ça c'est sûr ! Mais encore une fois, le moment venu -et ça prouvera que notre communication est relativement objective- à la limite, n'importe quel candidat pourra s'en prévaloir ! » 182
L'appel d'offres, grâce auquel cette opération spécifique a pu voir le jour, a d'ailleurs été voté à la quasi-unanimité, c'est-à-dire par l'ensemble du Conseil municipal à l'exception des deux élus du Front National (71 voix sur 73). Même si ce dépassement des clivages partisans ne signifie pas l'impossibilité d'une récupération politique de cette action au profit du maire ou de sa tendance, il réduit toutefois les soupçons d'une éventuelle appropriation, les groupes politiques concurrents ayant probablement fait obstacle à la réalisation de ce projet s'ils avaient craint qu'elle fasse l'objet d'une récupération en leur défaveur.
S'échelonnant sur trois ans (2000-2001-2002), le plan de communication dépasse par ailleurs le cadre du mandat électoral municipal. Ses retombées ne s'inscrivent, ou du moins ne devraient être vraiment sensibles, qu'à plus longue échéance, au-delà de l'année en cours. En effet, comme le souligne Michel de St Etienne, « on ne change pas l'image d'une ville, son attractivité en un an, ou même en trois années seulement ! Nous travaillons pour l'avenir ! » 183 . La décision s'inscrit ainsi dans un temps long, bien au-delà du temps politique. Faut-il encore désormais, que l'effort effectué soit poursuivi lors du prochain mandat, voire que l'opération soit reconduite à la suite de ces trois années. Pierre Zemor, conseiller d'Etat, président de Communication publique, souligne toutefois que « même si le responsable politique considère les conséquences de ses décisions bien au-delà des échéances électorales, en gardant le cap sur l'intérêt général, il est tiré vers le court terme par l'actualité, le questionnement événementiel et le temps médiatique. Engrenage qui force les journalistes à intenter à tout élu et à tout communicateur public, un procès en intention de manipulation » 184 .
Il s'avère cependant peu probable que l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial se révèle un véritable enjeu électoral pour les Lyonnais en 2001. Eric Ballerin, directeur marketing de l'Office du Tourisme du Grand Lyon, est pour le moins dubitatif quant à l'efficacité d'un argumentaire reposant sur cette reconnaissance internationale dans le cadre de la compétition politique des élections municipales 185 . Ressentie tel un titre provenant de l'extérieur, des instances de l'Unesco, cette haute distinction dont bénéficie désormais Lyon ne sera, en outre, probablement pas attribuée à l'équipe municipale sortante, qu'il y ait ou non de campagne de communication autour de ce thème.
Bien que plus lointaine, plus détachée, la stratégie de communication du Conseil Général du Rhône sur le thème de l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Humanité, n'est pas pour autant exempte de toute tentative de récupération politique. Il semble en effet important de rappeler le mode d'élection du président de l'institution départementale, et la composition un peu particulière de son assemblée. Le mandat de conseiller général est de 6 ans ; tous les 3 ans, la moitié de l'assemblée est renouvelée à l'issue d'élections cantonales. Chaque renouvellement donne lieu à l'élection d'un nouveau président par l'ensemble des conseillers généraux. Or, nombre d'élus à l'assemblée départementale du Rhône disposent également d'un mandat municipal. Il est ainsi notable de remarquer, au sein du présent Conseil, la présence des maires de chaque arrondissement de la Ville de Lyon, au côté de l'actuel occupant de l'Hôtel de Ville, Raymond Barre. Le Groupe "Socialistes, Radicaux de Gauches et apparentés" (19 élus) comprend en effet Gérard Collomb, maire du 9e et président du groupe, et Jean-Louis Touraine, maire du 8e. Le groupe "Le Rassemblement et apparentés" (21 élus) réunit Gabriel Caillet, maire de la Croix-Rousse (4e), Marie-Chantal Desbazeille, maire du 7e, et Marie-Thérèse Geffroy, maire du 5e. Le groupe "UDF, Démocratie Libérale et apparentés" (16 élus) rassemble Raymond Barre, actuel maire de Lyon, et son adjoint au Rayonnement International, André Soulier (président du groupe), Jean Flacher, maire du 3e, et Dominique Nachury, maire du 6e. Albéric de Lavernée, maire du 2e, fait quant à lui partie du groupe "RPR et apparentés" (7 élus) ; tandis que Gilles Buna, maire du 1er, se rallie au groupe "Gauche Alternative, Ecologie, Citoyenneté" (5 élus).
A l'approche des élections cantonales de mars 2001, Michel Mercier, actuel président du Conseil Général du Rhône, avait alors un intérêt tout particulier à adopter une attitude conforme aux attentes des dirigeants de la Ville de Lyon, notamment en gardant une position d'arrière-plan en matière de communication sur le récent référencement de Lyon par l'Unesco : celui de conserver leur soutien dans l'optique d'une éventuelle réélection en cas d'échec dans la bataille électorale pour la conquête de la municipalité lyonnaise. Si cet élément n'est certes pas le seul déterminant, ni le plus significatif dans l'élaboration de la politique de communication du Conseil Général du Rhône sur le thème de l'inscription du site historique de Lyon, il demeure cependant une composante à prendre en compte à l'occasion de cette analyse.
Appartenir à la même tendance politique ne suffit donc pas à l'adoption de stratégies de communication coopératives entre deux collectivités territoriales superposées. Fabrice Scuiller, chargé de la communication et des relations presse à l'Assemblée des Départements de France, souligne ainsi lors d'un entretien, que le caractère réel ou fictif de la cohérence des communications sur un même territoire ne se juge qu'"au cas par cas" et d'ajouter : « On pourrait penser qu'en fonction des affinités politiques, cela se passe bien lorsque les élus des différents échelons sont de la même tendance, mais ça ne se vérifie pas dans la réalité » 186 . La communication et la coopération de deux entités territoriales dépendent également de la personnalité des hommes, des dirigeants, de leurs volontés politiques, de leurs projets, de leurs ambitions pour la collectivité ou de leurs prétentions plus personnelles, mais aussi du sens qu'ils donnent à la mission de l'institution qu'ils gèrent. Bien que Raymond Barre et Michel Mercier soient de même tendance politique (UDF), une collaboration dans le domaine de la communication autour du Patrimoine mondial ne va, de fait, pas forcément de soi.
Malgré un besoin certain d'identification de l'institution départementale, de son rôle, de ses actions, auprès du grand public, il semble que la Ville présente un intérêt beaucoup plus important à communiquer sur la réception du label de l'Unesco. Les efforts dispensés par le service de communication de Laurence Eymieu, autour de la mise en valeur de cette référence, correspondent en effet à une stratégie beaucoup plus large d'action publique, avec la forte implication de la Ville dans l'aboutissement du dossier de candidature et surtout avec la volonté politique de Raymond Barre, l'actuel maire de Lyon.
La finalité d'une communication plus vaste, plus "éclatante" sur l'inscription du site historique de Lyon se révèle moins évidente pour le Conseil Général du Rhône. Une grande opération de communication autour cette reconnaissance prestigieuse ne paraît pas, en effet, comporter en elle l'indispensable adéquation à la ligne de communication, à la politique départementale ou même à la volonté politique de Michel Mercier, président du Conseil Général.
La communication sur un "objet", sur un thème donné, tel que l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Humanité, relève ainsi principalement, pour chaque collectivité, de trois dimensions :
- l'identité territoriale (caractéristiques spatiales, sociales, démographiques et historiques du territoire),
- l'identité institutionnelle (compétences et politiques publiques, implication et mission),
- l'identité politique (modalités de fonctionnement, de légitimation et de représentation du pouvoir, ambitions et volonté politique du dirigeant).
La communication de chaque collectivité territoriale dépend ainsi à la fois des institutions et des hommes, qu'ils soient responsables techniques, responsables politiques ou récepteurs des messages.
L'observation, un peu plus concrète, des communications de la Ville de Lyon et du Département du Rhône autour de l'événement assez exceptionnel que constitue l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Unesco, ne pouvait donc se dissocier d'une étude plus large des spécificités et des implications à la fois politiques, territoriales et institutionnelles de chacune de ces collectivités. Cette analyse révèle ainsi deux manières de saisir l'opportunité et la nécessité de communiquer sur ce thème, deux politiques de communication différentes mais complémentaires, s'intégrant dans les stratégies plus globales d'action et de communication de la Ville et du Conseil Général. Cette étude souligne également la constante imbrication des politiques de communication sur un même territoire et l'absolue nécessité de raisonner davantage en terme d'intérêts que de compétences à communiquer. Intégrant de nombreux paramètres, tels la volonté politique des dirigeants, la superposition et le degré d'implication des institutions ou les lignes de communication qui leur sont propres, une analyse en terme d'intérêt permet de mieux saisir les raisons de la relative coopération du Département, d'un certain effacement de sa part, face à la communication plus tonitruante de la municipalité. Bruno Delas explique ainsi l'engagement plus ambitieux de la Ville de Lyon dans une politique d'image, suite à la reconnaissance internationale du site historique, en soulignant : « c'est davantage "communiquer pour quoi faire" qui est la question à poser au Conseil Général ! Quant à la Ville de Lyon, il est manifeste qu'elle avait intérêt à communiquer sur son image qui trouve un point d'ancrage sur ce thème du Patrimoine de l'Humanité » 187 . En terme d'intérêt à communiquer, il s'agissait donc pour la Ville, et seulement dans une moindre mesure pour le Conseil Général, « de ne pas laisser tomber ce nouveau souffle qui se présentait » 188 .
« Une ville entre toutes exerce sur mon âme une inexplicable puissance d'émotion et de rêverie : cette ville est Lyon. A Lyon, plus qu'à Rome, plus qu'à Paris, la nature a rendu visible, palpable, sous forme matérielle et dans la physionomie même des lieux, la lutte de deux âmes et de deux esprits ».
Jules Michelet
L'analyse théorique de la nécessité et de l'opportunité d'une communication autour de l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine mondial de l'Humanité, puis l'observation plus concrète des deux politiques, différentes mais non distinctes, de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône à cet égard, permet d'appréhender, de percevoir la complexité des mécanismes de la communication publique locale et l'imbrication de nombreux paramètres lors de la définition d'actions, même spécifiques, de communication territoriale. Elle rappelle également que la communication relève indéniablement moins d'un devoir, d'une obligation d'information minimale que d'un choix de fonctionnement pour les institutions et leurs responsables. La communication locale s'étend aujourd'hui bien au-delà d'un minimum légal !
Cependant, comme le souligne cette étude, on ne communique pas simplement pour communiquer. L'efficacité, l'adéquation entre le bénéfice recherché par l'annonceur et l'impact réel des messages sur les récepteurs, requiert l'existence préalable d'une véritable stratégie. Stratégie nécessitant une vision à la fois très large et très fine de la communication et de ses répercussions, une vision recouvrant de nombreux domaines et de nombreux aspects.
Saisir l'opportunité ou la nécessité de communiquer sur un événement tel la reconnaissance internationale dont bénéficie désormais le site historique de Lyon ne suffit pas, l'élaboration d'une politique de communication efficace implique une étude plus approfondie des spécificités de chaque collectivité, du contexte, de l'environnement territorial, politique, économique, institutionnel, social ou culturel dans lequel s'inscrieront d'éventuelles opérations. Si l'inscription de Lyon par les instances de l'Unesco peut ainsi constituer, pour chaque collectivité une occasion de valorisation et de légitimation institutionnelle ou politique, toute campagne de communication spécifique à l'événement doit cependant s'intégrer dans leur stratégie plus globale d'action et de communication et répondre aux ambitions et volontés politiques des dirigeants. Chaque territoire, chaque collectivité dispose de spécificités qui lui sont propres, d'une singularité qui confère un caractère unique à sa communication. Toutefois, la réussite de toute opération de communication locale nécessite l'entretien, le respect ou le contrôle d'une certaine cohérence, d'une certaine clarté des messsages sur un même territoire, dans la mesure où la cacophonie, la prolifération des sources réduit ostensiblement l'efficacité des émissions auprès des récepteurs, autant que la crédibilité des institutions se menant concurrence.
Aussi le Conseil Général du Rhône et la Ville de Lyon n'ont-ils pas réagi de manière identique face à la prestigieuse distinction décernée le 5 décembre 1998 à l'ancienne Capitale des Gaules. La municipalité a décidé de s'appuyer sur la référence du Patrimoine mondial afin de se donner les moyens de ses ambitions, de conforter ses prétentions d'ouverture et de rayonnement international, si chères à Raymond Barre. Tandis que le Département semble quant à lui privilégier la cohérence et la clarté des messages, l'entretien de relations cordiales avec les élus municipaux, en adoptant une attitude plus discrète, une politique de communication "complémentaire" à celle de la Ville, selon les propres termes de Christophe Noël et d'Isabelle Lagarde, responsables de la communication au Conseil Général du Rhône, une politique de communication suivant quelque peu les orientations de la municipalité.
Aujourd'hui reconnue comme un service parmi tant d'autres, la communication publique est cependant un secteur sensible, parfois perçu comme un champ d'appropriation de l'expression et du pouvoir. Redoutant un procès d'intention en manipulation ou bien craignant que ne soit substituée à la nature même de la communication institutionnelle "tendant à l'échange et au partage d'information d'utilité publique" 189 , une rhétorique électoraliste, certains nient ou d'autres décrient ainsi l'intervention de paramètres politiques dans la définition et l'application des stratégies de communication des collectivités locales. Mais à travers ce perpétuel débat autour des rapports entre communication politique et communication institutionnelle, transparaît une réflexion plus profonde sur le rapport au citoyen, la volonté de transparence et de dialogue des hommes politiques, des services publics et des institutions.
Défini comme « du Raymond Barre. Prestige international ! » 190 , le projet de communication sur trois ans de la Ville de Lyon, bien qu'il ait été voté à l'unanimité et qu'il soit prévu sur une période dépassant le mandat en cours, n'a d'ailleurs pas été exempt de tout soupçon de la part des journalistes ou d'habitants. De la même manière, l'attitude du Conseil Général face à l'inscription du site historique au Patrimoine de l'Unesco conduit à s'interroger sur l'existence éventuelle d'un intérêt politique de Michel Mercier à la discrétion de la communication de l'institution.
Bien que le législateur se soit attaché à vouloir clarifier les relations entre communication publique et communication politique 191 , la frontière entre ces deux dimensions reste cependant assez floue. Car si la commmunication n'est pas la base du politique, si elle n'est pas toujours purement motivée par des ambitions électorales, c'est elle qui met en musique, qui accompagne les actions et projets inhérents à une politique publique, au programme des équipes dirigeantes en place. Pierre Zemor souligne ainsi que « la communication publique comme toute communication d'ailleurs, doit trouver sa modestie à ne pas vouloir exister par elle-même. Elle doit accompagner les décisions, les actions, les politiques publiques au point de s'y fondre, d'y être intimement intégrée ». Promouvoir une collectivité, c'est donc promouvoir ses composantes humaines, sociales, culturelles, économiques, patrimoniales, etc. mais c'est aussi promouvoir le projet politique mis en place.
Il convient alors de distinguer la volonté politique des élus, volonté affichée dans un plan de mandat et correspondant aux orientations d'une politique publique délibérée ; et leurs ambitions électorales plus personnelles. En effet, si le développement de rhétoriques, de logiques électoralistes, n'est pas souhaitable au sein de toute communication publique (locale ou non), nul ne peut imposer la disparition de tout paramètre politique sans craindre, ensuite, un caractère quelque peu aseptisé du contenu des messages diffusés par les annonceurs publics.
Les politiques de communication de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône autour de l'inscription du site historique de Lyon au Patrimoine de l'Humanité se fondent ainsi indéniablement dans les projets et volontés politiques respectives de Raymond Barre et Michel Mercier. Mais, s'il semblait important d'évoquer la possible influence de préoccupations plus partisanes, plus électoralistes, la question de leur intervention et de leur réelle portée, ne peut quant à elle être élucidée avec certitude.
La construction d'un jugement, d'une évaluation qualitative de ces deux politiques de commmunication à la fois différentes, non distinctes et complémentaires, manque peut-être à ce travail. Mais peut-on de façon pertinente, décerner le prix de "la meilleure communication territoriale sur le thème du référencement du site historique de Lyon au Patrimoine mondial" à l'une ou l'autre de ces approches si différentes, se basant sur la gestion de réalités, elles-aussi, différentes ?
Ces deux expériences, et notamment le plan de communication lancé en avril par la municipalité, s'inscrivent de surcroît dans le long terme. Comme le souligne Michel de St Etienne, « on ne change pas l'image d'une ville en un an seulement, ni même d'ailleurs en trois ans » 192 ! L'inscription étant encore relativement récente, les politiques de communication de la Ville de Lyon et du Conseil Général du Rhône n'en sont encore qu'à leurs débuts. Aussi cette analyse ne dispose-t-elle pas de véritable indicateur d'impact, si ce n'est, au niveau local, des résultats de l'enquête "Patrimoine" réalisée en février 2000 par un groupe d'étudiants en DESS "Promotion et développement des aménagements touristiques", sous l'égide de la Chambre de Commerce et de l'Industrie de Lyon.
Effectuées sur les lieux du site auprès des habitants de la communauté urbaine de Lyon de 15 ans et plus, celle-ci indique certes une connaissance de plus en plus répandue de l'inscription (70% des Lyonnais interrogés contre 45% en juin 1999, selon un sondage IPSOS commandité par la Ville de Lyon 193 ), mais également une vision peu précise des quartiers concernés et des motivations de la décision du Comité du Patrimoine mondial 194 . 26% des personnes sondées affirmaient cependant être prête à s'investir dans l'accueil des visiteurs. Le sondage IPSOS de juin 1999, révèle d'autre part, l'ignorance de la reconnaissance de Lyon par neuf Français sur dix, malgré l'annonce par Bruce Redor, directeur de l'Office du Tourisme, d'une fréquentation en hausse de 10 à 20% par rapport aux années précédentes 195 .
Effectuées avant la grande exposition "Lyon, Patrimoine mondial de l'Humanité" organisée au Musée Gadagne, et avant même le lancement de la campagne de communication sur trois ans de la municipalité, ces indicateurs apparaissent faiblement significatifs, bien qu'ils laissent percevoir l'ampleur des efforts à fournir au niveau local, mais surtout au niveau national et international. Propager la nouvelle de l'inscription au Patrimoine mondial, faire connaître Lyon ou améliorer l'image de la ville, implique ainsi une certaine persévérance, une certaine continuité des opérations de communication, notamment vers l'extérieur. De véritables retombées ne pourront s'inscrir que dans la durée. Reste désormais à savoir, si le vaste plan de communication de la Ville franchira le cap des élections municipales de 2001, voire même s'il sera reconduit à son terme (2002).